Législatives : cinq raisons qui expliquent la difficile campagne des députés LR
Les Républicains se retrouvent pris en étau entre le Front national et la stratégie de dépassement des clivages d'Emmanuel Macron. En ces temps de recomposition politique, les députés LR sont à la peine.
Les temps sont durs à droite. Après une campagne présidentielle minée par les affaires du candidat Fillon, Les Républicains tentent de se remettre debout. Mais la bataille des législatives s'annonce compliquée pour la droite parlementaire. Officiellement, l'objectif reste d'imposer à Emmanuel Macron "un partage des responsabilités", selon les mots de François Baroin confiés au Parisien.
Le nouveau chef de file des Républicains se verrait bien à Matignon en juin, mais il ne peut ignorer les enquêtes d'opinion favorables à La République en marche (LREM), le mouvement du nouveau président. Selon un sondage Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions publié mardi 30 mai, l'alliance LREM-MoDem est créditée de 29,5%, loin devant les candidats LR-UDI (22%) et le Front national (18%). Franceinfo se penche sur cinq facteurs qui peuvent expliquer les difficultés rencontrées par les députés LR.
1La prime au président élu
La Ve République est ainsi faite. Le président élu en mai a toujours été en position très favorable pour les législatives de juin et, depuis 2002, l'instauration du quinquennat a figé ce calendrier. "Les élections législatives se situent toujours dans l'ombre de la victoire d'un homme", confirme à franceinfo Philippe Braud, enseignant-chercheur associé au Cevipof. Le politologue ajoute que la dynamique autour du président élu semble accentuée, pour ces législatives, par la perte d'influence des partis traditionnels, par le positionnement "ni gauche, ni droite" d'Emmanuel Macron et par le "sans-faute politique" réalisé pour l'instant par le nouveau chef d'Etat.
2La confusion des électeurs
La donne politique connaît une brutale évolution ces derniers mois, avec l'arrivée d'Emmanuel Macron au centre du jeu politique. Résultat, certains électeurs ne savent plus trop vers qui se tourner. "Sur les affiches, beaucoup de candidats gomment leur appartenance à LR pour la remplacer par un simple 'votre député', ce qui crée un trouble dans l'opinion publique", analyse Philippe Braud.
Sur le terrain, certains deputés LR avouent qu'ils rencontrent des électeurs de droite un peu désorientés. Marie-Jo Zimmermann, candidate sur la 3e circonscription de la Moselle, se garde bien de faire un pronostic : "L'ambiance est bizarre… difficile de dire si les gens vont voter pour les candidats qu'ils connaissent ou s'ils vont vouloir mettre des coups de balai aux sortants." Daniel Fasquelle, député sortant de la 4e circonscription du Pas-de-Calais et candidat à sa succession, assure à franceinfo que sa campagne se passe bien localement, mais reconnaît des difficultés pour son parti : "Sur le plan national, c'est compliqué, il faut être honnête, Emmanuel Macron a brouillé les cartes et un certain nombre d'électeurs sont déboussolés."
Ce n'est pas comme en 1981 ou 2012 où l'on sentait la vague arriver. Cette année, les électeurs ont envie d'envoyer à l'Assemblée des gens capables d'être de vrais législateurs.
Marie-Jo Zimmermannà franceinfo
" Macron risque d'avoir une majorité, car les gens se disent 'On ne sait plus trop où on en est, mais on va essayer ça'", avoue Thierry Lazaro, candidat LR sur la 6e circonscription du Nord. Le député sortant, en lice pour un sixième mandat, pourrait être menacé par la candidate d'En marche !, mais il reste confiant sur sa réélection : "Comme me le disent certains électeurs, je fais partie des meubles." Les députés LR pourraient effectivement limiter la casse grâce à la prime au sortant, comme le confirme Philippe Braud : "Ça risque d'atténuer le désastre."
3La difficulté de se démarquer
Le positionnement transpartisan d'Emmanuel Macron complique la tâche des Républicains dans la promotion de leur programme politique. "De l'extérieur, il est très difficile de distinguer le programme de LR des intentions d'En marche !, note le politologue Philippe Braud. Ils ont voulu atténuer le programme de François Fillon jugé trop brutal, mais du coup, ils se rapprochent encore un peu plus de Macron."
On a tenu compte de ce qui s'était passé au premier tour, on a entendu le message, on n'a pas su parler à tous les Français.
Daniel Fasquelleà franceinfo
Daniel Fasquelle assure qu'il y a des différences profondes entre les deux programmes, notamment sur les questions fiscales, mais reconnaît qu'il est difficile de faire passer le message aux électeurs : "La campagne est très courte et ça prend du temps pour faire comprendre que les programmes ne sont pas identiques." Du coup, la droite martèle ses désaccords pour tenter de se démarquer, en dénonçant notamment la volonté d'Emmanuel Macron d'augmenter la CSG. "C'est logique. La mesure pourrait alourdir un peu la charge fiscale d'une partie des retraités, qui restent un bastion LR", observe Philippe Braud.
4Le poison de la division
L'arrivée au gouvernement de trois personnalités issus de LR (Edouard Philippe, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin) continue de provoquer des remous dans les rangs de la droite. Si les responsables des Républicains ont dénoncé des débauchages et des décisions individuelles, à l'inverse 173 élus ont appelé à "répondre à la main tendue" par Emmanuel Macron. La droite s'est vite divisée entre une aile modérée volontaire pour accompagner certaines réformes prônées par le nouveau président et une aile plus dure souhaitant s'inscrire clairement dans l'opposition.
Selon Daniel Fasquelle, tout est en train de rentrer dans l'ordre. LR a retrouvé son unité et veut désormais être dans une démarche constructive : "On ne veut pas être dans l'opposition systématique. On a peut-être été maladroits les premiers jours en disant qu'on voulait une cohabitation, car les gens ont compris qu'on souhaitait une situation conflictuelle, mais les choses sont maintenent claires."
La ligne paraît fixée, mais les différences sont encore grandes parmi les élus dans la manière d'envisager le phénomène Macron. "LR n'est pas tellement divisé sur le fond, mais sur la vision stratégique", note Philippe Braud. La division a d'ailleurs repris du service avec la fin du "ni-ni" annoncée par François Baroin, une position contestée par plusieurs ténors de droite, comme le détaille Le Monde.
5L'absence de leadership
Les divisions internes de LR sont renforcées par l'absence de chef, consécutive à la défaite de François Fillon au premier tour de la présidentielle. "Je pense que deux droites peuvent coexister au sein de LR, mais pour cela il faut un chef, estime le député Thierry Lazaro. Baroin joue le rôle du sapeur-pompier, mais le contexte n'est pas facile".
Une fois que tu sabres le chef, tu n'as plus de leader et ça devient compliqué.
Thierry Lazaroà franceinfo
"François Baroin est très respecté et il parvient à rassembler notre famille politique", se défend Daniel Fasquelle. Le chef de file de la droite garde le soutien de la majorité des élus de sa famille, mais les guerres de succession pourraient vite être relancées. "La question du leadership est loin d'être réglée. Une fracture peut intervenir au lendemain des législatives, entre ceux qui vont soutenir Macron et ceux qui voudront s'y opposer pour exister politiquement", prévient Philippe Braud.
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