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Investiture LR pour la présidentielle : Michel Barnier, un "fidèle" qui veut jouer les trouble-fêtes dans le duel Pécresse-Bertrand

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Une affiche "Barnier Président" lors d'un meeting à Brumath (Bas-Rhin), le 21 octobre 2021. (FREDERICK FLORIN / AFP)

L'ancien négociateur du Brexit a réussi à faire entendre sa petite musique auprès des adhérents du parti, qui choisiront leur champion pour la présidentielle lors d'un congrès le 4 décembre. 

Il y croit "dur comme fer". Daniel Fasquelle, maire LR du Touquet (Pas-de-Calais), est un convaincu de la première heure. "En avril, j'ai fait une photo avec lui lors de sa première intervention avec les députés et je l'ai envoyée à mon équipe en disant que je posais avec le prochain président de la République", s'enthousiasme le trésorier des Républicains. "Lui", c'est Michel Barnier, l'ancien commissaire européen, candidat à l'investiture du parti de la droite pour la présidentielle 2022.

On lui a vite accolé l'étiquette de "troisième homme", derrière Xavier Bertrand et Valérie Pécresse. Mais l'ancien négociateur du Brexit n'entend pas se contenter de la troisième place et espère bien ravir les suffrages des militants qui se prononceront le 4 décembre lors d'un congrès réservé aux adhérents. 

Cette ambition a longtemps prêté à sourire dans les rangs des cadres LR. Parti à Bruxelles pendant une décennie, Michel Barnier, 70 ans, s'est un peu fait oublier des Français, lui qui a pourtant connu (presque) tous les mandats dans l'Hexagone. Alors, son annonce de candidature, le 20 août, a suscité de l'étonnement, ainsi qu'un certain dédain chez les caciques des Républicains. "Au départ, l'appareil l'a traité avec un peu de condescendance. On l'écoutait poliment, certains ne prenant pas au sérieux sa capacité à s'imposer comme le candidat de la droite", remarque Daniel Fasquelle.  

"Beaucoup, chez LR, ont douté de sa détermination en se disant qu'il faisait d'abord un tour de piste puis qu'il maintenait sa candidature pour se positionner pour la suite."

Daniel Fasquelle, conseiller politique de Michel Barnier

à franceinfo

"On était quelques-uns au début à se retrouver autour de sa démarche. On n'avait pas la même exposition médiatique que les autres", se souvient également Brigitte Kuster, députée LR de Paris, elle aussi soutien de la première heure. 

La loyauté comme carte maîtresse

Mais Michel Barnier connaît ses classiques. Tel la tortue dans La Fontaine, l'ancien ministre de Jacques Chirac a mené une campagne souterraine auprès des adhérents LR en misant sur un argument massue : sa fidélité à sa famille politique. En creux, une attaque à peine voilée contre Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, qui ont quitté le parti avec fracas en 2017 et 2019. Et ont depuis repris leur carte pour participer au congrès.

"Barnier, c'est le serviteur loyal de sa famille politique. Il s'est préservé des polémiques et des aléas de la vie politique, analyse le politologue Bruno Cautrès. Dans une situation où la droite est morcelée, il veut incarner le candidat de la conciliation, celui qui permet de sortir d'un choix dramatique entre Pécresse et Bertrand". Pour le chercheur du Cevipof, "avoir maintenu une loyauté absolue à son parti après 2017, ça compte aux yeux des militants". 

Michel Barnier entouré de jeunes militants LR, lors de la rentrée des jeunes Républicains, à Paris, le 4 septembre 2021. (MAXPPP)

Une "loyauté absolue" à nuancer toutefois puisque, selon les informations de franceinfo, Michel Barnier n'a pas réglé sa cotisation pendant quelques mois en 2019. Un oubli que son entourage justifie par un emploi du temps surchargé du fait du Brexit, "qui n'était pas un non événement !". "Vous ne l'avez jamais entendu dire au journal télévisé de 20 heures qu'il quittait sa famille politique !", défend encore son équipe de campagne.

Et les militants et cadres n'ont pas oublié les mots très durs de Valérie Pécresse et Xavier Bertrand. "Lui est resté fidèle au mouvement", appuie Yannick Neuder, vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et président de la fédération LR de l'Isère. Ce dernier trouve d'ailleurs cocasse que "des élus qui nous ont quittés quand le parti allait mal reviennent maintenant et prétendent nous soigner". Il n'est visiblement pas le seul à soutenir l'ancien commissaire européen puisque selon notre enquête, Michel Barnier obtient les faveurs des présidents de fédérations.

Autre signe de la dynamique Barnier : fin septembre, dans une consultation interne révélée par L'Opinion et lancée par le député Julien Aubert sur une base de plus de 7 700 adhérents LR, Michel Barnier arrivait en tête. Mais il faut se garder de toute conclusion hâtive. Ils sont à ce jour 93 000 militants appelés à se prononcer sur le choix de leur candidat début décembre et il n'existe pas de sondage sur cette base électorale. 

La main de Laurent Wauquiez ?

Sur le terrain, les soutiens de Michel Barnier assurent cependant que la dynamique en faveur de leur champion est bien réelle. Un exemple : la rentrée des Jeunes Républicains au parc floral, le week-end du 4 et 5 septembre. Pendant que l'image de Xavier Bertrand était huée par certains militants, Michel Barnier s'offrait, lui, un petit bain de foule, enchaînant les seflies avec les jeunes militants.

"Il a eu un très bon accueil, on avait quatre tables rondes et la sienne portait sur l'international. Historiquement, ce n'est pas le thème qui intéresse le plus à droite mais là, il a réussi à captiver tout le monde", rapporte Guilhem Carayon, le président des jeunes LR qui compte 11 500 adhérents, soit la plus grosse fédération du parti

"Michel Barnier est resté fidèle à sa famille, et ça plait aux jeunes."

Guilhem Carayon, président des Jeunes Républicains

à franceinfo

L'ancrage territorial de la candidature Barnier prend également forme. Des référents départementaux ont été nommés sur 90% du territoire et une soixantaine de parlementaires soutient désormais l'ancien ministre. Une bonne partie d'entre eux vient d'ailleurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes, celle de Michel Barnier, mais aussi d'un certain Laurent Wauquiez.

Il n'en fallait pas plus pour que certains voient derrière les ambitions de l'ex-négociateur du Brexit la main de l'ancien patron de LR. Surtout que ce dernier a salué, mi-septembre sur la chaîne locale Savoie News, "un grand monsieur". "C'est une marque de respect et de bienveillance mais un soutien politique, c'est tout autre chose", nuance aujourd'hui l'entourage de Laurent Wauquiez.

Michel Barnier et Laurent Wauquiez, à Paris, le 20 juillet 2021. (MAXPPP)

Ce dernier ne devrait d'ailleurs "probablement pas" se prononcer officiellement pour un candidat, mais il reçoit volontiers les prétendants à l'Elysée qui se bousculent à sa porte. Son renoncement a cependant bien fait les affaires de Miichel Barnier, qui a récupéré une partie de ses troupes, "une grosse minorité", selon un proche de Laurent Wauquiez. "Le fait que Wauquiez ne soit pas candidat, ça a libéré certains élus qui se sont sentis libres de soutenir qui ils voulaient. Et on sait très bien que Wauquiez apprécie Barnier", glisse Daniel Fasquelle. 

A l'épreuve des débats de novembre 

Que l'adoubement de Laurent Wauquiez soit réel ou factice, la candidature de Michel Barnier a changé de stature depuis quelque temps. "On prend sa candidature très au sérieux", assure Daniel Fasquelle. Détecte-t-il une certaine fébrilité dans les camps d'en face ? "Je pense. L'appareil le traite différemment, on sent que la possibilité qu'il gagne, qui paraissait complètement improbable en juin, est devenue plausible", poursuit le maire du Touquet. Un discours, sans surprise, battu en brèche par les écuries Bertrand et Pécresse. "On est extrêmement sereins", assure un soutien du président de la région Hauts-de-France, qui en profite pour glisser une petite pique. 

"Les militants comprennent largement la différence entre un congrès pour choisir un chef de parti et un congrès pour choisir notre candidat qui est le mieux à même de performer à la présidentielle."

Un parlementaire qui soutient Xavier Bertrand

à franceinfo

"Sur 100 000 adhérents, je suis convaincu qu'une majorité ne voudra pas faire le pari d'un candidat à 5%", embraye aussi le camp Pécresse. C'est un peu exagéré mais il est vrai que, dans les différents sondages parus jusqu'à maintenant, la candidature Barnier oscille entre 7 et 10%. La présidente de la région Ile-de-France est légèrement au-dessus, tandis que la candidature Bertrand se détache plus nettement.

Michel Barnier dans un restaurant à Saverne (Bas-Rhin), le 21 octobre 2021. (FREDERICK FLORIN / AFP)

Un retard que l'équipe Barnier met sur le compte de son déficit de notoriété. "Il y a deux temps, celui du congrès puis de la présidentielle. Michel, en bon montagnard, y va marche après marche", soutient Brigitte Kuster.

Le politologue Bruno Cautrès en est moins convaincu. "Pour le moment, on ne voit pas chez Michel Barnier un candidat capable d'affirmer un tempérament pour gagner la présidentielle ou quelqu'un qui crève l'écran. Or c'est très important en face de machines de guerre telles que Macron, Le Pen, Zemmour et Mélenchon". "Les débats de novembre vont lui permettre de combler ce déficit de notoriété", rétorque Daniel Fasquelle. Ils seront effectivement décisifs pour les candidats. Reste qu'une mauvaise prestation peut aussi casser toute une dynamique électorale. 

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