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Possible candidature d'Éric Zemmour en 2022 : "Intéressant pour les candidats de la droite et du centre", analyse un spécialiste de l'extrême droite européenne

Le polémiste envisage de se présenter à la présidentielle. Une candidature qui pourrait faire de l'ombre à Marine Le Pen ou lui apporter les voix des CSP+ au second tour, projette l'historien Nicolas Lebourg.

Article rédigé par franceinfo
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Le polémiste Éric Zemmour, le 22 avril 2021. (JOEL SAGET / AFP)

"Il y a un côté un petit peu panique" au Rassemblement national, explique jeudi 24 juin sur franceinfo Nicolas Lebourg, historien, spécialiste de l'extrême droite européenne et chercheur au centre d'études de l'Europe latine à l'université de Montpellier, alors que candidature du polémiste Éric Zemmour pour 2022 "est une option sur la table". L'éventualité d'une candidature à l'élection présidentielle pourrait "semer le chaos" et faire les affaires des "autres candidats de la droite et du centre".

franceinfo : La candidature d'Éric Zemmour est-elle crédible ?

Nicolas Lebourg : C'est une option sur la table. On sait que son entourage le pousse ardemment depuis des semaines et des semaines et je pense qu'il a effectivement une carrière politique devant lui. Ensuite, pour lui, il y a un vrai risque puisque, bien évidemment, il pourrait y perdre le fait de vendre énormément de livres, en devenant plus clivant, plus l'homme d'un camp.  

Est-il déjà en campagne sans le dire ?

Oui. Puis, il a même utilisé plusieurs fois le futur en disant non pas qu'il préconiserait de faire telle ou telle chose à des hommes politiques comme il le faisait jadis, mais en disant : "Je serai pour... je ferai". Il utilise des futurs actuellement. Très clairement, il est de plus en plus en position, sachant qu'une campagne ne sera pas facile pour lui. Éric Zemmour est un homme très fort en télévision, mais quand, par exemple, on va le voir en conférence, il est beaucoup moins à l'aise sur une scène, sur une tribune. Il cherche un peu sa place dans la salle. Ça risque d'être un peu compliqué pour lui. Il y a une armure à briser.

Est-ce qu'un polémiste peut devenir un politique ?

C'est très compliqué parce que ce que l'on sait du public d'Éric Zemmour, c'est que ce sont des CSP+ [catégories socio-professionnelles les plus favorisées], selon les études de Médiamétrie. Le public qui l'a amené à CNews, c'est un public très CSP+. Le public de ses livres également. Quand on va le voir en conférence, on se retrouve autour de gens assez bourgeois. Or, ça, c'est très bien dans une élection, mais cela ne fait pas une majorité. Le deal assez raisonnable, cela serait qu'Éric Zemmour parle à des CSP+ et les amène à Marine Le Pen, qui a tant de mal à leur parler à un second tour. On peut imaginer une configuration comme ça.

C'est ce que souhaite le Rassemblement national ?

C'est compliqué parce que le RN est dans une mauvaise période. Il a perdu l'année dernière 44% de ses conseillers municipaux. Il vient de faire de mauvaises départementales, de mauvaises régionales. Il est présent dans moitié moins de cantons qu'en 2015. Il y a un côté un petit peu panique. En même temps, ils vont se rassurer en se rappelant que tout de même, depuis 40 ans, toutes les expériences "on va faire du FN sans les Le Pen" ont toutes totalement échoué.

Quel serait un angle de campagne efficace ?

Forcément, il aurait besoin de légitimer sa candidature en expliquant qu'elle est différente. Il ne peut pas, évidemment, répandre l'islam à chaque question, comme il le fait dans ses émissions télévisées. Dans une campagne présidentielle, il faut parler d'économie, d'industrie, etc. À un moment, le mot islam sera un peu court. En revanche, il y a un mot obsessionnel chez Éric Zemmour, c'est le mot déclin. Sur le déclin de la France, il peut effectivement parler à beaucoup d'imaginaires, beaucoup de gens ont eu le sentiment, par exemple l'année dernière, dans la gestion de la crise du Covid-19, qu'il y avait effectivement un déclin du pays, dans sa façon d'être capable de gérer les masques, les vaccins, etc. Cela lui permettrait d'attaquer et Marine Le Pen, en disant qu'elle n'apporte pas les moyens de sursaut, et Emmanuel Macron.  

Cette candidature ne ferait-elle pas les affaires d'Emmanuel Macron ?

Éric Zemmour, bien évidemment, dans l'idée qu'il puisse grappiller des voix à Marine Le Pen, mais surtout semer le chaos dans sa campagne, cela peut être intéressant, évidemment, pour les autres candidats de la droite et du centre. C'est une option intéressante. Tout ce qui déstabilisera Marine Le Pen est bon à prendre. Quand on voit Florian Philippot qui était passé au néant politique à l'élection européenne en dessous de 1 %, faire 7 points dans le Grand-Est, ça montre qu'il y a effectivement dans l'électorat le plus dur la recherche de quelque chose et qu'il y a une insatisfaction autour de Marine Le Pen.

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