Faut-il s’inquiéter du départ du ministre de l’Education nationale à une semaine de la rentrée ?
Benoît Hamon a confirmé, lundi soir, qu'il ne participerait pas au prochain gouvernement, qui doit être annoncé mardi. Une décision qui intervient alors que de nombreux dossiers chauds sont au programme de cette rentrée.
Il ne prendra pas le chemin de l'école cette année. Benoît Hamon a confirmé lundi 25 août sur France 2 son départ du gouvernement de Manuel Valls, cinq mois après son arrivée au ministère de l'Education nationale, et à une semaine seulement de la rentrée des classes.
Le ministre démissionnaire avait pourtant quelques dossiers explosifs à traiter, à commencer par les nouveaux rythmes scolaires. La rentrée 2014, qui aura lieu le 2 septembre, marque, en effet, la généralisation cette réforme contestée à l'ensemble des écoles publiques françaises. Faut-il s'inquiéter de ce changement à la tête du ministère de l'Education à une période aussi sensible ?
Non, la rentrée "a été bien préparée"
Benoît Hamon a lui-même voulu déminer toute polémique, lundi soir sur France 2 : "La rentrée a été bien préparée, elle aura lieu (...). Heureusement, elle ne se prépare pas une semaine avant." Le matin même, son cabinet, qui le disait encore "assez serein" et "au travail", avait également assuré que la rentrée était "sur les rails".
"Heureusement, tout est organisé depuis longtemps. Les problèmes techniques qui pourront survenir la semaine prochaine relèvent des académies et des établissements", rappelle au Parisien (article pour abonnés) Philippe Tournier, le secrétaire général du SNPDEN, le syndicat des personnels de direction de l'Education nationale.
Oui, son départ tombe au plus mauvais moment
Reste que pour un ministre de l'Education, la rentrée est un moment crucial. Interrogée par l'AFP lundi, Bernadette Groison, secrétaire générale de la puissante Fédération syndicale unitaire (FSU), rappelle que c'est à la rentrée que le ministre "donne la feuille de route. Ce n'est pas le moment de s'esquiver sur des sujets comme la question budgétaire, la formation, l'apprentissage, les réformes du collège et du lycée."
Ce qui est "exceptionnel, c'est le tempo !", souligne de son côté Claude Lelièvre, professeur honoraire d'histoire de l'éducation à Paris V. Le départ d'un ministre de l'Education nationale en pleine rentrée est "complètement inédit, affirme-t-il. Sur les 24 nominations qui ont eu lieu sous la Ve république, 23 ont été faites entre le 27 mars et le 19 juillet."
Pour le monde de l'éducation, la rentrée, traditionnellement exposée médiatiquement, est aussi un moment propice pour exposer ses revendications. Ainsi, le collectif des gilets jaunes, opposé à la réforme des rythmes scolaires, indique à francetv info qu'il appelle enseignants, élus et parents d'élèves de toute la France à manifester à Paris le 6 septembre devant le Conseil d'Etat. Le nouveau (ou la nouvelle) ministre n'aura pas le choix : à peine entré(e) en fonctions, il ou elle devra composer avec ces contestataires.
Oui, la politique éducative du gouvernement est fragilisée
Le départ de Benoît Hamon risque aussi de ralentir la politique éducative du gouvernement. Ce remaniement n'aide pas à ramener "l'apaisement dont l'école a besoin", regrette Sébastien Sihr, du SNUipp-FSU, premier syndicat du primaire.
Pour marquer le coup, et montrer l'implication du gouvernement dans cette rentrée des classes du 2 septembre, Benoît Hamon avait prévu un plan médias chargé. Une conférence de presse était annoncée pour le 1er septembre. La veille, selon Le Parisien, il devait être l'invité du 20 heures de TF1, puis enchainer dès le lendemain avec la matinale de France Inter tout en intervenant également dans une grande partie des quotidiens régionaux, puis sur France 2, France 5, RTL et Canal+.
Le ou la prochain(e) ministre de l'Education nationale saura-t-il/elle remplacer Benoît Hamon au pied levé ? Christian Chevalier, secrétaire national du syndicat des enseignants Unsa, redoute de nouvelles "turbulences". Ce ministère est "complexe, compliqué parfois. Il serait dommageable d'attendre encore trois mois pour que le nouveau ministre s'approprie les dossiers", confie-t-il à l'AFP.
Non, Benoît Hamon n'était pas une pièce essentielle
Et en passant seulement 147 jours au ministère de l'Education nationale, Benoît Hamon n'a pas eu le temps de s'attaquer à des chantiers de fond. "Impossible, ici, de dresser un quelconque bilan. Il en a trop peu parlé", analyse sur son blog Véronique Soulé, la journaliste spécialiste de l'éducation de Libération. "Si l'on voulait synthétiser en une phrase ce passage éclair, Benoît Hamon aura fait plus de politique que d'éducation", raille sa consœur du Monde.
Paradoxalement, son impact relativement limité à ce poste rend peut-être ce départ moins grave. "Les ministres se remplacent", estime Paul Raoult, président de la fédération de parents d'élèves FCPE (étiquetée à gauche), dans Le Parisien.
Le monde de l'éducation espère désormais que le prochain ministre ne sera pas perturbé par des questions de politique politicienne. Benoît Hamon "a fait le choix de privilégier l'homme politique sur sa fonction de ministre, résume à l'AFP Frédéric Sève, du syndicat de l'éducation Sgen-CFDT. On verra si demain, on a un ministre ou un homme politique."
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