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Les écologistes visent "un score à deux chiffres"

Après avoir mis sur orbite Eva Joly en juillet, les verts lancent leur campagne lors de leurs "journées d'été" qui s’ouvrent jeudi à Clermont-Ferrand et s'achèveront samedi après-midi par une "carte blanche" à Eva Joly.
Article rédigé par Catherine Rougerie
France Télévisions
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Pascal Canfin, Eva Joly et Yannick Jadot donnent une conférence de presse, le 31 mars 2009 à Paris, dans le cadre des élections européennes de juin 2009. (AFP - Stéphane de Sakutin)

Après avoir mis sur orbite Eva Joly en juillet, les verts lancent leur campagne lors de leurs "journées d'été" qui s'ouvrent jeudi à Clermont-Ferrand et s'achèveront samedi après-midi par une "carte blanche" à Eva Joly.

A cette occasion, le conseiller économique de l'ex-magistrate, Pascal Canfin, fait le point sur les objectifs et les propositions d'EE-LV. Rapporteur du texte sur les "ventes à découvert" au Parlement européen, l'eurodéputé revient aussi sur les propositions du couple Nicolas Sarkozy - Angela Merkel à l'issue du sommet franco-allemand et sur la nécessaire régulation des marchés financiers.

  • Nicolas Hulot a décidé de ne pas participer aux journées d'été d'Europe Ecologie-les verts. Vous le regrettez ?

P.C. C'est dommage car il est le bienvenu. Du côté d'Eva Joly, on est prêt à faire tous les gestes nécessaires, à lui proposer exactement la place qu'il souhaite occuper durant la campagne : une fonction de porte-parole, de personnalité qualifiée. Il a un rôle important à jouer car c'est un très bon passeur d'idées. Je pense qu'il est encore dans une forme de ressentiment estimant que si Eva Joly a gagné, c'est qu'elle aurait été un peu méchante. La politique, c'est un peu plus compliqué. Eva Joly a gagné car elle est davantage ancrée dans une réalité et des propositions politiques.

Nicolas Hulot doit faire son autocritique, réfléchir à sa défaite et ne pas rejeter la responsabilité sur les autres.

  • Quel est votre objectif pour la présidentielle de 2012 ?

P. C. Consolider les résultats obtenus aux élections régionales, cantonales et européennes et obtenir un score à deux chiffres, autour de 10%. Ce serait une très bonne performance. Cela doublerait le meilleur score que l'on ait fait à la présidentielle avec Noël Mamère et permettrait de peser de manière importante sur la coalition de deuxième tour afin de gouverner entre 2012 et 2017.

  • Eva Joly ira-t-elle jusqu'au bout ?

P.C. La chose est très simple. Nous pensons avoir une vraie proposition politique, pertinente, différente des autres partis qui doit faire partie du débat présidentiel. Si à un ou deux mois de l'élection, on voit qu'il y a un vrai risque de deuxième tour Nicolas Sarkozy / Marine Le Pen, c'est-à-dire une impossibilité à mettre en place une alternative à Nicolas Sarkozy, on sera responsable. On proposera aux socialistes, dans le cadre d'une discussion et d'un contrat, éventuellement de nous retirer, mais en en échange d'un contrat de gouvernement très exigeant. Aujourd'hui, ces deux options existent.

Reste que si le candidat du PS n'est pas qualifié, c'est d'abord que son projet n'est pas bon ou que sa personnalité n'est pas bonne car les conditions politiques n'ont rien à voir avec 2002 : la gauche n'est pas sortante et la dispersion à l'extrême gauche est beaucoup moins importante. On ne va donc pas nous, aujourd'hui, se mettre dans la peau de ceux qui doivent renoncer à défendre leurs idées. En même temps, on est responsable et on verra au moment venu, au maximum un mois avant la présidentielle.

Les propositions de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à l'issue du sommet franco-allemand

Résumé : Entre le manque de précisions sur le projet de "gouvernement économique" de la zone euro, l'harmonisation fiscale et la taxe sur les transactions financières qui étaient déjà dans les tuyaux et le renoncement sur les Eurobonds, Pascal Canfin estime que le bilan n'est pas exceptionnel.

  • L'une des propositions est la mise en place d'un impôt sur les sociétés harmonisé entre les deux pays. Qu'en pensez-vous ?

P. C. C'est positif en ce sens que c'est un premier pas vers l'harmonisation fiscale en Europe et alors que la concurrence fiscale est l'une cause des déficits des Etats. Ensuite, tout dépendra de l'assiette retenue et du taux. Si on harmonise vers le bas, cela risque d'être contreproductif.

  • Que proposez-vous ?

P. C. L'essentiel est d'avoir une assiette large, quitte à avoir un taux plus faible en apparence, qui permette aux deux Etats de collecter au global plus d'argent qu'ils ne le font aujourd'hui. C'est l'inverse de la fiscalité française actuelle qui repose sur un taux élevé et une assiette complètement "mitée". Il y a un texte en discussion au Conseil entre les Etats qui porte exactement là-dessus (harmonisation de l'assiette, ndlr) mais bloqué par l'Irlande et le Royaume-Uni. De ce point de vue, la relance politique de la part de la France et de l'Allemagne est plutôt bienvenue.

  • Soutenez-vous la proposition d'une taxe sur les transactions financières ?

P.C. C'est, là encore, une annonce qui n'en est pas une dans la mesure où la Commission européenne s'est déjà engagée à faire une proposition de directive en octobre. Que la France et l'Allemagne proposent de gagner un mois en fixant septembre, c'est bien. Mais dans le droit européen, la proposition de directive qui a vraiment une chance d'entrer en vigueur et de ne pas rester simplement une annonce politique, c'est la commission qui doit la faire et elle s'est engagée à la faire.

  • Comment doit s'appliquer cette taxe ?

P.C. Un taux autour de 0,05% fait à peu près consensus. Ensuite, on peut très bien imaginer, et c'est l'idée de la Commission, d'avoir un taux différencié selon le risque de délocalisation des flux financiers. On sait en effet que les marchés des produits dérivés sont plus facilement "délocalisables" que les transactions sur les actions, sur les obligations ou même sur les marchés des changes. L'idée est donc d'avoir une moyenne à 0,05% par transaction, avec un taux légèrement plus élevé pour les actions et les obligations et un peu moins fort sur les dérivés.

  • Combien pourrait-elle rapporter ?

P.C. Si on est au niveau de la zone euro, entre 50 et 100 milliards d'euros par an selon le comportement des acteurs privés en termes justement de délocalisation des transactions spéculatives. Si on est au niveau de l'Union européenne, en incluant donc le Royaume-Uni, on est plutôt proche des 150 à 200 milliards d'euros par an. Il faut rappeler que cette taxe ne concerne pas les citoyens mais, dans la réalité des marchés d'aujourd'hui, essentiellement ce que l'on appelle des "traders de hautes fréquences", c'est-à-dire toutes les machines qui ont été programmées avec des algorithmes et qui passent des ordres toutes les milli-secondes. Preuve que cette taxe peut vraiment devenir une réalité, un "lobby des traders de haute fréquence" s'est constitué pour l'empêcher.

  • L'absence d'annonce sur la création d'Eurobonds, bien que prévisible, est-elle une mauvaise nouvelle à vos yeux ?

P.C. Oui car il y a une configuration politique qui permettrait de la mettre en place et de forcer un peu l'Allemagne qui est réticente. Le Parlement européen, la Commission, y sont favorables et même la BCE. C'est un renoncement politique important de la part de Nicolas Sarkozy. Difficilement compréhensible car il n'a rien obtenu en contrepartie.

Sur le fond, c'est pourtant l'une des mesures qui permettrait de limiter considérablement le pouvoir des marchés financiers puisqu'il est beaucoup plus difficile de spéculer contre un marché européen de la dette que contre des marchés nationaux.

Au final, entre le manque de précisions sur le projet de "gouvernement économique" de la zone euro, l'harmonisation fiscale de l'impôt sur les sociétés et la taxe sur les transactions financières qui étaient déjà dans les tuyaux et le renoncement sur les Eurobonds, le bilan n'est pas exceptionnel.

Les propositions d'EE-LV en matière de politique intérieure

  • Quel est votre position sur l'idée d'inscrire la "règle d'or" budgétaire dans la Constitution ?

P.C. Nous n'y sommes pas hostiles parce que la "soutenabilité" financière est quelque chose de très important mais à une double condition :

- que l'ajustement budgétaire ne porte que sur le déficit structurel et

- qu'il passe par une augmentation des impôts des plus aisés et des multinationales et non par des coupes dans les dépenses publiques.

Le retour à l'équilibre budgétaire doit s'opérer par une augmentation importante des prélèvements obligatoires pesant sur les 5% des Français les plus riches et qui ont largement bénéficié des exonérations mis en place des dernières années. Si l'on prenait les taux d'impôt de l'an 2000, l'Etat aurait 100 milliards d'euros de recettes annuelles en plus, selon la Cour des comptes, ce qui est à peu près le montant du déficit budgétaire. Revenir en partie, et pour certains impôts, au taux de l'an 2000 permettrait donc de réduire considérablement le déficit, tout en ayant un impact social très faible, voire positif car cela permettait de réduire les inégalités.

Autre point, le projet allemand sur la règle d'or est très clair. Il porte sur les déficits structurels, c'est-à-dire en dehors de la variation conjoncturelle. Le projet français, lui, l'est nettement moins. Porte-t-il sur le déficit total ou le déficit uniquement structurel ? Ce n'est pas clair. Par ailleurs, souvenez-vous, quand Lionel Jospin était Premier ministre, il y a eu une croissance forte et plutôt que de diminuer le déficit et d'allouer cet argent au désendettement, il a préféré baisser les impôts sous la pression de la droite parlementaire qui parlait de cagnotte à redistribuer. Cela est totalement irresponsable.

Dernier point important que nous soulevons avec Eva Joly, l'évasion fiscale et les paradis fiscaux. Le manque à gagner pour l'Etat français est estimé à 30 milliards d'euros par la Cour des comptes.

Nous avons là aussi des mesures concrètes, proche de la loi adoptée l'an dernier aux Etats-Unis et qui entrera en vigueur en 2013. Notre idée est d'obliger toutes les institutions financières qui hébergent hors de France les comptes de Français, à les déclarer au fisc et à leur appliquer une taxation forfaitaire de 30%. L'obligation porte sur l'institution financière et pas sur le particulier. C'est beaucoup plus efficace car la sanction est le retrait de la licence permettant d'opérer en France.

  • Quelles sont les mesures à prendre d'urgence lors de la discussion budgétaire qui va démarrer dans quelques semaines au Parlement français ?

P.C. D'abord, le plafonnement des niches plutôt qu'un "coup de rabot", c'est-à-dire limiter la capacité pour un particulier ou une entreprise à bénéficier d'un certain nombre de niches fiscales. Cette exonération ne devrait pas représenter plus de 10% du revenu ou du bénéfice de l'entreprise. On ne devrait pas pouvoir accumuler les niches. La limite actuelle est tellement haute qu'elle n'est atteinte que par les très riches qui pratiquent l'optimisation fiscale à grande échelle.

Revenir ensuite sur un certain nombre de baisses d'impôts, notamment l'exonération des heures supplémentaires, pour financer des investissements utiles, car à côté de la "soutenabilité" financière, il y a aussi la "soutenalibilté" sociale et écologique.

Vu le chômage de masse, les exonérations des heures supplémentaires sont un non sens qui coûtent en outre, 4 milliards d'euros. Or ces ressources permettraient de financer des emplois verts dans les transports, dans l'efficacité énergétique, dans le conseil aux ménages pour réduire leur facture énergétique, dans l'isolation des bâtiments etc. Cela créerait une dynamique de création de près de 100.000 emplois à court terme tout en ayant un impact positif sur nos modes de production et de consommation.

L'essentiel est d'avoir une vision stratégique : qu'est-ce qu'on veut privilégier comme type de dépenses au regard des enjeux de demain ? Pour nous, la question de la vulnérabilité de notre mode de vie à la crise écologique est centrale. En investissant dès aujourd'hui dans certains secteurs clés, on diminuerait notre vulnérabilité aux crises écologiques tout en apportant une partie de la réponse à l'urgence sociale et économique. Cela créait de l'emploi aujourd'hui en nous mettant sur une trajectoire pertinente pour les décennies à venir.

La régulation

  • Le 12 août, il a été décidé de suspendre les ventes à découvert pendant 15 jours en France notamment. Certains s'en félicitent estimant que cette pratique est utile pour "la liquidité du marché". D'autres jugent au contraire estiment qu'elle amplifie les effets d'une crise. Qu'en pensez-vous ?

P.C. Un mot d'abord sur les marchés de capitaux, les marchés financiers. Ils sont utiles car ils permettent aux investisseurs, c'est-à-dire à ceux qui ont du capital, de soutenir le développement des activités auxquels ils croient. Les ventes à découvert, c'est exactement le contraire. C'est un pari sur la baisse de la valeur d'un titre, que ce soit une action ou une obligation. C'est typiquement une technique qui transforme le rôle d'investisseurs et d'allocations du capital des marchés financiers en un rôle de casinos et de parieurs.

C'est profondément pervers car ce n'est pas du tout cela la légitimité et l'utilité des marchés financiers. Nous serions donc pour interdire cette technique totalement et en permanence.

Au plan mondial ?

P. C. Si c'est une valeur cotée en Europe, nous sommes partisans d'interdire les ventes à découvert depuis New York ou Singapour par exemple. C'est une forme d'extra-territorialité.

On touche là un autre grand débat lié à la mondialisation car si l'on veut peser sur la mondialisation et la tirer vers le haut, on doit mettre en œuvre un droit extraterritorial. C'est exactement ce qu'ont fait les Etats-Unis avec la taxe que j'évoquais tout à l'heure.

Il est peu probable que l'interdiction des ventes à découvert trouve une majorité mais au minimum, il faudrait interdire les ventes à découvert qu'on appelle "à nu" et qui sont les plus spéculatives. Avec cette pratique, vous n'avez pas le titre, n'avez pas emprunté, ne savez pas si vous serez en capacité de récupérer ce titre sur le marché mais vous pariez quand même sur sa baisse. Dans l'économie réelle, ce n'est pas possible. Pourquoi l'autoriser dans le système financier ? C'est totalement malsain.

Comment gérer le décalage entre le temps politique et la quasi instantanéité des passations d'ordre sur les marchés financiers ?

P.C. C'est une question majeure. Le système inter-gouvernemental européen est déjà peu réactif. Mais le système communautaire, avec la codécision, avec le Parlement européen avec la Commission est encore plus long car il y a tout le processus démocratique qui se met en place.

C'est vrai, il n'y a pas de culture de l'urgence dans le fonctionnement démocratique communautaire. Après, il y a aussi une question de volonté politique.

Aujourd'hui, en Europe, les gouvernements sont majoritairement conservateurs et libéraux. Leur logiciel de base n'est pas de réglementer de manière stricte les marchés financiers. Ils ont, au contraire, largement contribué, comme une partie des gouvernements de gauche d'ailleurs, à la financiarisation de l'économie. S'ils reviennent actuellement sur leurs décisions, qui ont contribué à la crise, c'est contraint et forcé, voyant que cela ne fonctionne pas.

Il y a donc un vrai sujet concernant le fonctionnement des institutions européennes mais il y a aussi et d'abord, un problème lié aux majorités politiques.

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