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Le triple AAA de la France suspendu à un fil : l'agence Moody's remet la pression

A mots couverts ou publiquement, de plus en plus d'experts laissent entendre que la France va perdre son triple "AAA" en dépit des efforts du gouvernement. A cinq mois de la présidentielle, cette perspective serait-elle de nature à changer la donne ?
Article rédigé par Catherine Rougerie
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La façade du bâtiment où est installée l'agence de notation Moody's, à New York. (AFP - Stan Honda)

A mots couverts ou publiquement, de plus en plus d'experts laissent entendre que la France va perdre son triple "AAA" en dépit des efforts du gouvernement. A cinq mois de la présidentielle, cette perspective serait-elle de nature à changer la donne ?

Les chiffres sont là. Incontournables. En 2011, le déficit budgétaire de la France se chiffre à 95,5 milliards d'euros (5,7 % du PIB). La dette, elle, frise les 1 600 milliards, soit 85% du PIB.

Le gouvernement a prévu de le ramener à 80,8 milliards d'euros en 2012 (4,5 % du PIB). Il s'est aussi engagé à améliorer la situation des comptes du régime général de la Sécurité sociale, eux aussi dans le rouge avec un déficit global de 18,2 milliards d'euros.

L'effort de redressement engagé par le gouvernement de François Fillon suffira-t-il à préserver le AAA de la France ?

Le triple objectif affiché pour le budget de 2012 de réduction des déficits, maîtrise des dépenses et soutien de la croissance convainquera-t-il les agences de notation que la France est sur la bonne voie ?

La croissance ralentie, la tension croissante sur les marchés pour la dette française et les rappels à l'ordre réguliers des agences de notation apparaissent comme des indices précurseurs

La bourse dans le rouge

Lundi matin, l'agence de notation Moody 's a mis en garde sur les risques que fait peser la hausse des rendements sur les obligations d'Etat françaises sur la notation de la dette souveraine de la France.

Les conséquences ont été immédiates. La Bourse de Paris s'est enfoncé dans le rouge, perdant plus de 2%, largement sous les 3 000 points.

Pour l'heure, le gouvernement explique et justifie sa politique, réaffirmant lundi matin "qu'il n'y aurait pas de troisième plan d'austérité budgétaire malgré des perspectives de croissance ralentie et une tension croissante sur les marchés pour la dette française".

"La croissance est ralentie mais elle existe encore, c'est pour cela qu'il faut qu'on la soutienne. Aujourd'hui, nous avons un budget qui est crédible, sincère", a fait valoir la ministre française du Budget, Valérie Pécresse, sur RTL.

Le cercle très restreint des pays notés AAA se réduit

Cet été, 15 pays étaient crédités du triple AAA par les trois grandes agences privées de notation - Moody's, Standard and Poor's (S&P) et Fitch -, une notation qui permet en théorie de se financer à des taux d'intérêt très bas.

Depuis l'histoire s'est accélérée. La crise perdure et le spectre d'une récession mondiale se fait de plus en plus prégnant.

Début août, et pour la la première fois de leur histoire, les Etats-Unis ont ainsi vu leur note dégradée à "AA+" par Standard and Poor's, rejoignant d'autres pays qui avant eux s'étaient vu sanctionnés de la sorte notamment le Japon, l'Espagne, l'Irlande, l'Italie, la Grèce...

Désormais, la France est directement menacée. Au-delà de la bourde de Standard and Poor's, qui a diffusé le 10 novembre une note à certains clients donnant à penser qu'elle abaissait cette note, sa concurrente Moody's a elle clairement tiré la sonnette l'alarme.

Le 18 octobre, l'agence s'était donné trois mois pour étudier s'il y avait lieu de revoir la perspective "stable" d'évolution de cette note.

"Ne nous faisons pas d'illusions : sur les marchés, la dette française n'est déjà plus AAA"

Pour Jacques Attali, la dégradation de la note française n'est qu'une question de temps. "Pourquoi faut-il que les politiques réagissent avec tant de retard aux évidences ?, s'interroge l'ancien conseiller de François Mitterrand sur son blog.

Selon l'ancien président de la Banque européenne de développement (BERD), la France doit "repenser totalement le budget 2012, déjà dépassé. Et si on s'obstine à le voter ainsi, il est évident que l'Etat perdra sa notation, entrant dans une spirale négative très dangereuse".

"Ne nous faisons pas d'illusions : sur les marchés, la dette française n'est déjà plus AAA. Quand on regarde l'évolution du spread France-Allemagne [écart sur les emprunts d'Etat à dix ans passé de 40 à 120 points de base], la dette française correspond à une note AA", a-t-il aussi fait valoir dans un entretien à La Tribune, dénonçant au passage "un saupoudrage de petites mesures qui vise à mécontenter le moins d'électeurs possibles, dans une optique électorale évidente".

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