L'UMP préempte "la France silencieuse"
L'UMP a tenu mardi 17 janvier une convention sur "la France silencieuse". Une réplique à Marine Le Pen qui se proclame volontiers la porte-voix des "oubliés" et des "invisibles"?
Dans le secret des urnes, pour qui votera en 2012 la "France silencieuse" ? Mystère, mais l'UMP a consacré mardi, dans son siège tout neuf de la rue de Vaugirard (Paris XVe), une "réunion thématique" à cet électorat aussi flou que décisif.
Pour Michèle Alliot-Marie, à qui revenaient l'idée et l'organisation de cette convention, cette "France qui se tait" rassemble "les 80% de Français de classes moyennes" peinant à se faire entendre alors que "le buzz est fait par les minorités".
La formule des conventions UMP (qui devaient se terminer en décembre, mais jouent les prolongations) est désormais rôdée : un public de quelques dizaines de militants, l'inusable Nicolas Rossignol comme animateur. Et un thème, à l'intitulé un peu long cette fois : "Au service de la France silencieuse. Nos propositions pour répondre à la peur du déclassement et à l'exaspération de ceux qui se sentent ignorés".
La "peur du déclassement"
En habitué des grands oraux, le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé a rapidement abordé les enjeux, cette "peur du déclassement" et ce "besoin de protection des classes moyennes" qui peut conduire à "l'abstention" ou à la "montée du populisme". Version décryptée : au vote Front national.
Et d'enchaîner, avec des vibratos dans la voix, sur "le regard misérabiliste" posé sur les professeurs, le manque de considération dont souffrent les médecins, les difficultés des agriculteurs...
A l'exception des enseignants, autant d'électorats traditionnellement de droite, qui n'ont pas « la culture de la revendication permanente", mais peuvent se faire entendre avec fracas dans trois mois.
Aussi le maire de Meaux est-il passé à la mise en garde. Contre le PS, qui "ne pense aux classes moyennes que quand il s'agit de les faire payer », comme le montrerait sa proposition de réforme du quotient familial.
Contre le FN qui "instrumentalise les peurs" et dont l'UMP va "chiffrer le projet" qui «coûtera encore plus cher au contribuable que celui du Parti socialiste".
Un "monde parallèle"
Car les classes moyennes craindraient de plus en plus d'être frappées au portefeuille, selon le politologue Dominique Reynié.
Invité de la convention, le directeur général de la Fondapol (think tank de droite) a décrit une France où croît le sentiment d'"impuissance publique" et l'idée d'un "monde parallèle"où "les vrais leviers sont dissimulés".
"Ca se développe de façon pathologique", a-t-il insisté. Et si cette thèse s'installe, elle "laissera la place à un vote extrême".
Mais il a aussi estimé que "les classes moyennes sont extrêmement rétives à la pression fiscale. Et ça c'est nouveau. Ca ne rend plus possible de faire appel à de nouveaux impôts pour la puissance publique ».
"L'assommoir fiscal"
Transition toute trouvée pour Laurent Wauquiez, qui s'exprimait, lui aussi, à la tribune de la convention.
Le ministre de l'Enseignement supérieur a assuré que si la gauche passait, ce serait le « plus gros coup d'assommoir » fiscal de ces dernières années, "2500 euros annuels d'impôts en plus" pour des couples dont chacun gagne 2000 euros. Il ne faut pas, a-t-il insisté, « se laisser intoxiquer par un discours politiquement correct qui laisse de côté les classes moyennes ».
Seuls deux militants UMP ont rompu la parfaite harmonie règnant dans la salle autour de cette "France silencieuse".
Le premier a assuré qu'il n'y avait « aucune vie dans les sections UMP », le second a posé la question de l'acceptation du mariage gay par le parti majoritaire. Jean-François Copé a fait un étrange détour par le communautarisme et ... la burqua avant de répondre que « le débat n'était pas tranché".
La sortie du désert médiatique pour MAM
Conclusion ? Aucune proposition nouvelle, mais le test d'un nouvel élément de langage. Puis une clôture des débats par une Michèle Alliot-Marie sortant d'un relatif désert médiatique, un an après la révolution tunisienne et sa démission du gouvernement, le 27 février 2011.
"Les décideurs agissent davantage en fonction du buzz qu'en fonction de la France silencieuse", a estimé l'ex-ministre de la Défense. "Moi je suis heureuse que ce soit l'UMP qui se soit saisie de cette question là, qui soit le porte-parole de la France silencieuse".
Dans moins de cent jours, ladite France silencieuse dira si elle se reconnaît dans ce porte-parole, au pouvoir depuis dix ans.
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