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En proposant un référendum sur les obligations des chômeurs, Nicolas Sarkozy fait-il un bon choix ?

Pas encore candidat, Nicolas Sarkozy a manifesté, dans Le Figaro Magazine, le souhait de soumettre à référendum la question du travail et de l'assistanat. La proposition, qui fait polémique, braque le projecteur sur le maillon faible : le chômeur.
Article rédigé par Catherine Rougerie
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Nicolas Sarkozy visite une agence de Pôle emploi, à Paris, le 15 avril 2010. (AFP - Philippe Wojazer)

Pas encore candidat, Nicolas Sarkozy a manifesté, dans Le Figaro Magazine, le souhait de soumettre à référendum la question du travail et de l'assistanat. La proposition, qui fait polémique, braque le projecteur sur le maillon faible : le chômeur.

"Nous allons donc engager une grande réforme de la formation professionnelle. Aujourd'hui, elle fonctionne mal. Elle est éclatée entre des responsables multiples". Tels sont les propos du chef de l'Etat dans son entretien au "Figaro Magazine" du 11 février.

Pas encore officiellement candidat, Nicolas Sarkozy est à fond dans la campagne. Il laisse évoquer des mesures "chocs" et l'annonce, entre autres, d'une mission sur la formation confiée à Gérard Larcher.

C'est à partir de cette dernière que "seront posées les bases de cette nouvelle réforme".

Comme une légère contradiction

Une mission, mais pour quoi faire ? Si le diagnostic est à établir, comment comprendre la suggestion d'un éventuel référendum sur l'obligation pour chaque demandeur d'emploi d'accepter une formation en contrepartie de l'indemnisation versée. Si le système est défaillant, pourquoi contraindre le chômeur en entrer dans l'engrenage.

Et peut-on sérieusement soutenir que les blocages sont ignorés, les obstacles non perçus et les problèmes méconnus ?

Si l'on s'en tient au nombre et au contenu des rapports existants, la réponse est non.

Une gabegie dénoncée depuis des années

Missions, commissions, notes, comptes-rendus, on ne compte plus les documents qui pointent de façon détaillée, les failles du système de la formation professionnelle.

Sans remonter jusqu'à Mathusalem et pour comprendre comment "75 % des demandes de formation des chômeurs ne sont pas satisfaites!", comme l'a rappelé M. Sarkozy au Figaro, on peut se reporter à la synthèse de la Cour des Comptes qui, en 2008, concluait déjà à "l'inefficacité du système et l'urgence de sa réforme".

Le diagnostic des sages de la rue Cambon tenait en trois points.

Primo, les formations sont largement inadaptées aux besoins des individus et des entreprises.

Secundo, les financements sont abondants : plus de 34 milliards d'euros en 2006, mais très insuffisamment mutualisés et les circuits financiers sont excessivement cloisonnés et peu contrôlables.

Tertio, les intervenants sont éclatés à l'extrême et ne coordonnent qu'insuffisamment leurs actions.

Et passée l'analyse, la Cour suggérait plusieurs pistes, notamment une clarification "des modalités de collecte des fonds de l'apprentissage et de la formation continue" pour en "assurer leur meilleure répartition".

Un maquis inextricable

Autre problème régulièrement soulevé, l'illisibilité du système qui ne facilite ni le travail des agents de Pôle emploi, ni la recherche des demandeurs d'emploi.

Et pour cause, le nombre d'organismes ayant pignon sur rue est impressionnant. En 2011, le député socialiste de la Marne, Philippe Martin, recensait quelque 58 450 prestataires, parmi lesquels 14 545 ayant pour activité principale l'enseignement et la formation.

"Dans ce maquis la recherche d'une formation de qualité constitue un véritable parcours du combattant", écrit l'élu en préambule de sa proposition de loi visant à créer une certification des formations professionnelles, une proposition jamais débattue en séance...

Remettre le demandeur d'emploi au cœur du système

Sur le terrain, les acteurs eux le répètent depuis des années : la lourdeur du dispositif n'est pas au service du demandeur d'emploi.

La fusion ANPE-ASSEDIC voulue par Nicolas Sarkozy pour simplifier le système n'a pas abouti aux résultats escomptés : "Il ne suffit pas d'empiler des choses qui avant éclatées ne marchaient pas très bien, pour que d'un coup, rassemblées, ça marche mieux", témoigne un professionnel du secteur.

Cultures, statuts et salaires différents, manque d'anticipation, pénurie des moyens, autant d'éléments qui ont miné les intentions d'une réforme politique, a priori, légitime.

Si on ajoute, à cette impréparation de la majorité, l'absence de coordination entre les 22 présidents de région, dont 20 dirigées pas le Parti socialiste, et qui sont désormais compétent en matière de formation, on a presque le tableau au complet.

Le démantèlement de l'AFPA

Reste encore à évoquer la situation de l'acteur historique du secteur, l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) dont les syndicats dénoncent depuis de longs mois 'le démantèlement' à bas bruit.

En 2008, six syndicats de cet organisme public - CGT, CFDT, FO, CFTC, Solidaires et CFE-CGC - avaient appelé ses 11 000 salariés à la grève et à des manifestations pour alerter sur les conséquences du projet de loi de finances pour 2009 qui prévoyait un désengagement financier de l'État.

Depuis les choses se sont accélérées. La loi de décentralisation de 2004 conduisant au transfert d'une grande partie du financement de la formation aux régions est entrée en application et avec elle la mise en œuvre d'une concurrence avec le privé, alors que l'AFPA était jusque-là financée par des subventions.

"Il y a une contradiction à vouloir réformer la formation professionnelle pour la rediriger vers des publics en difficulté et casser dans le même temps l'outil qui fait ça depuis des années", s'étonnait à l'époque Jacques Coudsi, de la CGT.

Trois ans plus tard, la contradiction demeure, le chômage a augmenté mais celui vers lequel on se tourne désormais, c'est le "demandeur d'emploi" !

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