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Affaire Fillon : le (gros) blues des juppéistes

En refusant d'être un plan B, Alain Juppé les a laissés orphelins. Ces élus, proches du maire de Bordeaux, sont aujourd'hui dans une situation impossible : faire campagne du bout des lèvres pour François Fillon, un candidat qu'ils avaient renié une semaine auparavant.

Article rédigé par franceinfo - Margaux Duguet
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Alain Juppé lors d'un meeting de soutien à François Fillon, le 16 février 2017, dans sa ville de Bordeaux (Gironde).  (NICOLAS TUCAT / AFP)

"Vous me torturez là..." Au bout du fil, Frédéric Valletoux, maire LR de Fontainebleau (Seine-et-Marne), avoue facilement son embarras au fur et à mesure qu'on lui pose des questions sur François Fillon, vendredi 10 mars. Ce soutien d'Alain Juppé ressemble à tous les juppéistes de France et de Navarre : sonné et déboussolé par cette campagne présidentielle. Nombre d'entre eux ont, il y a quelques jours, demandé le retrait de François Fillon, englué dans l'affaire des emplois présumés fictifs de Penelope Fillon, et appelé leur champion Alain Juppé à reprendre le flambeau. 

Mais le scénario ne s'est pas déroulé comme prévu. Le maire de Bordeaux a jeté l'éponge, lundi 6 mars, et mis fin, "une bonne fois pour toutes", au fameux plan B. Résultat : les juppéistes se retrouvent dans une situation très compliquée. Légitimistes, ils n'iront pas contre la volonté du parti. Mais beaucoup ne feront pas campagne activement. Franceinfo leur a donné la parole.

La loyauté avant tout

"Je suis très légitimiste, je suis derrière celui qui porte les couleurs de notre famille." Cette phrase, prononcée par Karl Olive, maire LR de Poissy (Yvelines), aurait pu être dite par n'importe quel élu juppéiste. Tous le promettent : ils ne feront rien pour gêner le candidat Fillon et tentent de se raccrocher au programme. "Je reste loyal à ma famille politique. François Fillon est mon candidat et il porte un bon projet. On le soutient parce que c'est le candidat qui porte le meilleur projet pour le pays. Il faut qu'il fasse néanmoins la démonstration qu'il est capable de rassembler toute la famille politique", explique Frédéric Valletoux, le maire de Fontainebleau. 

Je m'accroche au projet, on ira voter pour le projet

Frédéric Valletoux, maire LR de Fontainebleau

à franceinfo

Une bouée de sauvetage en plein naufrage. C'est un peu le rôle qu'octroient donc ces juppéistes au projet de François Fillon, qualifié de "très proche" de celui d'Alain Juppé. "A nos yeux, il n'y a que la droite et le centre réunis qui ont la capacité de redresser le pays, assure Patrice Favard, maire LR de Ribérac (Dordogne). A partir du moment où la déception est avalée, il y a la volonté de faire gagner la droite et le centre." 

"Je ne ferai pas campagne"

Pour autant, s'ils iront tous glisser un bulletin "François Fillon" le 23 avril, nombre de ces élus n'ont pas l'intention de s'engager sur le terrain. "Je ne ferai pas campagne active pour François Fillon", avoue le député européen LR Alain Lamassoure, qui avait publié avec d'autres de ses collègues un communiqué de retrait de la campagne. L'élu n'avait pas digéré "le parjure" de François Fillon, qui avait promis sur le plateau de TF1 de renoncer en cas de mise en examen. "Je voterai pour Fillon, mais je ne ferai pas campagne, je n'ai pas envie de faire des réunions publiques, je reste à une position minimaliste", renchérit le député-maire LR d'Ajaccio (Corse-du-Sud), Laurent Marcangeli. 

J'ai du mal à puiser l'énergie pour être un bon relais. Je suis très triste, c'est le sentiment qui domine

Laurent Marcangeli, député-maire LR d'Ajaccio

à franceinfo

"Je serai présent aux réunions, mais je n'en serai pas l'initiateur, affirme de son côté Karl Olive. C'est triste d'avoir eu le sentiment d'une élection imperdable alors que maintenant, c'est très compliqué." Les plus proches du maire de Bordeaux sont sur la même ligne. "Edouard Philippe [le député-maire LR du Havre] s'est retiré de la campagne et il n'y retournera pas", assure l'entourage de l'édile en confirmant qu'il ne prendra aucune part active dans la campagne au niveau local. 

"On joue le jeu sans enthousiasme"

D'autres, minoritaires, ont décidé de s'engager vraiment, quitte à avoir une parole bien différente de celle qu'ils tenaient il y a seulement quelques jours. "Je vais faire campagne localement pour François Fillon et j'essaie de convaincre ceux qui sont sur la même ligne d'en faire autant", explique le maire LR de Suresnes (Hauts-de-Seine), Christian Dupuy. "A partir du moment où Juppé a affirmé qu'il n'irait pas, on n'a plus tellement le choix, il n'y a pas d'hésitation à avoir", développe-t-il avant de fustiger Emmanuel Macron et Marine Le Pen, qui "n'ont rien de réjouissant". Un peu osé lorsqu'on se souvient de sa déclaration au Parisien, le 2 mars. "Je crois que si François Fillon se maintient, on est à deux doigts de livrer la France à Marine Le Pen et je veux à tout prix éviter cela", disait-il, expliquant avoir envoyé son parrainage à Alain Juppé. 

"Je ne ferai pas campagne pour François Fillon", affirmait Patrice Favard le 1er mars à France Bleu Périgord. Dix jours plus tard, l'élu assure qu'il sera sur le terrain. "On fera campagne, j'ai un réseau de militants, il y aura du tractage et des réunions publiques." Mais l'envie n'est visiblement pas revenue. 

Je ferai campagne sans l'enthousiasme que je mets dans chaque campagne électorale

Patrice Favard, maire LR de Ribérac

à franceinfo

"On joue le jeu sans enthousiasme", dit-il encore, avouant être "très triste et en colère du boulevard que l'on avait". Pour Patrice Favard, "les contentieux politiques doivent s'effacer par rapport à l'intérêt supérieur du pays. Le redressement prime sur l'homme."

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