Loi pénalisant la négation des génocides : le Conseil constitutionnel est saisi
Des députés et sénateurs de tous bords politiques ont saisi mardi 31 janvier le Conseil constitutionnel contre le texte pénalisant la négation des génocides - le génocide arménien ici - et bloquant sa promulgation, à la grande satisfaction d'Ankara.
Le Conseil constituionnel a été saisi mardi 31 janvier de deux recours de la part de parlementaires contre la loi pénalisant la négation des génocides. Ce texte vise, sans le nommer, le génocide arménien de 1915.
Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a salué "une démarche conforme à ce qu'est la France". Les relations franco-turques "vont se détendre. On risquait une rupture. Nous attendons maintenant la décision du Conseil constitutionnel", a réagi le porte-parole de l'ambassade turque à Paris.
La proposition de loi de la députée UMP Valérie Boyer, votée le 22 décembre par l'Assemblée nationale, a été définitivement adoptée par le Parlement le 23 janvier avec un ultime vote du Sénat.
Soutenu par les deux principaux partis, l'UMP et le PS, ainsi que par le président de la République, ce texte a provoqué la colère de la Turquie, partenaire stratégique majeur de la France.
"Une bombe atomique pour l'Elysée"
Le premier recours émane du Sénat et a été initié par le président du groupe RDSE (à majorité radicaux de gauche), Jacques Mézard, et a recueilli 77 signatures, alors que 60 seulement sont nécessaires pour une saisine. Le second recours émane de 65 députés menés par Jacques Myard (UMP) et Michel Diefenbacher (UMP).
Le Conseil constitutionnel peut censurer une loi qu'il juge contraire à la Constitution, s'il est saisi par 60 députés, 60 sénateurs, le chef de l'Etat, le président de l'Assemblée nationale ou celui du Sénat.
Ce recours bloque la promulgation de la loi par le président de la République, ce qui doit intervenir dans les 15 jours suivant l'adoption du texte s'il n'y a pas de contestation. Les "Sages" doivent statuer dans un délai d'un mois.
Les deux recours ont été signés par des parlementaires de toutes tendances politiques. Cela témoigne du malaise de la classe politique face à ce texte jugé par beaucoup "électoraliste" à l'approche des grandes échéances, présidentielle et législatives.
Ces saisines sont "une bombe atomique pour l'Elysée qui n'a rien vu venir", a déclaré le député UMP Lionel Tardy.
Sur les 65 députés signataires, 52 sont UMP ou Nouveau Centre, 11 sont socialistes et deux non inscrits. Les 77 sénateurs signataires se répartissent en 22 PS, 18 UMP, 15 RDSE, 12 centristes, 8 écologistes et 2 communistes.
Le projet de loi prévoit un an de prison et 45.000 euros d'amende en cas de contestation ou de minimisation de façon outrancière d'un génocide reconnu par la loi française.
Deux génocides, celui des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale - la Shoa - et celui des Arméniens perpétré par les Turcs de l'Empire ottoman en 1915 -, sont reconnus, mais seule la négation du premier est pour l'instant punie.
La Turquie réfute le terme de génocide, même si elle reconnaît que des massacres ont été commis et que quelque 500.000 Arméniens ont péri en Anatolie entre 1915 et 1917, les Arméniens évoquant quant à eux 1,5 million de morts.
Ankara est un important partenaire économique de Paris, avec 11,7 milliards d'euros d'échanges en 2010, 400 entreprises françaises implantées en Turquie et 11,5 milliards d'euros d'investissements directs cumulés français.
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