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L'article à lire pour comprendre la primaire à droite

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
François Fillon, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, le 5 septembre 2015 lors de l'université d'été des Républicains, à La Baule (Loire-Atlantique). (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

Huit prétendants ont réussi à obtenir les parrainages d'élus et de militants nécessaires. Franceinfo vous dit tout ce qu'il faut savoir sur ce scrutin.

La course à l'Elysée est bel et bien lancée. Huit prétendants à l'investiture ont déposé, le 9 septembre, leur candidature à la primaire de la droite. L'occasion de se pencher sur toutes les questions, évidentes ou moins évidentes, concernant cet exercice, inédit dans cette famille politique, qui se tiendra les 20 et 27 novembre.

Pourquoi une primaire à droite ? Je croyais que Sarkozy n'en voulait pas... 

L'idée a germé dès 2012. Après la défaite de Nicolas Sarkozy à la dernière présidentielle, et son retrait (provisoire) de la vie politique, la droite, privée de leader naturel, s'est logiquement tournée vers ce système qui avait fait ses preuves, quelques mois auparavant, à gauche.

Ce n'est qu'en mai 2013, après la violente bataille entre Jean-François Copé et François Fillon pour la présidence de l'UMP, qu'a été acté "le principe d'une primaire ouverte pour la désignation du candidat de la droite et du centre soutenu par l'UMP à l'élection présidentielle". Une primaire que les partisans de Nicolas Sarkozy, dans l'attente du retour de leur champion, auront tenté d'éviter. En vain.

Je suis de gauche. Je peux aller voter quand même ?

La primaire imaginée par les dirigeants de la droite est une primaire "ouverte", ce qui signifie que tous les électeurs peuvent voter : pas besoin d'adhérer aux Républicains, ni à une autre formation participant à la primaire. Toute personne inscrite sur les listes électorales françaises peut donc voter, ainsi que les mineurs qui auront 18 ans à la date de l'élection présidentielle.

Toutefois, pour limiter tout risque de parasitage par des électeurs venus d'autres camps, il faudra, au moment du vote, adhérer à la "Charte de l'alternance" (fichier PDF) en ces termes : "Je partage les valeurs républicaines de la droite et du centre et je m’engage pour l’alternance afin de réussir le redressement de la France." Enfin, chaque votant devra s'acquitter de la somme de deux euros à chaque tour de scrutin. A titre de comparaison, la primaire socialiste de 2011 demandait une participation minimum d'un euro pour l'ensemble du scrutin.

On m'a dit que Morano, Guaino et d'autres n'ont pas réussi à obtenir les parrainages. C'était si difficile d'être candidat ?

Parvenir à être candidat dans le cadre de cette primaire n'était pas chose donnée à tout le monde. Précisons tout d'abord que chaque parti impliqué dans ce scrutin a fixé ses propres règles concernant les candidatures issues de leurs rangs. Ainsi, Jean-Frédéric Poisson s'est directement qualifié car il a été choisi pour représenter le Parti chrétien-démocrate (fondé par Christine Boutin), dont il est président. Quant au Centre national des indépendants et paysans (CNIP), un petit parti de droite, il a décidé de ne pas présenter de candidat. L'UDI, de son côté, a décidé de ne participer à ce scrutin appelé "primaire de la droite et du centre" qui, dans les faits, ne concerne plus que la droite.

Pour les prétendants issus des Républicains, c'était plus compliqué : le parti a imposé des conditions drastiques. Pour voir sa candidature validée, il fallait réunir un certain nombre de parrainages d'élus et de militants :

- 250 parrainages d'élus (parlementaires, maires, conseillers départementaux et régionaux…). Ces élus pouvaient appartenir à un autre parti que Les Républicains, mais devaient dans tous les cas signer la "Charte de l'alternance". Ces élus devaient provenir d'au moins 30 départements et il ne fallait pas que plus d'un dixième d'entre eux soient issus du même département. Enfin, la condition la plus difficile : parmi les 250 élus, au moins 20 devaient être des parlementaires.

- 2 500 adhérents des Républicains à jour de cotisation. Ceux-ci devaient être répartis sur au moins 15 départements. Comme pour les élus, plus d'un dixième d'entre eux ne pouvaient provenir du même département.

Avec de tels critères, la barre était placée très haut. "Si le PS avait retenu les mêmes règles que nous, il n’est pas certain que Manuel Valls aurait pu se qualifier", reconnaît le député Thierry Solère, président du comité d’organisation de la primaire, cité par Libération

Résultat : en plus de Jean-Frédéric Poisson, seuls sept candidats ont réussi à respecter ces conditions. Il s'agit d'Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, François Fillon, Jean-François Copé, Nathalie Kosciusko-Morizet et Hervé Mariton. La Haute autorité doit rendre officielle le 21 septembre la liste des candidats autorisés à se présenter.

 

On est en 2016, j'imagine qu'on pourra voter en ligne ?

Non, c'est le bon vieux vote papier qui a été retenu, jugé plus sûr et plus transparent que le vote en ligne. Partout en France, 10 228 bureaux de vote seront ouverts le 20 novembre (et le 27 en cas de second tour). La répartition des bureaux sur le territoire a donné lieu à d'âpres négociations entre les différentes écuries. Pour schématiser, il y aura davantage de bureaux de vote dans les zones où la droite a obtenu de bons résultats lors de l'élection présidentielle de 2012, et moins dans celles où elle est plus faible.

La question des modalités de vote pour les Français de l'étranger a également donné lieu à plusieurs rebondissements. Finalement, la Haute autorité de la primaire a décidé (fichier PDF) que les Français de l'étranger pourraient s'exprimer par un vote électronique, au grand dam de Nicolas Sarkozy, qui réclamait un vote papier.

Ce genre d'élection, ça coûte cher à organiser ! C'est encore le contribuable qui va payer ?

La Haute autorité de la primaire estime que cette élection coûtera entre cinq et huit millions d'euros. A raison d'une participation des électeurs de deux euros par tour (soit quatre euros au total), le scrutin pourrait s'autofinancer si deux millions d'électeurs se rendent aux urnes (les sympathisants de gauche ont été 2,8 millions à le faire en 2011).

Si un bénéfice est dégagé, "l'argent récolté servira à financer la campagne présidentielle du candidat désigné", assure la Haute autorité.

J'ai vraiment du mal à m'y retrouver dans les programmes. Y aura-t-il des débats pour y voir plus clair ?

Il y aura trois débats avant le premier tour. Le premier, le 13 octobre, sera diffusé sur TF1 et RTL. Le deuxième, le 3 novembre, sur BFMTV et i-Télé. Le troisième, le 17 novembre, sera organisé par France Télévisions et Europe 1. Enfin, l'éventuel débat d'entre-deux-tours se tiendra jeudi 24 novembre, codiffusé sur TF1, France 2 et France Inter.

La dernière élection à droite, ce n'était pas reluisant... C'est sûr qu'il n'y aura pas de triche cette fois ?

Après le psychodrame du duel Copé-Fillon lors de la bataille pour la présidence de l'UMP, les dirigeants des Républicains ont essayé de mettre toutes les chances de leur côté pour organiser le scrutin le plus transparent possible et éviter les accusations de triche. A la fin 2014, Nicolas Sarkozy a accepté de nommer Thierry Solère, un proche de Bruno Le Maire, à la tête de la commission d'organisation de la primaire. Une commission à laquelle participent des représentants de chacun des principaux candidats et qui se veut indépendante du parti. C'est cette commission qui a dressé la liste des bureaux de vote et désigné les référents locaux qui, dans chaque département, sont chargés d'organiser le scrutin.

Au-dessus de cette commission se trouve la Haute autorité de la primaire, chargée de veiller à la régularité du scrutin et à l'égalité entre les candidats, d'examiner les réclamations et de proclamer les résultats. Elle est présidée par la juriste Anne Levade, professeure de droit public.

De toute façon, Juppé est sûr de gagner, non ? Ça sert vraiment à quelque chose de voter ?

A deux mois de la primaire, les sondeurs ne sont plus sûrs de rien. Alors qu'Alain Juppé bénéficiait d'une très large avance il y a quelques mois (jusqu'à 22 points à la mi-mars), Nicolas Sarkozy s'est refait une santé et les deux candidats sont désormais donnés à égalité au premier tour.

Derrière, les outsiders sont clairement distancés. Selon les dernières enquêtes d'opinion, Bruno Le Maire et François Fillon recueillent chacun autour de 10% des intentions de vote. Les quatre autres candidats ayant réussi à obtenir les parrainages requis (Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé, Hervé Mariton et Jean-Frédéric Poisson) ne passent pas la barre des 5%.

Tous ces pronostics sont cependant à prendre avec une extrême précaution. D'abord, les différentes enquêtes d'opinion ne se sont, jusqu'à présent, basées que sur une liste virtuelle de candidats. Les sondeurs manquent, en outre, de repères sur le corps électoral à prendre en considération. De l'avis général, une forte participation favoriserait Alain Juppé, tandis qu'un scrutin centré sur le noyau dur des sympathisants avantagerait Nicolas Sarkozy. Mais surtout, la campagne interne n'en est qu'à ses balbutiements, et peut encore réserver bien des surprises.

J'ai eu la flemme de tout lire et j'ai scrollé vers le bas, vous me faites un petit résumé ?

La primaire de la droite, qui se déroulera les 20 et 27 novembre, désignera le candidat soutenu par Les Républicains et deux autres petits partis à la présidentielle de 2017. S'inspirant plus ou moins de la primaire organisée en 2011 par le PS, ce scrutin est ouvert à tous les Français inscrits sur les listes électorales moyennant l'adhésion à une charte et une petite participation financière. Pour le moment, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy sont au coude à coude, mais la campagne, au cours de laquelle trois débats télévisés sont programmés, n'a pas encore réellement commencé.

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