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Éric Zemmour candidat : "Je n'ai pas l'impression qu'il va se sortir de l'impasse dans laquelle il est", estime un professeur en communication politique

Éric Zemmour a annoncé mardi sa candidature à l'élection présidentielle de 2022 dans une vidéo à la mise en scène traditionaliste et inspirée notamment de De Gaulle.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Capture d'écran de la vidéo de déclaration de candidature à l'élection présidentielle d'Éric Zemmour le 30 novembre 2021. (CAPTURE D'ÉCRAN)

Le professeur associé à l'Université Paris-Est-Créteil en communication politique et co-auteur d'un ouvrage sur Marine Le Pen, Stéphane Wanich, n'a "pas l'impression" qu'Éric Zemmour "va pouvoir se sortir de l'impasse dans laquelle il est" avec la mise en scène d'inspiration gaulliste de la vidéo de l'annonce de sa candidature à la présidentielle.

franceinfo : L'annonce officielle de la candidature d'Éric Zemmour change-t-elle les choses ?

Ça change son statut. De candidat putatif, il devient candidat réel donc ça veut dire que tout ce qu'il va dire à présent va compter pour la construction de son image présidentielle. Le problème est que la séquence qu'on a vécue la semaine dernière ou même les 15 derniers jours fait qu'il y a une réparation d'images à faire et là je ne suis pas sûr que la vidéo de son annonce fait cette réparation d'image. A mon avis, il y a deux problèmes pour Éric Zemmour. Le premier est que "faire président", c'est rassembler les Français et là son discours est énormément diviseur, scandaleux parfois sur l'affaire Dreyfus, sur le maréchal Pétain, etc. La deuxième chose, c'est qu'il faut être crédible en termes économiques, sociaux, mais il n'a pas de discours. Il a un mono-discours qui est lié au déclin de la France qui est un thème récurrent du Front national par ailleurs et un discours sur la sécurité, l'immigration, etc. Mais quid des nouvelles technologies, des nanotechnologies, de l'avenir de la France à ce niveau-là, il n'y a aucun discours. Pour faire président, il ne suffit pas de dénoncer une situation, c'est aussi de proposer quelque chose et là, on est dans le vide pour l'instant. Mais la campagne ne fait que commencer.

Dans la vidéo de son annonce, il parle dans un micro posé sur une table, devant une bibliothèque remplie de vieux livres et avec en fond de la musique classique. Qu'est-ce que cela évoque ?

C'est un système symbolique de la France d'hier. La vidéo a surtout servi pour qu'on en parle dans les médias traditionnels parce que sur YouTube environ 35 000 personnes ont regardé, donc ce n'est pas ça qui va faire une campagne. En revanche, il convoque tout le système symbolique de retrouver la France de De Gaulle, quand elle était forte et puissante dans le monde. Il y a la bibliothèque de l'Élysée derrière, comme celle de Mitterrand, de De Gaulle. Le micro signifie qu'il faut sauver la France en danger. C'est le symbole de l'appel du 18 juin. Ce sont exactement les thématiques de Jean-Marie Le Pen dans les années 1990 : la France en déclin d'un côté, la trahison des élites de l'autre et il y a le sauveur qui prend la forme gaullienne pour Éric Zemmour – contrairement à Jean-Marie Le Pen. La musique classique sert au renforcement d'une vision classique. On n'est pas dans du rap, du RNB. Ça renforce l'image traditionaliste d'Éric Zemmour et en même temps ça crée une espèce de dynamique. Ceci dit, on aurait pu attendre d'Éric Zemmour qu'il fasse une rupture avec sa stratégie électorale désastreuse des 15 derniers jours et là on s'aperçoit qu'il continue sur sa lancée, ce qui est aussi bien en termes de stratégie de communication politique parce que créer une rupture n'est jamais bon, mais en même je n'ai pas l'impression qu'il va pouvoir se sortir de l'impasse dans laquelle il est avec ça.

Pensez-vous que l'image d'Éric Zemmour faisant un doigt d'honneur va rester ?

C'est tout l'enjeu de ce début de campagne officiel dans le sens qu'il a un passif assez important. Le doigt d'honneur a fait beaucoup parler de lui mais il y a aussi sa vie privée, son soutien à la Manif pour tous, ses propos sur les victimes de Mohammed Merah, le rapport à l'affaire Dreyfus, le rapport au maréchal Pétain. Il a été peut-être un peu trop loin et peut-être que les Français ne vont pas oublier, donc tout l'enjeu pour lui est de passer à autre chose. L'ennui c'est que dans sa vidéo il reste sur la même thématique donc pour l'instant il n'a pas la volonté politique ni idéologique de passer à autre chose. Tant qu'il sera dans ce mono-discours, je pense que son image ne sera pas réparée. Les Français n'ont pas tant que cela la mémoire courte. Un président doit être rassurant et équilibrant pour la France et lui, pour l'instant, n'a été que déséquilibrant et "fauteur de troubles" dans le rapport à la guerre civile très théorique que pourrait connaître la France. Pour faire président, il faut avoir un projet, rentrer dans une histoire et représenter la France et pour l'instant il est plus dans une représentation de sa propre idéologie que des préoccupations des Français.

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