Exercice de styles pour le premier défilé des candidats
Nicolas Dupont-Aignan : "Je peux apporter une voie solide de sortie de crise"
Il était le premier à réclamer un vaste débat entre les dix candidats, le candidat de Debout la République aura finalement été le premier à parler dans l'émission qu'il a en quelque sorte "initiée". Tout en regrettant que l'idée d'une discussion entre candidats ait été abandonnée : "J'aurais aimé un vrai débat. Car sur les sujets de diversion sur la viande hallal, ou le permis de conduire, les Français ne sont pas dupes" .
Au journaliste qui lui demande, "sans malice" , pourquoi il est candidat, Nicolas Dupont-Aignan répond du tac au tac : "c'est une candidature pour gagner. Je considère que mon pays va mal, que les dirigeants depuis 30 ans l'ont abandonné. J'estime pouvoir apporter une voie solide de sortie de crise" . Ses modèles, à part le général De Gaulle ? "C'est déjà pas mal... Le gaullisme, c'est le rassemblement de tous les Français au nom de l'intérêt général. L'intérêt général, ce ne sont pas des gens non-élus, qui se gavent de fric, qui peuvent le définir" .
Enfin, sur la question d'une éventuelle consigne de vote au second tour, Nicolas Dupont-Aignan botte en touche : "je refuse de me prononcer sur le deuxième tour avant le premier. Mais je considère que les deux partis ont failli. Je ne voterai pas pour un charlatan, les Français sont assez grands pour choisir."
Eva Joly, "coincée entre la gauche molle et la gauche folle"
Lunettes vertes (le symbole de l'entrée dans une nouvelle phase de la campagne, selon elle), Eva Joly reconnait que la campagne "est difficile. L'espace laissé aux petits candidats est réduit, et l'écologie demande des efforts aux citoyens". Pas facile d'être populaire dans ces conditions. La candidate d'Europe Ecologie Les Verts reconnait aussi être "coincée entre la gauche molle, qui ne promet rien, et la gauche folle, qui promet tout" , un double tacle envers François Hollande et Jean-Luc Mélenchon. "Moi, je représente la gauche raisonnable, qui ne raconte pas de baratin. C'est un message difficile à faire passer" .
Sur son programme, la candidate évoque notamment la sortie du nucléaire ("nous n'avons pas suffisamment entendu l'avertissement de Fukushima" ), les créations d'emplois (140.000 dans les énergies renouvelables, 440.000 dans la construction), et le partage du travail ("pas de loi, mais une négociation secteur par secteur" ).
Mais c'est dans le costume de la juge qu'Eva Joly est la plus efficace. Évoquant à nouveau les ennuis judiciaires de l'entourage de Nicolas Sarkozy, elle assume ses propos : "je dis ce que tout le monde sait. L'affaire Bettencourt, ce n'est pas un secret. Ce qui est extraordinaire en France, c'est qu'on puisse dire tout ça, que tout soit publié, et que rien ne se passe. On ne peut pas solliciter un deuxième mandat et ne pas s'expliquer sur de telles affaires" . La présomption d'innocence ? Elle "ne suffit pas pour effacer l'impression que tout cela fait à votre intelligence. Cela ne dispense pas d'explications" .
François Hollande : "Une stature présidentielle, on l'acquiert quand on est président"
Pour le candidat du PS, et toujours favori des sondages, l'exercice est un peu plus convenu. "On vous connait déjà bien, vous êtes déjà venu plusieurs fois" , annonce David Pujadas. Toutefois, François Hollande prend soin de ne pas vendre la peau de l'ours, répétant plusieurs fois qu'il parle "au conditionnel, car je respecte le vote des Français" .
Il revient sur plusieurs points de son programme, un programme qui, il l'assure, ne devra rien à d'éventuelles alliances pour le second tour, que ce soit avec Eva Joly ou avec Jean-Luc Mélenchon. "Sur le projet, ce sera celui que j'ai présenté qui sera le programme du gouvernement". François Hollande précise toutefois qu'il faut savoir ce que l'on veut : les discussions avec le reste de la gauche ne "dépendront que de la volonté de gagner, est-ce que nous voulons gagner. Jean-Luc Mélenchon, je le connais, nos propositions sont différentes. Mais moi je dois non seulement faire le meilleur score au premier tour, mais aussi gagner l'élection présidentielle. Et pour ça, mieux vaut avoir le meilleur score au premier tour" . Le candidat socialiste l'assure : "j'ai un cap, je m'y tiens, j'ai une cohérence, je ne suis pas dans le zig-zag" .
Enfin, à l'intention de ceux qui remettent en question sa capacité à endosser le costume de président, malgré sa personnalité "sympathique" , François Hollande répond par une boutade : "une stature présidentielle, on l'acquiert quand on est président. Être sympathique, c'est pas sûr" .
Marine Le Pen : "J'ai été le brise-glace du conformisme politique et médiatique"
La candidate du Front National revendique d'avoir été la première à parler des vraies questions, et d'être " en quelque sorte le centre de gravité de cette campagne présidentielle" . Sur l'affaire Merah, par exemple : "depuis combien de temps est-que je parle des fondamentalistes ? Et on me regardait avec mépris. Si j'avais été au pouvoir il y a 25 ans, Mohamed Merah n'aurait pas été Français. Avec 15 condamnations à son actif, il aurait été renvoyé dans son pays d'origine" .
Marine Le Pen évoque aussi la politique étrangère, notamment le sort des réfugiés syriens. "On n'a plus les moyens pour la générosité. Vous allez les loger où, les faire vivre avec quoi, les soigner comment ? Même si ça doit déplaire aux belles âmes, mes efforts iront d'abord à mes compatriotes." La candidate évoque "la diplomatie" comme "solution la plus sage" , tout en condamnant "tout ce qui fait des morts civils" .
Les journalistes sont également revenus sur la question de l'avortement, ces "avortements de récidive" dont parle Marine Le Pen. "La règle est claire : pas d'abus dans le droit à l'avortement. Celles qui avortent deux ou trois fois de suite, il n'y a pas de raison qu'on les prenne en charge. À côté, j'ai un Français sur trois qui ne peut pas se soigner correctement." Tout en évoquant "la responsabilité des parents" .
Philippe Poutou : "J'ai pas rendez-vous avec le peuple moi, j'ai pas entendu des voix"
Dernier candidat à se prêter au jeu, Philippe Poutou, qui se dit lui-même "en décalage" par rapport aux autres. Pourquoi ? Parce qu'il ne veut pas être président, et qu'il conteste "le pouvoir concentré sur un seul homme" . Les journalistes évoquent cette petite contradiction, son style bien à lui, son apparent "manque de conviction" que soulignent des militants de son propre mouvement : le candidat du NPA s'en amuse.
Car pour ce militant habitué à "faire partie d'un groupe, à envahir des salles de réunion en groupe, à séquestrer le patron en groupe" , cette campagne "tout seul" n'est pas forcément simple, mais elle a un but : "si je me fais chier depuis huit mois à faire des interviews, c'est par envie de faire passer nos idées et notre combat. J'espère faire passer l'idée de la révolte. J'ai pas rendez-vous avec le peuple moi, j'ai pas entendu des voix."
Plutôt que sur l'élection, le candidat du NPA veut plutôt "s'appuyer sur la lutte des peuples, comme au Portugal ou en Grèce" . Notamment pour "harmoniser le droit social en Europe, ce qui permettrait d'éviter les délocalisations sur ce territoire" . Plus globalement, il présente son projet comme "un programme d'urgence, pour sortir de la crise, du chômage, de la pauvreté. Pour le futur, il faudra qu'on en discute ensuite. Mais il va falloir des solutions radicales, à l'opposé de la politique depuis 10, 20, 30 ans. L'argent faut aller le chercher là où il est, même si ça peut paraître osé ou scandaleux" .
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