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Invectives, menaces... On vous résume le conflit entre ancienne et nouvelle direction du Média en quatre actes

Alors que la deuxième saison du Média doit démarrer en septembre, la nouvelle et l'ancienne direction de la webtélé se déchirent. 

Article rédigé par franceinfo
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Sophia Chikirou, alors directrice de communication de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, lors d'une conférence de presse à Paris, le 25 janvier 2017.  (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

La deuxième saison du Média n’a pas encore commencé, mais en coulisses les tensions qui opposent l’ancienne et la nouvelle direction nourrissent déjà un véritable feuilleton. La nouvelle direction reproche à la cofondatrice Sophia Chikirou, poussée à la démission en juillet, d’avoir essayé de se faire payer des prestations pour sa société de communication Mediascop, et ce sans en informer le reste de l’équipe. Celle-ci a menacé de saisir la justice pour faire valoir ses droits et dénonce des accusations diffamatoires.

La crise que traverse cette webtélé alternative de gauche, lancée par des Insoumis en janvier dernier, est inédite, et s’est envenimée la semaine dernière. A tel point que ses protagonistes s'invectivent désormais à coup de messages postés sur les réseaux sociaux. Franceinfo vous retrace le fil des tensions qui ont mené à ce grand déballage.

Acte 1 : Sophia Chirikou est poussée vers la sortie

Le 4 juillet dernier, Sophia Chikirou annonce sur Facebook son départ de la présidence de la société de presse du Média, en expliquant rejoindre la campagne de La France insoumise pour les élections européennes. Sophia Chikirou justifie sa décision en affirmant que son départ du Média "garantit son indépendance". Sa double-casquette politique et médiatique était l'un des principaux griefs contre ce média.

Sophia Chikirou devait toutefois rester à la tête de la société de production, qui gère tous les aspects techniques du Média. Or mi-juillet, elle décide de céder sa place, après un séminaire de deux semaines où "certains ont dénoncé une gouvernance extrêmement solitaire" de l’intéressée, raconte au Monde Henri Poulain, cofondateur du Média.

Contactée par Le Monde, Sophia Chikirou affirme avoir posé trois conditions à son départ : "Que tous les salariés en CDD qui le souhaitent soient confirmés sous forme de CDI dès le mois de juillet ; que les journalistes qui, eux, ne souhaitaient pas mon départ, ne soient pas victimes de représailles à la rentrée (...) ; que ma société, prestataire du Média, soit payée de sa dernière facture." Et c’est sur ce dernier point que s’est cristallisé le conflit.

Acte 2 : des factures laissées par Sophia Chikirou mettent le feu aux poudres

La situation s'envenime fin juillet alors que la nouvelle direction, composée de la journaliste Aude Lancelin et des cofondateurs Gérard Miller et Henri Poulain, reprend les rênes du Média. Elle découvre alors deux demandes de virements par la société de communication de Sophia Chikirou, Mediascop, pour un montant total de 130 000 euros. Il s'agit de factures pour des prestations "de direction conseil et stratégique", que la nouvelle direction dit découvrir.

Dans les faits, ces conseils sont en fait facturés par Sophia Chikirou en tant qu'unique actionnaire de Mediascop à destination de... Sophia Chikirou, directrice de presse du Média qui a toujours dit travailler bénévolement pour la webtélé. L’une de ces factures, qui s’élève à plus de 67 000 euros, est toutefois refusée par la banque, raconte Mediapart. Pour la nouvelle directrice de l'entreprise de presse, Aude Lancelin, il s'agit d'une manœuvre pour "tuer le Média". Dans Le Monde, elle juge ainsi que "chercher à effectuer ces deux virements à quarante-huit heures d’intervalle, sans en avertir personne, c’est vouloir asphyxier financièrement un média fragile"

Sophia ne veut pas que Le Média survive à son départ.

Aude Lancelin

Le Monde

Attaquée, Sophia Chikirou défend la régularité des factures et annonce, le 10 août, qu'elle va "saisir le tribunal de grande instance et demander la désignation d'un administrateur judiciaire provisoire et un audit pour prouver [sa]  bonne gestion". Elle assure que tout le monde était au courant de ces prestations, encadrées selon elle par une convention signée en janvier. Une version contredite par Gérard Miller, dans un long texte publié le 12 août. Le cofondateur du Média affirme n’avoir jamais eu connaissance d'un tel accord. 

Je n’ai jamais entendu parler de la convention liant le Média à Mediascop, convention dont tu fais état dans différents messages, et je ne souhaite pas que tu me mêles à ça.

Gérard Miller à Sophia Chikirou

sur Facebook

Acte 3 : les divisions éclatent au sein de la rédaction du Média

Ce conflit financier entre l’ancienne et la nouvelle direction révèle des tensions éditoriales au sein de la rédaction du Média. A quelques semaines de la rentrée médiatique, celles-ci éclatent au grand jour. Les proches de Sophia Chikirou, dont le journaliste Serge Faubert, disent ainsi subir "une chasse aux sorcière" et dénoncent des "tentatives communautaires" au sein de la rédaction. "Nous sommes cinq journalistes dans le collimateur de la nouvelle direction. (...) Sur ces cinq, nous sommes quatre Blancs, quinquagénaires, et cela semble poser un problème à certains", déclare Serge Flaubert au Monde.

Ces déclarations indignent une autre partie de la rédaction, qui s'exprime par la voix de la "société des journalistes" du Média. "A ceux et celles qui craignent un 'changement d’identité', nous leur répondons que nous sommes fier-ère-s de la diversité présente au sein de notre rédaction", répond cette SDJ dans un communiqué publié le 14 août. Elle y nie toute "purge anti-France insoumise".  

En réponse, Serge Faubert et trois autres journalistes et chroniqueurs (Julie Maury, Léonard Vincent et Alexis Poulain) cosignent un texte dans lequel ils réfutent toute légitimité à cette SDJ, qu’ils qualifient d'"instrument pour la prise de pouvoir sur les sociétés du Média par une nouvelle direction"

Acte 4 : la nouvelle direction appelle à l’apaisement

"Il faut que la saison 2 du Média puisse commencer" : dans un texte publié vendredi, la nouvelle présidente de l’entreprise de presse, Aude Lancelin, et celle de la société de production, Stéphanie Hammou, s’associent à quelque 70 signataires pour appeler le Média à ne pas rester "enfermé dans ses querelles intestines qui sont sans issue". Une partie de la rédaction, qui a dénoncé le limogeage de Sophie Chikirou et le changement d’orientation du Média, ne figure pas parmi les signataires.

La nouvelle direction propose des pistes pour résoudre les conflits qui compromettent le démarrage de sa deuxième saison. Elle dit ainsi accepter la "proposition d'un audit" sur la situation financière du Média, et évoque "une résolution à l'amiable" par le biais d'avocats concernant les factures de Mediascop. 

De leurs côtés, certains "socios", les abonnés dont les dons permettent au Média de subsister, ont commencé à s’organiser en rédigeant une "motion", comme le fait savoir Le Monde. Le texte réclame plus de "démocratie dans la gestion du Média, prenant en compte l’avis des contributeurs financiers sur les questions essentielles".

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