Présidentielle : Emmanuel Macron a-t-il déjà gagné le second tour ?
Arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, Emmanuel Macron est donné largement vainqueur par les sondages le 7 mai. Pourtant, le candidat d'En marche ! aurait tort de négliger l'entre-deux-tours, affirment plusieurs sondeurs interrogés par franceinfo.
Il en rêve depuis au moins un an. Lors du second tour de la présidentielle, le 7 mai, Emmanuel Macron pourrait être élu président de la République. Une victoire inimaginable il y a encore quelques mois pour l'ancien ministre de l'Economie, qui a déjà fêté, à l'occasion d'un dîner polémique à La Rotonde dimanche 23 avril, son succès au premier tour.
Fort d'une bonne dynamique, de soutiens venus de droite comme de gauche face au FN et de sondages favorables, le candidat d'En marche ! semble à l'abri des mauvaises surprises. Mais certains observateurs interrogés par franceinfo ne partagent pas cette analyse. Alors, Emmanuel Macron a-t-il déjà remporté l'élection présidentielle ?
Oui, car il bénéficie d'une grosse réserve de voix
"Une nouvelle campagne démarre avec le second tour", met en garde Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop, contacté par franceinfo. S'ils veulent accéder à l'Elysée, les deux finalistes doivent élargir leur base électorale. Une obligation qui semble plus facile à remplir pour Emmanuel Macron, qui, avec 24,01% des suffrages, est arrivé plus de deux points et demi devant Marine Le Pen (21,3%). Dans un sondage réalisé par Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France* juste après la proclamation des résultats, le candidat d'En marche ! recueillerait 62% des suffrages au second tour, loin devant la candidate frontiste (38%). Le score de Marine Le Pen serait toutefois "deux fois plus élevé que celui de son père en 2002 [17,79%]", rappelle Frédéric Dabi.
Le candidat d'En marche !, "plus rassembleur", peut compter sur le "barrage républicain" – selon la formule du premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Peu après les résultats, François Fillon, Benoît Hamon et plusieurs ténors de gauche comme de droite ont, en effet, appelé à voter contre Marine Le Pen.
La rapidité et la clarté des consignes qui ont été données dimanche soir sont, à mon avis, importantes pour la mobilisation des électeurs.
Stéphane Zumsteeg, Ipsosà franceinfo
Si Jean-Luc Mélenchon, ainsi que les sept autres candidats à la présidentielle, n'ont, en revanche, pas encore pris position, l'électorat de la France insoumise n'a pas eu de mal à se prononcer malgré l'absence de consigne. Toujours selon le sondage Ipsos/Sopra Steria paru dimanche soir, 62% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon estiment qu'il y a "plus de chance" qu'ils votent pour le leader d'En marche ! que pour la présidente du Front national (9% se prononcent en faveur de Marine Le Pen et 29% ne s'expriment pas).
Du côté de l'électorat de Benoît Hamon, les intentions de vote en faveur d'Emmanuel Macron grimpent jusqu'à 79%. Les soutiens de François Fillon sont les plus partagés : parmi ceux ayant voté pour le candidat Les Républicains au premier tour, 48% estimaient dimanche qu'ils se tourneraient sans doute plus vers le candidat d'En marche !, tandis que 33% considéraient que Marine Le Pen avait plus de chance de recueillir leur suffrage.
Oui, car le retard de Marine Le Pen semble difficile à combler
La candidate du Front national a recueilli plus de 7,6 millions de voix au premier tour. Même si elle fait mieux que son père, qualifié au second tour de la présidentielle avec 4,8 millions de voix en 2002, "il lui faudrait convaincre 10 millions d'électeurs supplémentaires pour remporter l'élection – ce qui est beaucoup", assure Emmanuel Rivière, sondeur chez Kantar Sofres.
Malgré la stratégie de "dédiabolisation" du FN, "le parti reste non consensuel, assure-t-il. Historiquement, le FN a toujours du mal à trouver des réserves de voix au second tour." Il y a quinze ans, Jean-Marie Le Pen n'avait gagné que 700 000 voix entre le premier et le second tour.
Pour combler son retard, "Marine Le Pen va tenter d'installer cette élection comme un référendum pour ou contre l'Union européenne, et pourra rejeter Emmanuel Macron parmi les élites mondialisées", imagine Frédéric Dabi. En déplacement à Rouvroy (Pas-de-Calais) au lendemain du premier tour, la candidate frontiste a, en effet, accusé Emmanuel Macron d'être le candidat "du 'retourisme'. Le retour des vieilles gloires de la politique française qui ont peu ou prou été coupables de la situation très difficile dans laquelle se trouvent nos compatriotes aujourd'hui."
#LaRotonde : Marine #LePen tacle Emmanuel #Macron pic.twitter.com/HdQgnLRaYR
— CNEWS (@CNEWS) 24 avril 2017
Non, parce que son attitude triomphaliste pourrait démobiliser
Mais ce n'est pas parce qu'on est largement en tête que le match est forcément gagné – les joueurs du PSG peuvent en témoigner. Emmanuel Rivière assure ainsi qu'Emmanuel Macron "a plein de manières de mettre son avantage en péril. La première est peut-être de donner le sentiment que la victoire est trop facile, et qu'il peut enjamber le second tour."
Au soir du premier tour, le discours d'Emmanuel Macron s'est en effet apparenté à une célébration de victoire.
Je mesure l'honneur et l'insigne responsabilité qui me revient. (...) En une année, nous avons changé le visage de la vie politique française.
Emmanuel Macron, le soir du premier tourà ses partisans réunis à Paris
En coulisses, Laurence Haïm, porte-parole du candidat, a tant bien que mal tenté de contrôler le message, rapporte le Huffington Post. "La stratégie, c'est justement de ne pas ouvrir la bouteille de champagne ce soir. C'est une joie sérieuse, une joie responsable (...), on est le soir du premier tour, pas du deuxième tour."
Mais l'attitude triomphaliste du candidat et son dîner à La Rotonde, brasserie parisienne du chic 6e arrondissement, font l'objet de critiques. David Cormand, secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts, regrette ainsi ces démonstrations de joie, alors que le Front national est lui aussi "qualifié pour le second tour".
Cette Fête à la rotonde est assez indigne dans une situation politique où l'extrême-droite est qualifiée pour le second tour... #Macron
— David Cormand (@DavidCormand) 23 avril 2017
Sur franceinfo, lundi 24 avril, Nathalie Kosciusko-Morizet a elle aussi mis en garde le candidat d'En marche !. "On a tendance à négliger le deuxième tour de l'élection présidentielle. Sauf que ce n'est pas joué. (…) Une bataille contre le FN, c'est dur, c'est forcément un peu la guerre", assure la députée LR de l'Essonne.
Nathalie Kosciusko-Morizet met en garde : "On a l'air de faire comme si c'était joué, or ce n'est pas joué" #Présidentielle2017 pic.twitter.com/lHgQRaPUzL
— franceinfo (@franceinfo) 24 avril 2017
Non, car sa stratégie d'entre-deux-tours pourrait poser problème
Pour Emmanuel Rivière, Emmanuel Macron pourrait commettre une seconde erreur, en tentant "de se positionner par rapport à son adversaire, sous prétexte qu'on est désormais dans un duel". Le sondeur se dit ainsi surpris de l'emploi du mot "patriote" par le candidat centriste dimanche soir, alors qu'il est régulièrement employé par Marine Le Pen ou Nicolas Dupont-Aignan.
"Pour une personne déjà critiquée par rapport à son positionnement, à ses inspirations de gauche et de droite, il y a un risque à donner le sentiment d’évoluer en fonction de la configuration du second tour", estime le sondeur. Une stratégie qui pourrait froisser un électorat plutôt volatil.
D'autant que "les comportements des deux électorats battus, celui de François Fillon et de Jean-Luc Mélenchon, sont difficilement anticipables, avance Frédéric Dabi. Je pense qu'on sous-estime le traumatisme, la colère et le coup de massue pour les électeurs de droite qui, au lendemain de la primaire, se disaient que François Fillon serait le prochain président."
*Estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, Le Point, Le Monde, France 24 et les chaînes parlementaires.
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