Cet article date de plus de quatre ans.

Remaniement : quel avenir pour Edouard Philippe après son départ du gouvernement ?

Le Premier ministre démissionnaire va rapidement retourner au Havre pour retrouver son fauteuil de maire. Mais certains considèrent que sa forte popularité pourrait lui donner des idées pour la suite.

Article rédigé par Robin Prudent, Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Edouard Philippe, le 7 mai 2020 à Paris. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / POOL / AFP)

L'aventure se termine pour Edouard Philippe. L'ancien et futur maire du Havre (Seine-Maritime) laisse sa place à Jean Castex à Matignon. Après trois ans à la tête du gouvernement, il va retrouver les affaires locales, loin du dossier des retraites et des manifestations de "gilets jaunes". Emmanuel Macron perd ainsi un Premier ministre très populaire à droite et certains l'imaginent déjà en recours possible pour la présidentielle de 2022. Franceinfo se pose la question de l'avenir politique d'Edouard Philippe.

>> Suivez les réactions après l'annonce de la nomination de Jean Castex à Matignon

Un retour attendu à la mairie du Havre

En terminant de fermer les cartons dans son bureau de Matignon, Edouard Philippe avait déjà la tête ailleurs. "Les Havrais vont être très contents de retrouver leur maire, et lui a toujours dit que le plus beau des mandats était celui de maire, glisse Agnès Firmin-Le Bodo, députée de Seine-Maritime proche d'Edouard Philippe. Il a toujours dit, en partant du Havre, qu'il ouvrait une parenthèse, mais qu'il ne savait pas quand il allait la refermer." Après avoir obtenu plus de 58% des suffrages au second tour des élections municipales dimanche 28 juin, Edouard Philippe va donc retrouver son fauteuil. "On va l'élire avec fierté maire du Havre dimanche au sein du conseil municipal", se félicite Agnès Firmin-Le Bodo, qui était deuxième sur la liste.

Pour Edouard Philippe, le retour dans la cité industrialo-portuaire, sa terre d'élection, sera également l'occasion de faire baisser la pression. "De ce qu'on me dit, il est rincé, épuisé, au bout du rouleau, il n'en peut plus, glisse un poids lourd de la majorité. Il va pouvoir aller souffler au Havre." Après avoir géré successivement le mouvement des "gilets jaunes", le chantier de la réforme des retraites et la crise du coronavirus, Edouard Philippe va retourner à des dossiers plus locaux. Peut-être une façon "de prendre un peu de repos après les trois années qu'il vient de vivre", confirme Agnès Firmin-Le Bodo. 

Dans un premier temps, l'ancien chef du gouvernement pourrait ainsi prendre du recul. "Ce qui est apprécié dans ces cas-là, c'est d'avoir une forme de distance et d'élégance pour ses successeurs", note Chloé Morin, politologue associée à la Fondation Jean-Jaurès.

Un retour compromis chez Les Républicains

L'ancien Juppéiste va-t-il revenir au sein de sa formation politique d'origine ? Après de longues années au sein de l'UMP puis des Républicains, Edouard Philippe avait été exclu officiellement du parti le 31 octobre 2017, quelques mois après sa prise de fonction comme Premier ministre d'Emmanuel Macron. Une trahison pour son camp, qui se retrouvait dans l'opposition. Trois ans après cette rupture originelle, la question d'un éventuel retour d'Edouard Philippe chez Les Républicains agite le parti.

Certains de ses anciens camarades de droite louent toujours les qualités de l'ex-Premier ministre. "Il a extrêmement bien géré la crise sanitaire. De ce point du vue, on en est plutôt reconnaissant", lance Valérie Debord, vice-présidente Les Républicains de la région Grand Est. "Il a fait un très bon Premier ministre. Il s'est révélé comme une vraie personnalité politique", renchérit la députée Agir Agnès Firmin-Le Bodo. "Respect pour le sens de l’Etat dont a fait preuve Edouard Philippe", a également tweeté Xavier Bertrand.

Mais cette bienveillance est loin de faire l'unanimité chez Les Républicains. Daniel Fasquelle, le trésorier du parti, ne mâche pas ses mots contre l'ancien Premier ministre. "Je ne vois pas comment demain on peut réintégrer Edouard Philippe au sein des LR. Il nous a fait beaucoup de mal", lance le maire du Touquet, avec une rancune tenace. Il a contribué à notre échec aux législatives en 2017. J'ai des très bons députés qui ont été battus à cause de lui. Il faut qu'il assume son choix de 2017." Même ligne du côté du président des Républicains. "C'est Edouard Philippe qui a décidé de rompre, il a trahi sa famille politique", a lancé Christian Jacob sur Europe 1, vendredi 3 juillet.

Edouard Philippe n'a aucun avenir au sein des Républicains. Il nous a trahis.

Daniel Fasquelle, trésorier des Républicains

à franceinfo

Enfin, même du côté des plus conciliants sur la politique d'Edouard Philippe, l'idée de le revoir chez LR paraît tout de même compromise. "Je ne vois pas trop comment il pourrait revenir dans un avenir proche, reconnaît l'ancienne porte-parole du parti, Valérie Debord. La vie, ce n'est pas qu'un yo-yo."

Une candidature potentielle pour la présidentielle de 2022

Dans ses cartons de Matignon, Edouard Philippe embarque avec lui un précieux trésor : sa cote de popularité. Près de 6 Français sur 10 plaidaient d'ailleurs pour son maintien au poste de Premier ministre, fin juin, selon une enquête Elabe. Sa popularité poursuivait, elle, une ascension continue depuis trois mois, creusant l'écart avec le chef de l'Etat (51% de jugements positifs selon Harris Interactive, contre 44% à Emmanuel Macron). "Il a engrangé un capital de sympathie et de notoriété qui lui permet de prétendre plus tard à autre chose", note la politologue Chloé Morin.

Un trésor de guerre issu, notamment, de la gestion de crise du coronavirus, à en croire les sondeurs. De quoi alimenter les soupçons d'ambition pour l'élection présidentielle de 2022. Avec le déplacement progressif du socle électoral de la majorité vers la droite, comme l'ont montré les élections européennes de 2019, Edouard Philippe semble devenu central. "On sait que la principale menace pour Emmanuel Macron vient essentiellement d'une force à droite, mais qu'elle n'a pas pour l'instant énormément d'incarnation", analyse Chloé Morin.

C'est un risque de lâcher dans la nature une incarnation qui est devenue forte pour les Français.

Chloé Morin, politologue

à franceinfo

À droite, on fait mine de ne pas s'inquiéter d'une telle candidature. "Il n'est pas providentiel. Je vous le dis très clairement", a lancé le président des Républicains, Christian Jacob, sur Europe 1. Même son de cloche du côté du trésorier du parti : "Il sera une menace pour Emmanuel Macron, mais pas pour nous. Il prendra plus de voix à monsieur Macron s'il se présente", veut croire Daniel Fasquelle. Reste qu'entre François Baroin, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ou encore Laurent Wauquiez, aucune personnalité n'a encore émergé clairement pour devenir le champion de la droite en 2022.

Une question principale doit aussi être élucidée : Edouard Philippe envisage-t-il vraiment de se présenter à la présidentielle ? Rien n'est moins sûr. "Il s'agira de savoir en quels termes Edouard Philippe et Emmanuel Macron se sont quittés. C'est toujours compliqué quand l'un ou l'autre se sent humilié, mais j'ai l'impression qu'il laisse Edouard Philippe sortir la tête haute", analyse la politologue Chloé Morin. L'Elysée a déjà fait savoir à Europe 1 que les deux hommes avaient l'intention de continuer à travailler ensemble. "Il paraît qu'il a dit qu'il serait très loyal", souffle aussi un poids lourd de la majorité, comme pour se rassurer.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.