"Sécurité globale" : quelles sont les prochaines étapes du parcours législatif de la proposition de loi ?
Pour calmer les esprits, le gouvernement propose la réécriture de l'article 24 de ce texte très contesté. Reste à savoir selon quelle procédure.
Une épine dans le pied de la majorité. L'article 24 de la proposition de loi sur la "sécurité globale", adoptée par les députés le 24 novembre, va être réécrit. C'est ce qu'ont annoncé, lundi 30 novembre, les présidents des groupes de la majorité à l'Assemblée nationale lors d'une conférence de presse.
Un rétropédalage qui s'explique par la forte opposition suscitée par cet article punissant d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende la diffusion à des fins malveillantes d'images des forces de l'ordre. "Ce n'est ni un retrait ni une suspension mais une réécriture totale du texte", a précisé le patron des députés La République en marche (LREM), Christophe Castaner, entouré de ses homologues Patrick Mignola, du MoDem, et Olivier Becht, du groupe Agir. Une mesure nécessaire pour lever les "incompréhensions et les doutes", estime la majorité. Comment cette réécriture va-t-elle se réaliser ? Par qui sera-t-elle coordonnée ? Qui votera le nouveau texte ? On vous explique le parcours législatif qui attend ce texte polémique.
Un examen du texte au Sénat en janvier
La proposition de loi a déjà été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale et n'est donc plus techniquement dans les mains des députés de la majorité. Conformément aux règles de la procédure législative, c'est désormais au Sénat qu'il revient de travailler sur le texte, ce que n'a pas manqué de rappeler le président de la haute assemblée, mardi, dès l'ouverture de la séance.
Gérard Larcher (LR) a ainsi "rappelé aux groupes de la majorité de l'Assemblée nationale que la proposition de loi dont ils souhaitent travailler à la réécriture partielle est transmise au Sénat depuis le mardi 23 novembre dernier".
"Il revient donc au Sénat et à lui seul de l'examiner et de réécrire, si cela s'avère nécessaire, une ou plusieurs de ses dispositions."
Gérard Larcherau Sénat
Le texte devrait être examiné au Sénat courant janvier 2021. Compte tenu du rapport de force actuel au Parlement, il est probable que la proposition de loi soit adoptée par le Sénat, où la droite est majoritaire, mais avec des ajustements. Le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée sur ce texte, il n'y aura pas de nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Le texte sera alors examiné par une commission mixte paritaire (composée de sept députés et de sept sénateurs), chargée de faire converger les deux versions.
Si la commission mixte paritaire échoue à trouver un accord, le texte reviendra alors pour un ultime examen à l'Assemblée nationale, qui a le dernier mot. Une hypothèse toutefois peu probable, selon Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université Paris II Panthéon-Assas, interrogé par franceinfo, car "la majorité LR au Sénat et la majorité LREM à l'Assemblée sont relativement d'accord sur le fond".
Une réécriture de l'article 24 via le projet de loi sur le "séparatisme" ?
L'article 24 sera conservé dans la mouture finale de la loi, assure le gouvernement. La réécriture annoncée doit éclaircir la disposition prévue par l'article original, sans en changer le sens, a réaffirmé le Premier ministre, Jean Castex, mercredi au micro de RMC/BFMTV. Le gouvernement a annoncé dans un premier temps la création d'une "commission indépendante chargée de proposer une nouvelle écriture de l'article 24", avant de préciser que cette dernière ne serait pas chargée de la réécriture, mais simplement d'apporter un "éclairage".
Qui va donc s'en charger ? Première hypothèse, une réécriture par le Sénat en janvier lors de l'examen de la proposition de loi. Autre option envisagée : intégrer les objectifs de l'article 24 dans le texte sur le "séparatisme", officiellement appelé projet de loi "confortant les principes républicains".
Les grandes lignes de ce projet de loi, qui doit être présenté en Conseil des ministres le 9 décembre, ont été précisées par Emmanuel Macron le 2 octobre, lors d'un discours dans les Yvelines. Parmi elles figure la création d'"un délit de mise en danger de la vie d'autrui par diffusion d'informations relatives à la vie privée", prévue par l'article 25 du projet. La mesure, pensée en réponse à l'assassinat de Samuel Paty, s'appliquerait à l'ensemble des agents publics. Ce nouveau délit serait passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. "L'article 25 a plus de sens, on touche au Code pénal et non à la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Il est mieux construit juridiquement", affirme auprès du Figaro un ministre au cœur des discussions. L'ajout d'une disposition spécifique aux policiers et aux gendarmes pourrait être envisagé.
Interrogé sur cette option, Jean Castex a confirmé mercredi sur BFMTV que "cela pourrait être une piste d'aboutissement" du projet de réécriture. Mais cette hypothèse présente aussi le risque de "polluer" les débats sur ce projet de loi auquel le chef de l'Etat tient particulièrement.
Un examen par le Conseil constitutionnel en fin de parcours législatif
Après son passage au Sénat, la proposition de loi sur la "sécurité globale" sera examinée par le Conseil constitutionnel. S'ils jugent certaines dispositions de la loi contraires à la Constitution, les Sages peuvent purement et simplement les effacer du texte. Jean Castex a annoncé le 24 novembre qu'il saisirait lui-même le Conseil constitutionnel à propos de l'article 24.
En cas de "déplacement" de l'article 24 au sein du projet de loi sur le "séparatisme", le Conseil constitutionnel devrait également avoir son mot à dire, puisqu'il peut être saisi par 60 députés ou 60 sénateurs. Les parlementaires de gauche, opposés au contenu de cet article, ne s'en priveront probablement pas.
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