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Infographie Comment l'Assemblée, qui compte dix groupes parlementaires, s'est fragmentée en trois ans

En seulement une semaine, deux nouveaux groupes parlementaires se sont créés, affaiblissant un peu plus La République en marche, désormais privée de majorité absolue.

Article rédigé par franceinfo
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L'Hémicycle de l'Assemblée nationale, le 26 mai 2020. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Et de dix ! L'Assemblée nationale a enregistré, mardi 26 mai, la création d'un dixième groupe parlementaire, un record sous la Ve République. Ce nouveau groupe de 17 élus, baptisé Agir ensemble, voit le jour seulement une semaine après la création d'un neuvième groupe rassemblant des déçus de LREM. Résultat : depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, le Palais-Bourbon ne cesse de se fragmenter, comme on peut le visualiser dans notre infographie en gif animé.

NFOGRAPHIE. Comment l'Assemblée nationale, qui compte 10 groupes parlementaires, s'est fragmentée en trois ans
INFOGRAPHIE. Comment l'Assemblée nationale, qui compte 10 groupes parlementaires, s'est fragmentée en trois ans NFOGRAPHIE. Comment l'Assemblée nationale, qui compte 10 groupes parlementaires, s'est fragmentée en trois ans (FRANCEINFO)

Sur ces dix groupes constitués, six d'entre eux ne dépassent que de quelques unités le seuil de quinze membres obligatoire pour former un groupe. Un palier que n'a pas réussi à franchir le Rassemblement national de Marine Le Pen, dont les six députés garnissent les rangs des non-inscrits.

Juin 2017 : sept groupes, LREM en position de force

Après le second tour des élections législatives, en juin 2017, sept groupes politiques se constituent (déjà un record, à l'époque). La République en marche, avec ses 313 membres sur 577, dispose d'une confortable majorité absolue. D'autant que son allié, le MoDem, lui apporte une force d'appoint supplémentaire de 47 sièges.

A droite, Les Républicains (LR) s'imposent comme le principal groupe d'opposition, avec 100 sièges. Entre ces deux blocs, un groupe dénommé Les Constructifs, républicains, UDI, indépendants est constitué. Officiellement rangé dans l'opposition mais prônant une "attitude constructive" face au gouvernement, il rassemble des députés en rupture avec LR comme Thierry Solère ou Franck Riester et des centristes de l'UDI de Jean-Christophe Lagarde.

Laminée lors des élections, la gauche se divise en trois groupes, restés très stables durant ces trois années. Dans un premier temps baptisé Nouvelle gauche, le groupe socialiste ne compte que 31 membres. La Gauche démocrate et républicaine (députés PCF et ultramarins) rassemble 16 députés, et La France insoumise 17. Ce dernier groupe est le seul à n'avoir enregistré aucune modification durant cette législature.

Octobre 2018 : un 8e groupe constitué

Le 17 octobre 2018, un nouveau groupe, nommé Libertés et territoires, émerge. Un drôle de patchwork. Son président, Philippe Vigier, est un centriste qui siégeait jusqu'alors dans le groupe Les Constructifs, entre-temps rebaptisé UDI, Agir et indépendants. On y trouve aussi des radicaux de gauche (Olivier Falorni, Sylvia Pinel...), des autonomistes corses, des députés en rupture de ban avec LREM (Matthieu Orphelin, Frédérique Dumas)...

La création de ce groupe, dont la cohérence idéologique ne saute pas aux yeux, est un moyen pour ces députés de peser davantage que dans leur formation d'origine, ou pire, comme non-inscrits. Car qui dit groupe parlementaire dit temps de parole dans l'Hémicycle, moyens financiers, collaborateurs et plus grande exposition médiatique. Lors de sa création, Libertés et territoires a refusé de préciser s'il se situait dans la majorité ou dans l'opposition.

19 mai 2020 : les frondeurs macronistes prennent leur indépendance

Les mois passent et le groupe majoritaire, LREM, ne cesse de s'effriter. Alors qu'il comptait 313 membres en début de mandature, il ne compte plus, le 12 mai 2020, que 295 députés. Le nombre de non-inscrits, lui, grandit jusqu'à atteindre 22 membres.

C'est alors que le 19 mai, 17 députés annoncent la création d'un nouveau groupe, Ecologie, démocratie, solidarité. Codirigé par Paula Forteza et Matthieu Orphelin, ce groupe représente l'aile gauche, écologiste et sociale, des macronistes. Le groupe accueille sept transfuges directs de LREM (qui avec 288 membres perd sa majorité absolue à un siège près), parmi lesquels Cédric Villani ou Aurélien Taché. Dans ce groupe, on retrouve d'autres ex-marcheurs qui avaient déjà quitté le groupe majoritaire, ou encore l'ancienne socialiste Delphine Batho.

26 mai 2020 : Agir se sépare de l'UDI, LREM perd encore des membres

Coup de théâtre, seulement une semaine plus tard, avec la création du groupe Agir ensemble. Ce groupe repose essentiellement sur le parti de centre-droit Agir, qui soutient le gouvernement (son président est Franck Riester, ministre de la Culture) et qui a décidé de rompre l'alliance chaotique qu'il avait nouée avec l'UDI à l'Assemblée nationale. "Nous souhaitons soutenir l'action du président de la République" et être un "3e pilier de la majorité" avec LREM et le MoDem, a expliqué le président du nouveau groupe, Olivier Becht.

Agir ensemble compte 17 députés : une dizaine en provenance du groupe UDI, Agir et indépendants (Olivier Becht, Pierre-Yves Bournazel, Laure de la Raudière...), et sept nouveaux transfuges de LREM. Le groupe macroniste tombe à son plus bas niveau depuis 2017, avec 281 sièges.

L'Assemblée nationale compte désormais dix groupes parlementaires, ce qui n'est pas sans poser quelques soucis d'organisation (places dans l'Hémicycle, problèmes de locaux et de bureaux, etc.). Pour l'opposition, cela illustre les tensions qui traversent le camp des soutiens d'Emmanuel Macron. C'est "le symbole de la déliquescence de la majorité", a par exemple lancé le patron du groupe LR, Damien Abad, qui appelle à réhausser à 20 membres (au lieu de 15) le seuil de création d'un groupe.

Sur le blog du Monde Les cuisines de l'Assemblée, le collaborateur parlementaire Maxime Torrente voit dans cette fragmentation une évolution plus profonde de la notion de groupes parlementaires : "Des groupes structurels, stables, piliers de la démocratie parlementaire, on est ainsi passé en quelques années à une conception des groupes conjoncturels, d’abord pour des raisons techniques, puis pour des raisons médiatiques."

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