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Confrérie du melon, attaques contre Macron et sauvetage du PS : la nouvelle vie de François Hollande loin de l'Elysée

L'ancien président de la République multiplie les rendez-vous, les déplacements et ne s'empêche plus de commenter l'actualité politique. Du simple militant socialiste à la figure tutélaire, il cherche encore sa nouvelle place dans l'arène politique.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
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François Hollande dans les bureaux de la fondation La France s'engage à Paris, le 6 septembre 2017. (BERTRAND GUAY / AFP)

François Hollande est en pleine forme. Du moins, tous ses proches l'assurent. Près de six mois après son départ du pouvoir, le président de la République ne souffre d'aucune dépression post-élyséenne, assure à franceinfo son ancien conseiller Vincent Feltesse : "Il n'avait pas une jouissance du pouvoir comme d'autres présidents. Donc il va bien, il a un sentiment de liberté retrouvé." De l'avis de tous, il a même retrouvé son célèbre sens de l'humour.

Conférence à l'étranger, déplacements en province et surtout longues entrevues avec le tout Paris politique dans ses nouveaux bureaux de la rue de Rivoli : François Hollande remplit les cases de son agenda, comme pour ne pas ruminer les rendez-vous manqués de son quinquennat. Au détour d'une pièce de théâtre ou d'une visite dans une association, il se permet aussi quelques piques sur les décisions de son successeur, sans jamais le nommer, avec l'air de ne pas y toucher. Il retrouve un peu de lumière, quitte à faire un peu d'ombre à Emmanuel Macron. N'y voyez aucune stratégie de retour, jurent ses proches conseillers, mais la volonté de trouver une place à sa mesure.

Plage, restaurants et expos photo

Il est un peu plus de 11 heures, dimanche 14 mai, quand François Hollande quitte la cour de l'Elysée, en voiture, sous le soleil et les applaudissements du public. Le 24e président de la République française a rendu les clefs du pouvoir. Avant de partir, il confie à Libération sa joie à l'idée de retrouver des plaisirs simples : "C’est très agréable la vie normale. J’ai essayé de la prolonger à l’Elysée mais je n’y suis pas arrivé." Pour quitter les dorures et renouer avec la vie réelle, il s'est mis à la recherche d'une maison en Corrèze. Sans succès pour l'instant. 

Après avoir surmonté le deuil de son frère Philippe, l'ancien président s'est accordé du repos. Pour ses premières vacances d'ancien président, il a décidé de prendre l'air de la Méditerranée en compagnie de Julie Gayet. Comme le détaille Paris Match, ils ont alterné entre plage, visite du festival de la photographie à Arles, retrouvailles familiales et dîners entre amis. Mi-août, le couple a retrouvé Charles Aznavour et Michel Drucker, un ami, à Eygalières (Bouches-du-Rhône) pour un dîner au restaurant Chez Paulette. "Le hasard a voulu qu'ils se trouvent tout près de chez moi pour leurs vacances, raconte à franceinfo Michel Drucker, on s'est vus et c'était un moment très agréable." Les deux hommes se retrouveront d'ailleurs sur le canapé rouge de "Vivement dimanche", le 12 novembre

On sentait que la pression n'était plus la même. Le pouvoir reste quand même une sacrée lessiveuse.

Michel Drucker

à franceinfo

Au cours de cette trêve estivale, François Hollande a toutefois gardé un œil sur l'actualité et entretenu ses amitiés politiques. Il a notamment fêté ses 63 ans en présence de ses amis Bernard Cazeneuve et Jean-Pierre Jouyet. "Il n'aime pas être oisif. Il n'est jamais vraiment en vacances. Il ne parvient pas à s'arrêter", explique Christophe Pierrel, ancien chef de cabinet adjoint du président. Mais le repos lui a été profitable, constate l'ancien député PS Sébastien Denaja lors d'un rendez-vous : "Je l'ai trouvé libéré de toute la pression de la fonction présidentielle. On s'est d'ailleurs retrouvés à rire aux larmes pendant notre entretien."

Je le trouve en forme, serein, plus calme dans ses prises de position. Et il a retrouvé son second degré.

Christophe Pierrel

à franceinfo

"Il est en train d'inventer l'ancien président normal"

Les vacances ont aussi permis à François Hollande de méditer sa place d'ancien président. Rapidement, il se prête volontiers au jeu des remises de médailles et de découpes de rubans lors de diverses inaugurations, même les plus décalées. Fin août, il apparaît tout sourire lors de son intronisation dans la confrérie du melon de Lectoure (Gers). Il goûte les produits, se montre disponible et se laisse prendre en photo, foulard noué autour du cou.

Pour autant, il ne semble pas vouloir se limiter à ce rôle honorifique. De retour à Paris, où il a trouvé une maison dans l'est de la capitale, il s'investit dans La France s'engage, la fondation qu'il a créée à la fin du quinquennat et qu'il préside désormais. Il y consacre plusieurs heures de son lundi afin de rencontrer les start-up qui candidatent pour obtenir un soutien. Et pour le reste ? La Constitution ne lui prévoit aucun rôle particulier. 

"Ce n'est pas facile de savoir quelle doit être désormais sa place, confie son ami et ancien conseiller Bernard Poignant. D'autant qu'il se retrouve dans un contexte inédit où le clivage gauche-droite a disparu."  Alors François Hollande se cherche, réfléchit. Il reprend le cours de sa vie, entre sorties au théâtre et dîners en ville, se montrant toujours disponible pour un selfie ou pour échanger quelques mots. 

"Il est en train d'inventer l'ancien président normal", sourit l'ancien député socialiste Sébastien Denaja. Comme Nicolas Sarkozy avant lui, il a décidé de ne pas siéger au Conseil constitutionnel, en cohérence avec sa promesse inaboutie de mettre fin à ce privilège. "Avec ce choix, il s'émancipe de l'obligation de réserve" par rapport à la vie politique, estime Bernard Poignant. 

"Inélégant" vs "zigoto"

Il met un point d'honneur à rappeler régulièrement qu'il n'a jamais annoncé son retrait de la vie politique. Et il le prouve par son goût de la formule ciselée. "Il retrouve la fonction dans lequel il est le meilleur : commenter la vie politique", juge un ancien visiteur du soir. "Il peut jouer le rôle de vigie par rapport à Macron et alerter quand les choses vont trop loin", ajoute Christophe Pierrel.

Dans les allées du Festival du film francophone d’Angoulême, organisé fin août, il s'arrête devant les micros des journalistes. L'ancien président, qui s'était retenu jusque-là de tout commentaire, décoche une première flèche contre Emmanuel Macron. "Il ne faudrait pas demander aux Français des sacrifices qui ne sont pas utiles", lâche-t-il calmement en référence à la réforme du Code du travail voulue par le gouvernement.

La réponse de "Jupiter" ne tarde pas. "Il serait étrange que l'impossibilité qui a été la sienne de défendre son bilan devant les Français puisse motiver une tentation (...) de le justifier devant les journalistes", tranche Emmanuel Macron dans une longue interview au Point (article abonné). L'actuel président enfonce le clou sur TF1, le 15 octobre, en critiquant la taxe à 75% et en indiquant ne pas vouloir incarner "une présidence bavarde" - allusion à peine voilée au style de son prédécesseur

"Inélégant", répète à franceinfo Michel Sapin. L'ancien ministre des Finances, qui vient d'intégrer le cabinet Hollande, assure pour autant que l'ancien chef de l'Etat ne cherche pas à rentrer dans une joute verbale : "Il dénonce ce qui ne lui semble pas bon dans la politique d'Emmanuel Macron, c'est tout." Au cours de la même semaine, l'ex-maire de Tulle va critiquer la suppression des emplois aidés, dans un reportage sur TF1, et la politique fiscale du gouvernement, lors d'une conférence rémunérée en Corée du Sud (il a assuré à France 2 avoir reversé la majorité des gains à sa fondation).

A la suite de l'interview, sur TF1, de son successeur, certains proches de François Hollande lui reconnaissent désormais un peu d'agacement pour celui qui fut son protégé. "Il n'était pas en colère, mais agacé, oui", raconte l'ancien député PS Sébastien Denaja. "C'est un calcul purement politique de Macron. Il cherche à remonter dans les sondages, à plaire à droite, et donc il ressort la ficelle du 'Hollande bashing'."

Mais bon, en politique, si on veut de la gratitude, il vaut mieux prendre un chien, comme disait le Premier ministre anglais John Major.

Sébastien Denaja

à franceinfo

L'exaspération semble partagée. Selon le JDD, Emmanuel Macron qualifie, en privé, l'ancien président de "zigoto". La guerre est déclarée. "J'appelle Emmanuel Macron à faire preuve de bienveillance, comme il le faisait pendant la campagne. On dirait que le mot a disparu de son vocabulaire", tacle Michel Sapin, en bon porte-flingue.

"Préoccupé par le PS"

Mais l'ancien premier secrétaire du PS ne paraît pas vouloir s'enfermer dans le rôle de premier opposant au macronisme. Il a d'autres urgences. Dans ses bureaux de la rue de Rivoli, souvent accompagné de son labrador Philae, il reçoit le ban et l'arrière-ban de la famille socialiste, du moins de ce qu'il en reste. "Je l'ai trouvé préoccupé par le PS, raconte un proche, il passe ses journées à rencontrer des cadres socialistes pour voir comment reconstruire, en abordant la succession, la stratégie."

Selon plusieurs témoins, François Hollande pense que le macronisme est une parenthèse et que le clivage gauche-droite va vite réapparaître. Selon lui, le PS a une carte à jouer s'il ne rate pas l'échéance du congrès en février prochain qui doit désigner le nouveau chef. "Il a un avis sur la situation mais il ne fait pas dans l'immixtion", assure le porte-parole du PS Sébastien Denaja. 

Il n'a pas l'intention de jouer un rôle pour le congrès de février, mais il cherche à conserver l'unité de la famille social-démocrate.

Sébastien Denaja

à franceinfo

Officiellement, François Hollande ne soutient aucun candidat à la tête du PS et souhaite rester en retrait du congrès. Mais un ancien conseiller n'est pas dupe : "Il va continuer à tirer les ficelles. Il va essayer de faire son casting. Pour moi, ça devrait se jouer entre Le Foll et Cazeneuve." Selon Le Figaro, les noms de Najat Vallaud-Belkacem, Olivier Faure ou Matthias Fekl circulent aussi dans les couloirs de Solférino, le siège désormais en vente. 

Laisser une trace dans l'histoire

Christophe Pierrel conseille toutefois à François Hollande de ne pas retourner dans "la tambouille interne des socialistes" et "de passer à autre chose". Un avis partagé par Vincent Feltesse : "Je pense qu'il a tout intérêt à se concentrer sur les affaires européennes et internationales." L'ancien président continue d'ailleurs de programmer des déplacements à l'étranger. Il se rendra à Lisbonne en novembre pour le "Web summit", puis dans les Emirats arabes unis en décembre pour visiter le Louvre Abou Dhabi. Il cherche aussi une date pour une tournée africaine.

Il n'oublie pas d'arpenter la France... et de défendre son bilan. Vendredi 27 octobre, il s'est ainsi rendu à Clermont-Ferrand pour vanter des dispositifs tels que la garantie jeunes lors d'une rencontre avec des jeunes clermontois. "Son objectif principal n'est pas la défense de son bilan, mais si à l'occasion il peut rétablir des vérités, il ne se prive pas", résume Michel Sapin.

Il a envie de rappeler que les premiers résultats économiques de Macron sont d'abord la conséquence de sa propre politique.

Un ancien conseiller

à franceinfo

Toujours soucieux de la trace qu'il va laisser dans l'histoire, il surveille aussi les livres qui paraissent au sujet de son quinquennat. Ses conseillers Gaspard Gantzer et Vincent Feltesse, qui sortent tous deux des récits de leur expérience à l'Elysée, respectivement le 2 et le 9 novembre, ont ainsi soumis leur manuscrit à l'ancien président. Parallèlement, il planche lui-même à l'écriture d'un livre. L'ouvrage ne prendra pas la forme d'un récit du quinquennat, mais plutôt d'une analyse politique. Il devrait être prêt pour le premier anniversaire de son départ de l'Elysée, au printemps prochain.

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