Les petites phrases d'Harlem Désir, une stratégie pour exister
Avec sa sortie sur "l'esprit munichois", le premier secrétaire du PS s'est mis à dos l'opposition, mais aussi une partie de la majorité. Depuis quelques temps, il multiplie les formules assassines. Une façon de peser dans le débat public.
Est-ce la formule choc de trop ? En taxant les dirigeants de l'UMP qui tergiversent sur l'intervention en Syrie "d'esprit munichois", Harlem Désir a réussi à se mettre à dos l'opposition, mais agace également son propre camp. "Je ne voudrais pas que les mêmes qui recevaient monsieur Assad sur les Champs-Elysées le 14 juillet montrent aujourd'hui un esprit munichois face à ces atrocités", a déclaré le premier secrétaire du Parti socialiste, dimanche 1er septembre, sur Radio J.
Harlem Désir compare ainsi le refus d'intervenir en Syrie à la lâcheté dont ont fait preuve la France, le Royaume-Uni et l'Italie face à l'Allemagne d'Hitler en septembre 1938, abandonnant la Tchécoslovaquie à l'espoir, vain, d'éviter la guerre. Il fait aussi allusion à une visite controversée du dictateur syrien en 2008, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Avec cette formule assassine, Harlem Désir a réussi à faire l'unanimité contre lui. L'UMP a dénoncé des "propos ignobles et d’une extrême gravité" et, au sein de la majorité, l'embarras règne.
L'artillerie lourde pour dissiper les doutes
Ces derniers temps, Harlem Désir a multiplié les petites phrases. Des formules ciselées, préparées, destinées à faire polémique et à être reprises par les médias. Invité le 19 août sur France Info, il a fait feu de tout bois. Interrogé au sujet du séminaire gouvernemental sur la France en 2025, le premier secrétaire du PS a ironisé : "C'est autre chose que Sarkozy, qui ne voyait pas plus loin que le prochain SMS." Puis il s'en est pris à l'UMP, "fermée pour cause d'inventaire". Avant de s'attaquer à Jean-Luc Mélenchon, reprochant au leader du Front de gauche ses critiques à l'encontre de Manuel Valls : "Quand je l'ai entendu, je me suis demandé s'il n'avait pas mâché trop de feuilles de coca pendant son séjour en Amérique latine."
Des déclarations excessives et un sens de la formule qui ne font pas systématiquement mouche. Le risque, avec ce genre de phrases calibrées pour "buzzer", c'est de ne pas viser juste. Ou pire, de ne pas être pertinent, car outrancier. "Tout ce qui est excessif est insignifiant", disait le diplomate français Talleyrand.
Une offensive qui tranche avec sa première année à la tête du PS. Car Harlem Désir sait qu'il ne convainc pas. Surnommé "SOS Charisme" au sein du parti, l'ancien président de SOS Racisme a déçu tous les ténors du PS. Manque de leadership, d'autorité, Parti socialiste atone… Les critiques pleuvent et les proches de Hollande, qui ont pourtant contribué à son accession à la tête du PS, estiment que Désir "ne fait pas l'affaire".
Des initiatives ignorées, des militants distraits
Depuis dix mois à Solférino, Harlem Désir a bien tenté d'exister dans le débat public. Mais ses tentatives ont fait chou blanc. Son initiative sur le droit de vote des étrangers aux élections locales a été ignoré au sein du parti et dans les allées du pouvoir. Même chose pour le non-cumul des mandats. Quant à sa proposition de référendum sur la transparence de la vie politique, elle a provoqué des "haussements d'épaules", rapportait Le Monde.
Face aux militants, la mayonnaise ne prend pas non plus. Lors de la réunion du courant majoritaire du PS à La Rochelle, où se tenait l'université d'été du parti, le discours d'Harlem Désir n'a quasiment pas été écouté. Noyé dans le brouhaha des militants présents, il a peiné à capter l'attention. Et sur la forme, beaucoup sont restés sceptiques après ce rassemblement consacré aux "valeurs" et à la lutte contre la droite et l'extrême droite, thème de prédilection du premier secrétaire. Certains militants ont regretté que le PS ne parle pas du chômage, de la réforme des retraites ou encore de la croissance.
2014, année-test
Pour Jean-Christophe Cambadélis, ancien rival d'Harlem Désir dans la course à la tête du parti, le PS se désintéresse de la bataille des idées. "Le Parti socialiste se cherche. Il a besoin d'une ligne, d'une énergie créatrice. Il doit retrouver une place centrale dans le dispositif politique", estimait fin août le député de Paris dans Le Monde. Et d'ajouter : "Il faut que nous retrouvions vite le Harlem Désir qui fit les beaux jours de SOS Racisme (…) Nous avons besoin d'un leader d'opinion capable de s'ouvrir à tous les talents et de mobiliser les grands élus, y compris à la gauche du parti."
Harlem Désir va-t-il rester à la tête du PS dans ces conditions ? L'année 2014 fera office de test. Si les socialistes échouent aux élections municipales et européennes, la question de son maintien rue de Solférino sera dès lors criante.
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