Au Salon de l'agriculture, Bruno Le Maire prend le temps de labourer le terrain
Afin de marquer sa différence avec ses concurrents de droite et du centre, l'ancien ministre de l'Agriculture a passé trois journées à arpenter les allées du grand raout agricole de la porte de Versailles.
"Hé, salut toi ! Comment il s'appelle ?" A le voir s'accroupir pour faire une bise à un bambin qui déambule avec ses parents dans les allées du Salon de l'agriculture, mercredi 2 mars, rien ne différencie Bruno Le Maire des autres responsables politiques qui se pressent depuis cinq jours dans le Parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris.
Il faut reculer de quelques pas pour réaliser que quelque chose cloche. Là où le matin même, Nicolas Sarkozy était entouré d'une cohorte impénétrable de journalistes et de curieux en quête de selfies, seule une dizaine de personnes se pressent autour de l'ancien ministre de l'Agriculture.
Si Bruno Le Maire se promène dans un calme relatif, alors même qu'il est en campagne pour la primaire de la droite et du centre, c'est qu'il est sur le point de terminer sa troisième journée sur les lieux. Un temps de présence bien supérieur à celui de ses concurrents, et que ses soutiens ne se privent pas de vanter sur les réseaux sociaux.
Petit clin d'œil ! Cc @BrunoLeMaire @AvecBLM @Salondelagri #Agriculture via @leParisien_pol pic.twitter.com/Rz5AcijDnm
— Lecornu Sebastien (@SebLecornu) March 2, 2016
"Je suis venu donner du temps aux agriculteurs"
Lorsqu'on lui demande les raisons de ce séjour prolongé, l'ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin déroule un argumentaire bien rodé. "C'est une façon pour moi de donner du temps et de la considération aux agriculteurs, d'être à l'écoute de leurs difficultés et de leurs angoisses", explique-t-il, tout en se défendant de vouloir "[se] différencier à tout prix" de ses rivaux.
Et d'assurer ne pas craindre que ces derniers lui volent la vedette en transformant leur venue en événement politique, souvent couvert en direct par les chaînes d'information en continu.
J'ai beaucoup de respect pour le métier de journaliste, mais je suis venu ici pour partir à la rencontre des gens, pas des caméras.
Dans l'entourage du candidat, le discours est un peu plus offensif. "Chacun son style, mais nous, nous ne sommes pas dans l'hystérisation de la campagne. Après avoir passé trois jours ici, nous serons pendant 48 heures à Marseille : on veut prendre le temps", résume un conseiller.
"Les éleveurs sont souvent entendus, rarement écoutés"
Chez les éleveurs, cette stratégie est plutôt bien vue. "A part pour Stéphane Le Foll, qui est très grand, on ne voit pas vraiment les politiques passer sous la nuée de micros", s'amuse Cécile Ducoulombier, qui élève des vaches de race aubrac dans le sud du Cantal. "Et puis cela va tellement vite ! Les collègues éleveurs qui arrivent à leur parler sont souvent entendus, mais rarement écoutés", continue la quadragénaire. "La plupart viennent entourés de gardes du corps, on ne peut pas les approcher, ça ne sert à rien", renchérit Robert Borel, propriétaire de 45 vaches laitières à Ally (Haute-Loire).
En vingt-cinq heures passées porte de Versailles, Bruno Le Maire a eu pour sa part le temps de discuter. Le ton a parfois été vif, à l'image de cet échange avec Pierre Vaugarny, de la Fédération nationale bovine, qui juge sévèrement les effets de la loi de modernisation de l'économie adoptée sous le gouvernement Fillon.
Malheureusement pour l'ancien ministre, ce n'est pas parce que les professionnels du secteur saluent globalement son long passage au Salon de l'agriculture qu'ils se transformeront pour autant en fervents partisans. "Nous avons discuté pendant cinq minutes du problème des loups qui attaquent régulièrement mon cheptel", raconte Cyril Lacroix, éleveur de moutons dans l'Aubrac, qui a perdu 25 bêtes en moins d'un an.
Je me suis senti écouté, mais je sais bien qu'il est en campagne, et qu'il fait son boulot pour ramasser des voix.
L'agriculteur, qui ne se dit "pas de gauche", ignore encore s'il votera à la primaire de la droite. "Je n'ai franchement pas de préférence. Cela fait tellement longtemps qu'on entend des promesses... Maintenant, il nous faut du concret", soupire-t-il. Le temps n'arrange pas tout.
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