La séparation des activités bancaires sera-t-elle un thème de la campagne présidentielle ?
Alors que Nicolas Sarkozy s'est dit "sceptique" jeudi sur l'intérêt de séparer banques de dépôt et d'affaires, la mesure figure dans le projet du PS. Que recouvre cette divergence ? Quels sont les avantages et les risques des deux positions ?
Du côté de l'Elysée, la conviction semble établie.
"La banque de dépôt reçoit des petits clients, des petits dépôts et avec cela, prête. Et on la séparerait de la banque d'affaires, qui prend des grands risques ?" s'est interrogé jeudi soir, Nicolas Sarkozy sur France 2. "On aurait des banques avec 100% de risques, et des banques avec 0% de risques. Je ne suis pas sûr que cela soit le meilleur moyen", a-t-il poursuivi.
Des propos qui sonnent "quasiment comme une fin de non recevoir" pour Serge Maitre, secrétaire général de l'Association française des usagers des banques (AFUB)
Dans son projet, le Parti socialiste défend, lui, l'idée d'une séparation des activités bancaires, la limitation des rémunérations des traders et l'encadrement des agences de notation.
Mais comment ? Mystère. A ce stade, rien n'est précisé; un flou qui confère à cette déclaration de principe "la force des promesses électorales sans lendemain", prévient M. Maitre qui, pourtant, est favorable à cette séparation.
La "Banque universelle" pointée du doigt
En France, la majorité des établissements bancaires fonctionne selon le modèle de "la banque universelle", c'est-à-dire qu'ils assurent conjointement plusieurs activités. D'une part, la gestion des dépôts, des crédits et des offres de produits de placements auprès de clientèles individuelles et d'autre part des interventions sur les marchés : introductions en Bourse, émissions de dette ou encore fusions/acquisitions.
Un mélange des genres que dénonce à double titre, le président de l'AFUB.
Selon lui "cela contribue à irresponsabiliser les banquiers" et leur "permet de prendre en otage la banque de détail pour faire du chantage sur les pouvoirs publics et faire pression sur l'Etat, comme on l'a vu en 2008 et plus récemment, ces dernières semaines".
Et de citer, pour étayer ses propos, le récurrent cri du coeur des grands argentiers : "Sauver les banques, c'est sauver le crédit".
Or, pour ce spécialiste du secteur bancaire, la réalité est toute autre. "Ce qui met en péril la banque, ce ne sont pas les usagers qui payent leurs factures et remboursent leurs crédits mais les opérations d'investissement qui représentent 70% des activités."
D'où l'hostilité du milieu bancaire à une quelconque réforme. "Les banquiers sont opposés à la séparation des activités car quand ils font de mauvaises affaires, ils puisent dans les comptes des clients".
Par ailleurs, "la mixité, la fusion, voire la confusion des activités ne rend pas clair l'utilisation des ressources", ajoute M. Maitre.
La solidarité comme argument des banquiers
Pour les responsables des banques, au contraire, l'intérêt du modèle est qu'il acte une solidarité entre les diverses activités et prémunit les établissements de tout dépôt de bilan, comme y fut contrainte en 2008, la banque d'investissement américaine Lehman Brothers.
Faux rétorque M. Maitre qui oppose le cas de Natixis.
Issu de la fusion des groupes Caisse d'épargne et Banque populaire, Natixis a frôlé la faillite, contraignant les deux entités à "mettre au pot" en 2007. Résultat, elles "se retrouvent aujourd'hui quasiment exsangues", rappelle M. Maitre.
De quoi inquiéter le président de l'AFUB pour lequel, sur ce dossier, gauche et droite sont "réunies".
"On tourne le dos à une solution durable", résume-t-il. La suite de la campagne dira s'il a vu juste.
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