Franz-Olivier Giesbert raconte son entretien avec François Hollande : "Macron, moi je pense qu'il y croit"
Franz-Olivier Giesbert a recueilli les confidences de François Hollande, ce jeudi, à 11 jours de la fin de son mandat présidentiel. L'éditorialiste du Point décrypte cet entretien pour franceinfo.
A 11 jours du premier tour de l'élection présidentielle, dans un long entretien accordé au Point (article payant), jeudi 13 avril, François Hollande en appelle à "l'intelligence des Français" et promet qu'il donnera une consigne de vote pour le second tour, le 7 mai. L'écrivain et éditorialiste de l'hebdomadaire Franz-Olivier Giesbert, qui a recueilli ces propos, décrypte ces confidences présidentielle pour franceinfo.
franceinfo : Vous parlez d'un testament politique de François Hollande, ce n'est pas un peu sévère ?
Franz-Olivier Giesbert : Non, ce n'est pas sévère. Il quitte la présidence de la République, il fait son testament. D'ailleurs, il dit même ce que devrait faire son successeur. C'est quelqu'un qui tourne la page. C'est clair.
Quel homme avez-vous trouvé en face de vous ? Vous dites que vous vous attendiez à trouver un président mal en point mais, en le voyant, vous êtes plutôt surpris...
Ces gens-là ne sont pas du tout fait comme nous, ça c'est clair. C'est quelqu'un qui a l'air d'aller très bien. Alors, peut-être qu'il fait semblant, mais je ne le crois pas. Il a toujours la petite lumière dans les yeux, la petite malice, le petit sourire. Je n'ai pas vu le climat crépusculaire qui est décrit dans une certaine presse. Je n'ai pas du tout vu ça chez lui.
Dans vos questions, vous y allez fort. Vous lui dites, par exemple, "Monsieur le Président, vous en avez pris plein la gueule pendant ces cinq années". Il répond qu'il n'a "pas été blessé sur le plan personnel" mais quand vous lui parlez des frondeurs vous écrivez que "sa voix monte dans les aigus".
J'ai attaqué en lui disant qu'il avait été au départ trop gentil avec les frondeurs. Il a voulu négocier, passer des compromis. On voit très bien que les premières semaines de son mandat, il leur donne des gages. Par exemple, la loi El Khomri est une loi qui, si elle avait été votée dans sa première version, aurait fait qu'aujourd'hui, nous aurions 6 ou 7% de chômage, c'est sûr. On va être le dernier pays qui n'a pas une loi de ce type-là pour réguler le droit du travail dans les petites entreprises qui, elles, créent des emplois, contrairement aux grandes. Je lui dis : 'Vous avez été trop gentil'. Et je l'ai vu pratiquement se mettre en colère, ce qui est assez rare chez François Hollande. Là, le ton monte, il est énervé parce que je me demande si, quand il fait le bilan, il ne se dit pas 'J'aurais dû être plus dur avec eux dès le départ, les menacer etc'.
J'ai attaqué en lui disant qu'il avait été au départ trop gentil avec les frondeurs.
Franz-Olivier Giesbert, éditorialisteà franceinfo
Et en même temps, il se dit "insensible aux critiques".
Il dit qu'il aime la presse, pas forcément les journalistes. Il est très sévère sur la tonalité globale de la presse pour qui c'est toujours la crise, même quand il y a de la croissance dans le pays, sur une espèce de discours [des journalistes] sur un soi-disant appauvrissement du pays alors que tous les chiffres montrent le contraire, et les gens finissent pas le croire. Donc, il est assez sévère dans son discours.
Sur le plan politique, il a eu un problème pendant son quinquennat, ce sont les frondeurs, le cadeau que lui avait laissé Martine Aubry. Il l'avait battue à la primaire mais, première secrétaire du PS, elle lui a arrangé une majorité aux petits oignons pour qu'il ne puisse pas gouverner. Elle a passé un accord hallucinant avec les Verts, qui se sont retrouvés très nombreux à l'Assemblée. Or, parmi les Verts, il y a des gens tout à fait raisonnables mais il y a aussi pas mal de gens délirants. Et puis, dans les circonscriptions qui avaient été accordées à des sociaux-démocrates mesurés, elle a envoyé toute une série d'écervelés, de personnalités échauffées de manière à lui pourrir son quinquennat. Ce qu'elle a un peu réussi à faire, il faut bien le dire. Et lui, dès le départ, au lieu de donner du poing sur la table, il a voulu négocier avec eux. Mais c'était perdu d'avance.
Sur l'aventure Emmanuel Macron, est-ce qu'il y croit vraiment ? A vous lire, ce n'est pas si évident.
Moi, je pense qu'il y croit. De toute façon, c'est son candidat, c'est clair. Ce n'est pas un militant enthousiaste, il n'est pas aux premières loges d'En marche, je ne pense pas qu'il va s'inscrire... Mais il est clairement pour Macron. Après, on peut considérer aussi que les petites réserves qu'il formule c'est pour ne pas lui donner le baiser de la mort.
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