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Intermittents, festivals, audiovisuel public, industrie du livre, Notre-Dame... Ces grands chantiers auxquels Roselyne Bachelot devra s'attaquer

La nouvelle ministre de la Culture récupère les dossiers ouverts par son prédécesseur, Franck Riester, et devra calmer les angoisses des acteurs d'un secteur fragilisé par la crise sanitaire du coronavirus.

Article rédigé par Ludovic Pauchant
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Roselyne Bachelot,  au Palais Garnier le 13 juillet 2020, avant d'assister à un concert donné par l'Opéra de Paris au Palais Garnier pour les mécènes et les professionnels de santé impliqués dans la lutte contre la maladie Covid-19. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

"La culture subit un désastre inimaginable sur le plan économique, et sur le plan artistique." Le tableau apocalyptique est dressé et il ne devrait pas s'en trouver pour accuser Roselyne Bachelot, fraîchement nommée ministre de la Culture et qui s'exprimait alors sur franceinfo, de minimiser l'ampleur des chantiers qui l'attendent. La nouvelle locataire de la rue de Valois succède à un Franck Riester discret, tout entier occupé à une réforme de l'audiovisuel finalement pulvérisée par la crise du coronavirus et qui n'aura pas vraiment incarné la fonction ni gagné la confiance des acteurs du secteur. Aussi, les dossiers, poussiéreux ou encore sous emballage, qui attendent l'ancienne ministre de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy sont nombreux. Tentons un tour d'horizon non exhaustif :

Relancer les festivals et les lieux de culture

"Mon mandat, ça n'est pas de réclamer des sous, c'est de bâtir des projets. Mon rôle ça n'est pas de pleurnicher", déclarait la ministre de la Culture sur LCI. "Ce qui m'importe, c'est le plan de relance. Il ne s'agit pas pour la ministre de la Culture que je suis d'aller pleurer à Bercy pour obtenir un dixième de point supplémentaire." Et pourtant, victime d'annulations et fermetures en série à cause du Covid-19, l’économie des festivals et des lieux de culture comme les musées ou les cinémas est en péril. La ministre a bien promis la tenue rapide d’États généraux des festivals et la contribution des collectivités territoriales, mais après trois mois de mise à l'arrêt, les acteurs du secteur sont dubitatifs. La crise sanitaire passée, le Pass Culture, défendu par Françoise Nyssen mais qui n'a pas vraiment vu le jour, pourrait, modestement, être un des leviers de la reprise. À l'égard de ce chéquier numérique de 500 euros offert à tous les jeunes de 18 ans, Roselyne Bachelot a plaidé pour un ''bilan d'étape apaisé'' lors de son discours d'investiture.

Le temps presse : au chômage depuis le début de la crise sanitaire du coronavirus, les intermittents du spectacle bénéficient d'une ''année blanche'' jusqu'au 31 août 2021, période durant laquelle leurs droits à l’assurance-chômage seront maintenus. Si la mesure concerne tous les intermittents en cours d’indemnisation, elle exclut les ''nouveaux'', c'est-à-dire ceux qui n'ont pas pu ouvrir leurs droits en réalisant leurs 507 heures avant la mise à l'arrêt du secteur. Et qui pourraient, bientôt, trouver le temps long alors que l'industrie du spectacle peine à trouver de nouvelles formes pour proposer des scènes ''Covid-compatibles''.

Réformer l'audiovisuel

Éparpillée dans une série de décrets et d'ordonnances après avoir été âprement défendue par Franck Riester, la réforme de l'audiovisuel a fait les frais du coronavirus. Parmi les dossiers à rouvrir, la transposition de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (directive SMA) sur les services de médias audiovisuels qui devrait soumettre les plateformes de streaming aux mêmes obligations de financement de production que les chaînes traditionnelles. Concrètement, il s'agira de faire contribuer les Netflix, Amazon et autres Gafa au financement de la création audiovisuelle, comme le font les chaînes de télévision françaises, jusqu'à 25% de leur chiffre d'affaires. Et la bataille est loin d'être gagnée.

Outre la directive SMA, Roselyne Bachelot a d'ores et déjà sur son bureau le projet de création de l'Arcom, le nouveau régulateur de l'audiovisuel issu de la fusion souhaitée de la Hadopi et du CSA. Enfin, la ministre devrait, sur un calendrier plus long que celui imposé à son prédécesseur, poursuivre le rapprochement en pointillé de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Ina) au sein de l'entité France Médias, une société holding commune. Et devra décider du sort de France 4 et France Ô, promises à l'écran noir, quasi-enterrées, mais sauvées in extremis pour bons services pédagogiques rendus lors du confinement. Pour l'instant. ''Je crois que la question est résolue, indiquait le 9 juillet Roselyne Bachelot. Finalement, on était arrivé à une sorte de confinement de l’Outre-mer sur le service public de l’audiovisuel et l’Outre-mer doit participer à l’ensemble de l’audiovisuel public.'' Une manière de clore définitivement le sujet France Ô : sa décision sera connue le 9 août. Le sort réservé à France 4, dont ''le service a été remarquable'', selon la ministre, sera peut-être plus doux. Il sera connu ''dans les prochains jours''.

Soutenir l'industrie du livre

Le confinement et la fermeture des librairies sont passés par là : l'industrie du livre ressort affaiblie de la séquence du Covid-19, avec 80% de ventes en moins en avril, par exemple. Et, en cascade, des sorties reportées, des auteurs et petits éditeurs fragilisés, sans parler des librairies, premières touchées et qui subissaient déjà la concurrence du livre numérique et des grandes surfaces. Le gouvernement a bien accordé en juin quelque 80 millions d'euros, dont 25 millions d’euros pour les librairies indépendantes, cinq millions pour les petits éditeurs, ainsi que 12 millions d’euros pour la numérisation des librairies, mais cela ne suffira pas. Par ailleurs, si les auteurs ont bien été exonérés de cotisations sociales de mars à juin lors du confinement, ces derniers redoutent la rentrée littéraire et son volume de nouveaux titres chaque année plus important.

Reconstruire Notre-Dame, sauvegarder le patrimoine

Il s'agira pour Roselyne Bachelot de garder un œil attentif au chantier de la restauration de Notre-Dame de Paris, dévastée par un incendie il y a quinze mois. La ministre, en tout cas, a entendu faire remarquer sa sensibilité à l'égard de la question en s'invitant le 9 juillet devant la Commission nationale du patrimoine, lors de laquelle allait être discuté l'avenir de la flèche de la cathédrale.

Une fois nommée, l'ex-chroniqueuse de télé aurait "promis" à Brigitte Macron de "bien fonctionner avec Stéphane Bern", lisait-on, dans la foulée de l'annonce, dans les colonnes du Figaro. Le ''Monsieur Patrimoine'' d'Emmanuel Macron pourrait ainsi faire figure de ministre bis pour le patrimoine, après le succès relatif du Loto du patrimoine, initiative de l'animateur de Secret d'histoire, qui ne réalise, au-delà du coup de pub, que de modestes rentrées.

Sauver l'Opéra de Paris

''L'Opéra de Paris est à genoux'', confiait le 11 juin au Monde Stéphane Lissner, le patron depuis remplacé de la prestigieuse institution. L'Opéra de Paris, qui figure au premier rang des scènes mondiales du genre, accuse en effet une dette de plus de 40 millions d’euros, avec deux scènes fermées malgré elles, d'abord à cause d'une grève historique de son personnel contre la réforme des retraites du gouvernement, puis à cause du coronavirus, et enfin pour travaux.  Avec, en sus, plus d'une centaine de ballets et d'opéras annulés depuis décembre dernier.

Un plan de relance a bien été promis par Franck Riester, qui a confié à Alexandre Neef, le successeur de Stéphane Lissner, de proposer à l’automne 2020 des orientations "pour maintenir l’excellence et le rayonnement" de la maison. Roselyne Bachelot, ministre et mélomane, devra, à budget contraint, accompagner ou trancher : l'Opéra de Paris, qui emploie plus de 1 800 salariés, est aussi, avec 40% de ses ressources financées par l'État, la scène la plus subventionnée de France.

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