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Affaire Fillon : "Même si la manipulation de la justice n'existe pas, le soupçon est réel", estime un magistrat

Pour Jean de Maillard, magistrat, il faut profiter de l'affaire Fillon pour lancer une véritable réforme de la justice qui, selon lui, "n'a jamais été indépendante".

Article rédigé par franceinfo
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Les couloirs du palais de justice de Paris, photographiés le 27 février 2017. (ALAIN LE BOT / AFP)

Alors que François Fillon, empêtré dans l'affaire des emplois fictifs présumés de sa femme et de ses enfants qui pourraient lui valoir d'être mis en examen, se dit victime d'un "assassinat politique" et d'une "procédure menée à charge", le magistrat Jean de Maillard a estimé samedi sur franceinfo que le soupçon de manipulation était réel. Auteur d'une tribune dans le journal Le Monde jeudi, l'enseignant à Science Po souhaite que l'on profite de cette affaire pour permettre à la justice en France de devenir pleinement indépendante du pouvoir politique.

franceinfo: Jean de Maillard, vous dites que la justice aujourd'hui n'est pas pleinement indépendante. Pourquoi dites-vous cela?

Jean de Maillard : La justice en France n'a jamais été indépendante. Les magistrats peuvent l'être et le sont au moment du jugement, mais l'institution judicaire est en fait entièrement sous le contrôle du pouvoir exécutif. La carrière des magistrats dépend du garde des Sceaux. Les moyens financiers sont extrêmement chiches, et donc l'institution judiciaire elle-même n'est pas dans une situation d'indépendance. La Cour européenne des droits de l'Homme considère d'ailleurs clairement que le parquet français n'est pas indépendant du pouvoir exécutif. S'il est vrai que le garde des Sceaux ne peut plus donner au parquet des instructions de 'non poursuite', il n'en reste pas moins que les magistrats du parquet sont nommés par le ministre de la justice et que le contrôle que fait le contrôle supérieur de la magistrature n'est pas absolu. Le ministre peut passer outre un refus de nomination. Donc la carrière d'un magistrat du parquet dépend entièrement et directement du ministre de la Justice.

Le soupçon de manipulation de la justice est donc fondé ?

Oui, le soupçon est possible, pour deux raisons. D'abord, il n'a échappé à personne que dans ce pays, depuis 25 ans, il y a une sorte de bras de fer entre la justice et le pouvoir politique dans son ensemble. La première manche a été remportée par la justice dans la mesure où elle a gagné sa légitimité pour poursuivre le politique : on ne met plus en cause le droit pour la justice de juger les politiques. Mais aujourd'hui, on fait un procès en impartialité et en opportunité à la justice, on lui reproche d'être partiale et d'interférer dans le déroulement politique, et c'est là qu'il y a un risque de voir la deuxième manche être perdue par la justice, parce que le soupçon ne peut pas ne pas exister, dans la mesure où l'institution judiciaire est totalement dépendante du pouvoir politique. Le soupçon de manipulation de la justice, même si la manipulation n'existe pas, est réel.

Que faudrait-il changer pour garantir l'indépendance de la justice?

Ce que les politiques dans ce pays n'ont jamais voulu comprendre, c'est que quand quelqu'un est indépendant, il est responsable. S'ils rendaient la justice plus indépendante, ils auraient beaucoup moins à en craindre. Si on veut sauver non seulement la justice, mais aussi l'ensemble de nos institutions, il va falloir donner à la démocratie française sa maturité, c'est-à-dire faire comme dans les autres pays véritablement démocratiques : avoir une justice vraiment indépendante.

"Même si la manipulation de la justice n'existe pas, le soupçon est réel", estime le magistrat Jean de Maillard

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