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Pourquoi il est caricatural de dire, comme Nicolas Sarkozy : "Nos ancêtres sont les Gaulois"

L'ancien chef de l'Etat a affirmé lors d'un meeting qu'à partir du moment où l'on devient français, "l'on vit comme un Français et nos ancêtres sont les Gaulois". Une affirmation à mi-chemin entre la réalité historique et le mythe.

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La statue de Vercingétorix à Alise-Sainte-Reine (Côte-d'Or). (ESCUDERO PATRICK / HEMIS.FR / AFP)

Nicolas Sarkozy, candidat à la primaire à droite pour 2017, a affirmé qu'à partir du moment où l'on devient français, "l'on vit comme un Français et nos ancêtres sont les Gaulois", lundi 19 septembre, lors d'un meeting de sa campagne pour la primaire à droite à Franconville (Val-d'Oise). 

Sarkozy : "dès que l'on devient français, nos ancêtres sont gaulois"
Sarkozy : "dès que l'on devient français, nos ancêtres sont gaulois" Sarkozy : "dès que l'on devient français, nos ancêtres sont gaulois"

Une sortie qui n'a pas manqué d'être allègrement moquée sur Twitter : 

Franceinfo vous explique pourquoi l'expression employée par l'ancien chef de l'Etat est pour le moins caricaturale.

Parce que la Gaule est une fiction géographique

Le nom de Gaule vient du latin gallia et désigne pour les Romains l'espace occupé par des tribus qui menaçaient Rome à partir du IVe siècle avant J.C. dans le nord de la péninsule italienne. "La première 'Gaule' est donc en Italie !" note l'historienne Suzanne Citron, auteur de Le mythe national, l'histoire de France revisitée, sur Rue89.

Au milieu du premier siècle, César atteint le Rhin et décrète que le fleuve sera la frontière entre "Gallia" et "Germania". La Gaule correspond donc à une zone géographique extrêmement large qui va bien au-delà de la France telle que nous la connaissons aujourd'hui. Elle est morcelée en dizaines de territoires occupés par autant de peuples celtes, que l'on appellera "Gaulois" des siècles plus tard. Mais à l'époque, on est loin d'une nation fédérée comme semble l'entendre Nicolas Sarkozy.

Parce que nos ancêtres ne sont pas que des Gaulois

Plongeons-nous dans ces tribus celtes qui composent la Gaule telle que l'entendaient les Romains. On y trouve une soixantaine de peuples comme les Ambiens (Picardie), des Tricastins (Drôme), les Andegaves (Angers), les Parisii (Ile-de-France) mais aussi les Arvernes en Auvergne, commandés par le plus célèbre des Gaulois : Vercingétorix. Cette Gaule englobe également des Bellovaques, installés dans l'actuelle Belgique, ou encore des Helvètes basés en Suisse. Un territoire bien différent de notre France actuelle. Comme le fait remarquer sur Twitter l'historienne Mathilde Larrere, avec un peu d'exagération, même les "Allemands pourraient se revendiquer Gaulois".

Mais c'est ce que l'on ne trouve pas dans cette liste qui pose le plus problème pour valider la sortie de Nicolas Sarkozy. En effet, cette désignation ne prend pas en compte les Basques, les Bretons ou les Normands. Des populations issues des migrations et des invasions postérieures ou antérieures à la fameuse Gaule de Vercingétorix. Impossible dans ce cas d'affirmer que nos ancêtres sont seulement les Gaulois, même s'il est vrai que les Gaulois (plus exactement, les Celtes) font partie de nos ancêtres... parmi d'autres, notamment les Romains puis, plus tard, plusieurs peuples germaniques. Il faudra d'ailleurs attendre le chef de l'un d'entre eux, un certain Clovis, roi des Francs, pour voir le nom de "France" apparaître.

Enfin, affirmer "nos ancêtres sont les Gaulois", c'est aussi occulter les importantes migrations du XXe siècle (Italiens, Polonais puis Africains). Et se limiter à l'espace géographique de la France métropolitaine.

Parce ce que le concept est né dans les manuels d'histoire de la IIIe République 

Nicolas Sarkozy n'est pas le premier à utiliser cette expression. Son origine remonte aux débuts de la IIIe République. On exhume alors Vercingétorix, jusque-là complètement ignoré dans l'histoire de France. Napoléon III désigne lui-même le site d’Alésia, en Côte-d’Or, comme le théâtre de la grande bataille finale du héros. Dans les manuels scolaires d'une école désormais obligatoire, on vante ces fiers guerriers défenseurs de la Gaule face à l'envahisseur romain, alors que la France est menacée par l'Allemagne.

"L’histoire de la France 'Gaule' et d’un peuple français d’origine 'gauloise' fabriquée au XIXe siècle correspond à la vision des fondateurs de la République et garantit à leurs yeux l’unité et l’indivisibilité nationale", précise Suzanne Citron sur Rue89. L'historienne Laurence Decock précise que ces manuels étaient au service d'un "projet d'homogénéisation nationale".

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