La fronde des magistrats s'est étendue à tout le pays mardi suite aux accusations de laxisme de Nicolas Sarkozy
Selon l'Union syndicale de la magistrature (USM), principal syndicat de cette profession, 90 juridictions, presque le double par rapport à lundi, renvoient sine die toutes les audiences non urgentes.
Cette extension du conflit fait suite aux propos de François Fillon lundi qui a répété qu'un dysfonctionnement s'était produit dans l'affaire Laëtitia.
François Baroin a estimé mardi que la protestation des magistrats contre les déclarations de Nicolas Sarkozy dans l'affaire Laetitia était "pour une large part orchestrée par des syndicats" opposés au gouvernement et qui refusent "d'assumer leurs responsabilités".
"Ce mouvement, certainement pour une large part sincère, est pour une large part organisé ou orchestré par des syndicats qui sont en opposition avec l'action du gouvernement", a déclaré le porte-parole du gouvernementaux, François Baroin aux 4 vérités sur France 2.
Un bras de fer pouvoir exécutif /autorité judiciaire sans précédent en France et en Europe
Cette "grève" des audiences a débuté lundi notamment à Bordeaux, Aix-en-Provence, Lyon, Besançon, Pointe-à-Pitre, Mayotte, Strasbourg, Dijon, Saint-Etienne, Avignon, Auxerre, Bayonne, Rennes, La Rochelle, et au Havre.
Les syndicats de magistrats ont reçu le soutien du Conseil national des barreaux, qui représente la profession d'avocat, et de nombreuses personnalités de l'opposition. Evénement rarissime, même les magistrats de la Cour de cassation, plus haute instance judiciaire du pays, songent à se joindre au mouvement.
Les policiers, également critiqués, sont divisés. Le syndicat SNOP (majoritaire chez les officiers) a dit qu'il serait présent à la manifestation de jeudi et Unité SGP-FO (1er des gardiens de la paix) a dénoncé les propos du président. Mais Synergie (2e syndicat d'officiers) et Alliance (2e syndicat de gardiens) ont refusé de se joindre à la fronde.
"Une sorte de raz-de-marée", selon l'USM
"On n'a jamais vu ça. C'est unique d'arriver à cette situation en quelques jours. C'est la première fois que toute la magistrature, hiérarchie et base, est à l'unisson", a-t-il déclaré Christophe Régnard, président de l'USM (Union syndicale des magistrats, majoritaire), mettant notamment en exergue le soutien de la conférence nationale des procureurs généraux, sommet du parquet français, aux liens étroits avec la Chancellerie.
"C'est une sorte de raz-de-marée, c'est vraiment le ras-le-bol de l'intégralité des magistrats français", a dit Virginie Valton, vice-présidente de la même USM.
Le secrétaire général du Syndicat de la Magistrature (SM, gauche), Matthieu Bonduelle, a estimé de son côté n'avoir "jamais vu un état de mobilisation pareil".
Francois Fillon enfonce le clou
Le Premier ministre ". "Leur réaction est excessive. Je crains qu'elle ne puisse pas être comprise des Français", a-t-il déclaré.
"C'est extrêmement agaçant de voir l'autisme des plus hautes autorités", a réagi Benoist Hurel, secrétaire général adjoint du SM, estimant que le Premier ministre "n'a pas pris conscience de l'ampleur du malaise". L'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) a dit être "écoeurée" par ces propos de François Fillon.
Nicolas Sarkozy: un multirécidiviste, pour Marc Trévidic
Le juge antiterroriste Marc Trévidic a estimé lundi que Nicolas Sarkozy était un "multirécidiviste" dans ses attaques contre les magistrats. "Je pense qu'il est largement temps de lui appliquer la peine plancher, puisqu'il faut être très dur envers les multirécidivistes", a ironisé sur France Info le juge, qui préside l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI).
"Cela fait des années qu'on dit qu'on n'a pas les moyens de fonctionner normalement, cela ne date pas de Nicolas Sarkozy", a admis le juge. Mais la différence, c'est que maintenant, "en plus, c'est de notre faute".
"On vote plein de lois pour satisfaire les citoyens qui réclament de plus en plus de sécurité, et dès qu'on a voté une loi, on se moque complètement de son application", a-t-il constaté: "Il n'y a pas de politique à long terme, il n'y a que de l'affichage, que du pipeau."
Les critiques des centristes
Le patron du Nouveau centre et ancien ministre de la Défense, Hervé Morin, a accusé mercredi Nicolas Sarkozy d'"affaiblir l'institution judiciaire" en s'insérant "dans les affaires en cours" comme celle du meurtre de la jeune Laetitia.
Trouvant, lui, "légitime" que le chef de l'Etat intervienne, le président du Modem, François Bayrou a contesté "la manière dont (il) s'est exprimé" en mettant notamment en cause les magistrats. Selon lui, "c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase". M. Bayrou a souligné qu'"on a surchargé de tâches supplémentaires" les magistrats sans leur "donner les moyens élémentaires pour qu'ils puissent faire face à leur travail".
Les juges dénoncent le manque de moyens
Pour les professionnels de la justice, les seules défaillances dans le suivi de Tony Meilhon, le principal suspect du meurtre de Laëtitia Perrais à Pornic (Loire-Atlantique), sont liées au manque de moyens de la juridiction nantaise. Les responsables avaient à plusieurs reprises tiré la sonnette d'alarme et informé qu'ils avaient des dizaines de dossiers en attente.
Les propos de Nicolas Sarkozy
En visite jeudi 3 février à Orléans, Nicolas Sarkozy avait affirmé que les "dysfonctionnements graves" des services de police et de la justice, qui ont permis la remise en liberté du principal suspect du meurtre de Laëtitia à Pornic (Loire-Atlantique), seraient sanctionnés.
"Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s'assurer qu'il sera suivi par un conseiller d'insertion, c'est une faute. Ceux qui ont couvert ou laissé faire cette faute seront sanctionnés, c'est la règle", avait déclaré le chef de l'Etat lors d'une allocution devant des policiers et gendarmes réunis au commissariat central d'Orléans. C'était là son premier déplacement sur le thème de la sécurité depuis septembre.
Faisant écho aux propos de Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux avait enfoncé le clou, vendredi dans un entretien à France Soir, estimant que d'éventuels "dysfonctionnements" ne pourraient pas "rester sans réponse. (...) C'est pour cela qu'avec le garde des Sceaux nous avons diligenté des enquêtes d'inspection. Au vu de leurs résultats définitifs, nous verrons quelles suites doivent leur être données." Tentant de calmer le jeu, le Garde des Sceaux Michel Mercier a proposé pour sa part de rencontrer les syndicats.
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