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Présidentielle 2022 : pas encore candidat mais déjà en campagne, comment Emmanuel Macron se prépare dans l'ombre

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Emmanuel Macron lors d'une rencontre avec le président de la Lituanie, le 30 novembre 2021, à l'Elysée.  (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Le président de la République ne devrait pas annoncer sa candidature à sa réélection avant plusieurs semaines. Ce qui n'empêche pas son camp de s'activer pour que tout soit prêt le jour J.

Voilà une photo de famille qu'ils avaient longtemps fantasmée. Ce lundi 29 novembre au soir, les leaders de la majorité présidentielle posent devant les photographes, rassemblés sous la bannière "Ensemble Citoyens !", cette "maison commune" qu'ils promettent depuis trois ans. Stanislas Guerini, délégué général d'En Marche, François Bayrou, patron du Modem, Franck Riester, président d'Agir et Edouard Philippe, fondateur d'Horizons, vantent "le rassemblement" de leurs formations, "à rebours de tout ce qui se fait dans le champ politique aujourd'hui". L'aile gauche de LREM, un temps écartée des premières discussions, est aussi de la partie, avec les ministres Olivier Dussopt pour "Territoires de progrès" et Barbara Pompili pour "En Commun".

Il n'en manque qu'un : Emmanuel Macron. Si le président ne peut être présent, puisqu'il n'a pas encore déclaré sa candidature, son nom est sur toutes les lèvres, sur tous les écrans. Le choix du lieu, la Mutualité, à Paris, rappelle aussi sa présence. C'est dans cette salle que l'ex-ministre de l'Economie avait lancé son mouvement, il y a cinq ans. Et c'est avant tout pour lui, pour sa réélection, que les dirigeants de la majorité ont accouché d'"Ensemble Citoyens !", le projet d'union des partis macronistes.

Quelle place tiendra précisément cette bannière dans le dispositif de campagne ? "Un rôle assez faible, la majorité présidentielle existait déjà avant", relativise un proche du président, rappelant que "la présidentielle, c'est avant tout la rencontre d'un homme ou d'une femme avec le peuple français".

"Il doit dérouler le plus longtemps possible"

Traduction : le chef de l'Etat mènera campagne comme il l'entend. Peu d'informations filtrent sur sa future stratégie. "Il cloisonne beaucoup", relève un membre de la majorité. Seul Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Elysée, qui a "accès au cerveau du président", dixit un membre de la macronie, est de toutes les confidences et prises de décisions. Connaît-il la date d'entrée en campagne d'Emmanuel Macron ? Rien n'est moins sûr. "Je vois qu'il n'a pas encore décidé", observe un leader de la macronie. De l'avis de tous, ce ne sera pas avant le 19 janvier, date à laquelle l'hôte de l'Elysée s'adressera aux eurodéputés dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE). La fenêtre de tir souvent évoquée se situe entre fin janvier et début février. Mais ce ne sont que des supputations. "Il décide toujours tard et au dernier moment", rappelle un proche à franceinfo.

"Il regarde bien sûr ce qu'ont fait ses prédécesseurs, que ce soit sur le timing, ou sur la forme."

Un proche d'Emmanuel Macron

à franceinfo

Tous les présidents sortants candidats à leur réélection se sont déclarés sur le tard. Emmanuel Macron n'aura donc rien inventé. "Il doit dérouler le plus longtemps possible, il a intérêt à ne pas se déclarer tôt, tranche un proche. Il sait que comme à la boxe, il ne faut pas être immobile dans un coin. Sinon, on se fait péter la gueule. Et il n'est pas immobile. A date, la situation n'est pas mal." Ils sont plusieurs à observer, non sans délectation, que "la gauche est très faible" dans les sondages, et qu'une partie des Républicains tire de plus en plus vers la droite de la droite. L'espace du centre, mais aussi du centre-droit et centre-gauche, est plus que jamais disponible.

Un second quinquennat "de progrès"

Si l'idée d'une campagne pour sa réélection fait peu de doute, le projet qu'Emmanuel Macron portera interroge. "Il va falloir donner du sens à ce second quinquennat. Pour quoi faire ? questionne un leader de la macronie. On va faire une campagne très macroniste, pour un quinquennat de progrès, en insistant, par exemple, sur les notions de liberté, de conquête, de réindustrialisation, d'innovation scientifique..." A en croire ce dernier, Emmanuel Macron a déjà commencé à tracer les contours de son potentiel second mandat.

"Lors de ses deux allocutions en juillet et en novembre, il a fait émerger une vision. Il n'a pas besoin d'être candidat pour dessiner ce chemin."

Un leader de la majorité présidentielle

à franceinfo

Le chef de l'Etat s'est ainsi engagé sur la réindustrialisation de la France ou sur le nucléaire, en promettant de relancer la filière. Il a aussi, depuis la rentrée, annoncé, avec son gouvernement, une série d'investissements et d'aides diverses. Valérie Pécresse, candidate à l'investiture LR, l'a d'ailleurs accusé de "cramer la caisse" et l'opposition l'accuse de faire campagne sans le dire. "Clairement, Emmanuel Macron est candidat et son temps de parole n'est pas décompté comme tel", a fustigé Jean-Luc Mélenchon, après l'allocution du 9 novembre.

Emmanuel Macron lors de son allocution du 9 novembre 2021.  (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Ce soir-là, en plus de vanter son bilan et de dessiner ses projets d'avenir, Emmanuel Macron avait appelé les Français à résister aux "obscurantismes" et au "retour du nationalisme". Dans son viseur : Eric Zemmour et Marine Le Pen.

"Il ne se laissera pas faire"

Ces petites phrases ne sont évidemment pas anodines. Avant sa déclaration de candidature, son entourage sait bien qu'"il va falloir délivrer des messages ciblés régulièrement". C'était encore le cas, mardi 30 novembre, lors de l'entrée au Panthéon de Joséphine Baker. "Ma France, c'est Joséphine", a conclu Emmanuel Macron au terme de son discours, alors qu'Eric Zemmour faisait acte de candidature le jour-même.

Au-delà de ses discours truffés de clins d'œil et de références à 2022, Emmanuel Macron délaisse aussi sans se faire prier son costume présidentiel pour redescendre dans l'arène. C'est arrivé à deux reprises face à Xavier Bertrand à l'occasion de déplacements du chef de l'Etat dans les Hauts-de-France. Mi-novembre, lors d'une glaciale poignée de main, les deux hommes s'écharpent notamment sur le dossier Ascoval. "Vous savez peut-être mieux que tous les autres", s'agace ainsi le président, avant de renvoyer subtilement à son statut d'élu celui qui a échoué à devenir son adversaire à la présidentielle.

Autre épisode, lors du congrès des maires de France (AMF), le 18 novembre, à Paris. Face aux critiques des élus locaux, le président décoche quelques flèches. "J'assume de ne pas avoir été maire. Mais enfin, on célèbre beaucoup De Gaulle en ce moment, il se peut qu'il ait aussi eu ce défaut", lance-t-il. Une attitude que ses soutiens justifient par la nécessité de répondre à ses opposants. "Les moments de confrontation ne lui font pas peur. Que ce soit à l'AMF ou face à Bertrand, il n'a pas envie de rester les bras ballants, il ne se laissera pas faire", glisse à franceinfo un leader de la majorité.

La frénésie d'En Marche

Ces confrontations et ces messages subliminaux ne suffisent pas à formaliser les contours d'une précampagne. En seconde ligne, l'artillerie lourde s'organise. "J'assume d'être en campagne pour que le président soit dans la prospection", explique un dirigeant de la macronie. Une frénésie s'est emparée de la majorité présidentielle, qui a lancé depuis la rentrée un nombre incalculable d'opérations de terrain, de comités, de groupes de travail… Ce qui n'est pas forcément du goût de tous en interne. Certains pointent un risque d'éparpillement.

"Je ne suis pas tellement fan de cette multiplication de comités, il va falloir remettre de l'ordre quand Emmanuel Macron entrera en campagne."

Un parlementaire de la majorité

à franceinfo

"Je suis sûr que le président sifflera la fin de la recréation", se rassure ce député. Il y a d'abord eu l'opération "cinq ans de plus", lancée par LREM pour vanter le bilan du chef de l'Etat, puis l'opération "à l'écoute", également menée par LREM, pour recueillir les avis des Français sur ce bilan et leurs attentes pour un second mandat.

Des groupes de travail pilotés par des experts sur une trentaine de thématiques planchent aussi sur le futur programme. Ils seront notamment aidés par des ambassadeurs de la société civile. Des "relais", selon le député Roland Lescure qui pilote ce projet avec Anne de Bayser, ex-secrétaire générale adjointe de l'Elysée. "L'idée est d'avoir un ou deux relais par thématique. On est dans une campagne sans candidat, il faut que l'on puisse travailler en attendant", justifie-t-il.

"On s'occupe de la forme, mais peu du fond"

Ces dispositifs devront trouver leur articulation avec les comités locaux du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, que certains macronistes – tendance de droite – aimeraient voir directeur de campagne d'Emmanuel Macron. Selon nos informations, 300 comités ont été créés et 150 autres sont en cours de formation. L'idée est de permettre à des maires non adhérents à LREM de soutenir la réélection du chef de l'Etat. "L'objectif est de montrer que le président n'est pas hors-sol, pas déconnecté des territoires", explique-t-on.

Reste enfin le recueil des 500 parrainages des maires, confié aux parlementaires. "Forcément, l'enjeu est de dépasser 2017, pas tant sur la quantité que sur l'élargissement politique et géographique", détaille l'entourage de Christophe Castaner, le patron des députés LREM. Certains sont un peu frustrés de ne pas participer plus activement à la campagne. "On s'occupe de la forme et peu du fond à ce stade. J'espère que nous pourrons aussi être forces de propositions", s'inquiète un député LREM. "On ne peut pas travailler sur le fond à 1 500 personnes, rétorque un de ses collègues. Ça a plutôt réussi à Macron de fonctionner comme ça, il n'y a pas de raison de changer de modèle." Quoique. 2017 n'est pas 2022.

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