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A 60% derrière Hollande en 2012, les habitants du Chastang n'ont "pas la moindre idée du candidat pour qui voter"

Article rédigé par Camille Adaoust - Envoyée spéciale en Corrèze,
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Les habitants de la commune du Chastang (Corrèze) se disent encore indécis le 19 avril 2017, à l'approche du premier tour de la présidentielle. (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

En 2012, les habitants de cette petite commune de Corrèze avaient plébiscité François Hollande, dès le premier tour de l'élection. Cinq ans après, quel candidat vont-ils choisir ? Franceinfo leur a demandé.

Sur la place centrale de la commune, il n'y a pas un chat. Devant la salle des fêtes, les panneaux électoraux viennent à peine d’être recouverts des affiches des candidats, à cinq jours du premier tour. Au Chastang, petit village au sud de Tulle, en Corrèze, la campagne présidentielle ne bat pas vraiment son plein. "Je ne suis pas trop ce qu'il se passe", explique-t-on dans les quatre rues que compte la commune. Pourtant cinq ans auparavant, les Chastandous étaient bien plus motivés à l’approche du scrutin. "En 2012, je savais parfaitement quel bulletin mettre dans l’urne. Cette fois-ci ? Je n’ai pas la moindre idée du candidat pour qui voter", souffle un résident à franceinfo.

La place centrale de la commune du Chastang (Corrèze), le 19 avril 2017. (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

Lui, comme 60,4% des membres de la commune, a voté pour François Hollande dès le premier tour en 2012. Un score bien au-dessus de la moyenne nationale (à 28,6%) et qui avait grimpé à 80% au second tour ! "Le Chastang, c’est une commune qui a toujours été ancrée à gauche. C’est une terre socialiste", revendique Arlette, 70 ans, qui s’occupe aujourd’hui de la petite bibliothèque du village.

"Il y avait un vrai enthousiasme pour Hollande"

Cette retraitée se souvient très bien de la campagne de 2012. "Ici, il y avait un vrai enthousiasme, un espoir porté par François Hollande", décrit-elle. Le maire de l’époque, Alain Neuville, avait d’ailleurs fait campagne pour lui. "Ils étaient proches tous les deux, ils se connaissaient", raconte Elisabeth, 47 ans, employée à la mairie. Et au Chastang, connaître François Hollande n'a rien d'exceptionnel. "On le voyait tout le temps, quand il était maire de Tulle, président du conseil général ou député de Corrèze", se rappelle Jean-Luc, 53 ans, qui se présente comme le seul chef d’entreprise du Chastang. "Il nous fait la bise quand on le voit", ajoutent, fiers, Jacqueline et Marcos, un couple de retraités.

En Corrèze, François Hollande laisse un très bon souvenir. "Il a fait beaucoup de choses ici, sur les transports scolaires par exemple, ou au niveau culturel", saluent Jean et Linda. Mais comme président de la République, son bilan est moins positif à leurs yeux. Cet électricien et cette institutrice, habitants depuis une dizaine d'années du Chastang, ne sont pas "satisfaits" de son mandat présidentiel. Parmi leurs voisins, même déception.

C’était quelqu’un du coin. Donc, on a imaginé beaucoup de choses qui n’ont pas forcément été réalisées.

Jean-Luc

à franceinfo

"Je suis assez déçue. Il y a eu des promesses non tenues, et surtout, François Hollande a pris une orientation de la gauche trop libérale, qui n’est pas la mienne", ajoute Arlette. Qui n’en apprécie toutefois pas moins la personne. Au Chastang, François Hollande a encore la cote. "Le contexte économique a été difficile, Humainement, il est resté juste", l’excusent Jean et Linda. "Il n’a pas pu faire ce qu’il voulait, il s’est trop laissé manipuler", renchérissent Jacqueline et Marcos.

Une commune d'indécis

Aujourd’hui, après un mandat qui les a majoritairement déçus, les hollandais du Chastang ne savent plus pour qui voter. "Je ne m’y retrouve plus dans cette campagne. Elle est trop lointaine", regrette Elisabeth. L’employée municipale cite pour exemple les affiches des onze candidats, collées le jour-même : "Les panneaux, on les avait installés à la date réglementaire et quelqu’un vient tout juste d’y coller les affiches. C’est tout de même embêtant pour nous !"

Les affiches de campagne des candidats ont été collées sur les panneaux officiels, le 19 avril 2017 au Chastang (Corrèze). (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

Aucun candidat ne semble vraiment les satisfaire. "En 2012, c’était net, clair, il n’y avait qu’un candidat possible pour nous. Aujourd’hui, on a un Emmanuel Macron qui, selon nous, représente moins les valeurs de gauche, un Benoît Hamon dont les idées, comme le revenu universel, ne nous conviennent pas, ou un Jean-Luc Mélenchon, qui veut une rupture trop franche", énumèrent Jean et Linda.

C’est donc le vote utile qui l’emporte au Chastang. Les habitants procèdent par élimination. "On ne votera pas pour les extrêmes, il est hors de question de voter pour François Fillon, ce voyou, ni pour Benoît Hamon, qui n’a pas la carrure d’un président. Alors, on va se tourner vers Emmanuel Macron", explique Marcos. "Ou on vote blanc, hein papy ?", répond, en riant, sa femme Jacqueline.

Les Chastandous saluent "la jeunesse" et "les idées nouvelles" d’Emmanuel Macron. "Je vais voter pour lui, mais pas par conviction, contrairement au vote de 2012 pour ma part", annonce, résigné, Jean-Luc.

"Ici, le vote FN émerge doucement"

Voter En marche !, c'est aussi un moyen de barrer la route à l’extrême droite. "Pour cette élection, j’ai peur. J’entends des réflexions, notamment sur les migrants, que je n’entendais pas avant, au Chastang", indique Arlette. Une inquiétude qui trouve écho chez Jacqueline et Marcos. "Ça a toujours été à gauche ici, et je suis née dans cette commune. Avant, personne ne votait ou n’envisageait même le Front national. Mais depuis quelques années, ce vote émerge doucement", décrit Jacqueline. En effet, si seuls 7,6% des habitants de la commune ont voté FN au premier tour de la présidentielle de 2012, la liste d’extrême droite y a obtenu 12,8% aux régionales de 2015.

Dimanche, Delphine et Vincent pourraient justement donner leurs voix à Marine Le Pen. "J’ai voté pour François Hollande en 2012. J’avais choisi mon candidat longtemps à l’avance. Là ? Je ne sais toujours pas vraiment. Mais il faut que les choses bougent alors, pourquoi pas voter Front national au premier tour ?", se demande Delphine. Comme beaucoup de Français, le choix se fera sans doute au tout dernier moment.

Je suis prête à voter totalement différemment.

Delphine

à franceinfo

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