Sur quoi la rencontre de mercredi entre Emmanuel Macron et les chefs des partis politiques peut-elle déboucher ?
"Est-ce que cela marchera ? Je ne sais pas. J'ai du mal à croire que les partis vont faire un pas vers le président." Comme d'autres, ce député Renaissance affiche son scepticisme face à "'l'initative politique d'ampleur", annoncée par Emmanuel Macron dans une interview au Point, et qui va prendre la forme, mercredi 29 août, d'une rencontre à huis clos avec les partis représentés au Parlement.
Le chef de l'Etat, accompagné de la Première ministre, des membres du gouvernement et des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, va recevoir à partir de 15 heures ces responsables politiques à la maison d'éducation de la Légion d'honneur de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Une réunion de travail aura lieu tout l'après-midi, puis les participants seront conviés pour un dîner.
Les thèmes abordés ont été fixés par Emmanuel Macron dans une lettre envoyée aux chefs des différents partis vendredi. Au programme : "la situation internationale et ses conséquences pour la France", "l'efficacité de l'action publique", y compris de nouvelles pistes de décentralisation et de réformes institutionnelles, et "la cohésion de la nation". Des thèmes volontairement flous car "rien n'est trié, rien n'est prédéterminé", a insisté le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, sur BFMTV lundi.
La Nupes vient travailler, mais pas dîner
"C'est une main tendue loyalement", a écrit le chef de l'Etat dans sa lettre, évoquant l'élaboration rapide de textes législatifs. "Le peuple, par la voix de ses représentants, et le cas échéant par référendum, aura le dernier mot". Emmanuel Macron serait même ouvert, outre le référendum, à l'option du "préférendum", qui "permettrait de tester plusieurs sujets à la fois au cours d'un même vote", selon Olivier Véran.
Mais avant d'en arriver là, il s'agit déjà de faire dialoguer ensemble les leaders des principaux partis d'opposition. Aucune formation politique ne s'est néanmoins opposée au principe de cette réunion. "C'est déjà une réussite que tout le monde vienne, ce n'est pas évident", se félicite un stratège de la majorité. A une nuance près : les représentants de la Nupes ont fait savoir, mardi dans une lettre adressée à Emmanuel Macron et rendue publique, qu'ils ne resteront pas pour le dîner. "Nous ne nous faisons pas d'illusion sur vos objectifs. Nous sommes désormais habitués à vos opérations de communication sans lendemain et sans effets", fustigent Manuel Bompard (LFI), Olivier Faure (PS), Fabien Roussel (PCF), et Marine Tondelier (EELV).
"Nous ne voulons pas participer à nouveau à une mise en scène médiatique."
La Nupesdans une lettre adressée à Emmanuel Macron
Les partis de gauche viendront donc à la réunion de travail, munis de leurs sujets de prédilection. Ils souhaitent ainsi parler d'inflation, de social, d'écologie et proposent, sans surprise, un référendum sur le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
Chacun ses priorités
Du côté des Républicains, Eric Ciotti a dévoilé dès dimanche, lors de sa rentrée politique au Cannet (Alpes-Maritimes), les propositions qu'il portera auprès d'Emmanuel Macron. Le patron de LR veut notamment demander un référendum sur la proposition de loi constitutionnelle sur l'immigration, déposée par son parti au printemps, mais aussi le renforcement de la sécurité et de la justice, la suppression de tous les "droits pour les clandestins", l'uniforme obligatoire à l'école et au collège ou encore la suppression des allocations pour "les parents ayant manqué à leurs devoirs".
Si le Rassemblement national n'a pas encore formalisé sa participation à l'ensemble de la rencontre, le patron du parti d'extrême droite a déjà fait savoir les thèmes qu'il souhaite lui aussi aborder. Dans une lettre écrite à Emmanuel Macron mardi, Jordan Bardella demande l'organisation d'un référendum sur la politique d'immigration de la France, le 9 juin 2024, en même temps que les élections européennes. Il prône également un "moratoire sur toute augmentation d'impôts et de taxes" jusqu'à la fin du quinquennat en 2027, mais aussi la "baisse des factures énergétiques et des prix des carburants, la défiscalisation des hausses de salaires jusqu'à 10%, et la suppression de la CVAE [cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises] afin d'encourager la réindustrialisation".
Les oppositions viendront donc avec leur liste de sujets prioritaires, et des intérêts parfois très divergents. Pas de quoi décourager Emmanuel Macron, à en croire l'un de ses proches. "Il est réellement optimiste sur la question. Il est ultra-déterminé et veut vraiment que ça se concrétise", glisse-t-il. "Ce n'est pas un coup de com' dans son esprit, assure encore un cadre de la majorité. Si ça peut permettre d'assurer une majorité sur deux ou trois sujets ou de dégager un consensus sur un référendum, l'initiative a du sens." Il faut s'attendre à "une part de surprise" mercredi. "Je n'imagine pas un CNR bis", ajoute-t-il, en référence au Conseil national de la refondation qui devait marquer le second quinquennat Macron. Or cette nouvelle méthode de gouvernance n'a pas convaincu, aussi bien politiquement que dans l'opinion publique.
"Il faut bien trouver des consensus"
Outre le CNR, le président de la République a multiplié, depuis sa réélection, les initiatives de ce genre et même tenté, timidement, de constituer un gouvernement de coalition, sans que cela n'aboutisse. L'absence de majorité absolue à l'Assemblée rend pourtant le consensus incontournable pour faire voter des textes. Mais, pour le moment, Emmanuel Macron n'a pas trouvé de solution magique.
Au sein de la majorité, cette nouvelle rencontre avec les forces politiques fait donc lever quelques sourcils. "Oui, ça peut être une énième tentative de dépassement du président qui ne débouchera sur rien, sauf peut-être un référendum", livre un conseiller ministériel. "Le problème, c'est que les oppositions ne me semblent pas être, pour l'heure, dans une recherche de consensus. Elles sont dans la facilité en dénonçant ex abrupto la méthode, observe un membre influent de la majorité. Néanmoins, il est possible d'être surpris, mais j'en doute assez fortement." Même son de cloche auprès de cet influent député Renaissance.
"Vu le tour de table de la majorité autour du président pour le préparer, on n'imagine pas qu'il y ait une seule idée nouvelle ou que les intéressés les garderont jalousement pour eux."
Un député Renaissanceà franceinfo
Mais d'autres soulignent aussi que "le président reprend la main" et qu'"il faudra bien trouver des consensus sur des textes", y compris pour les partis d'oppposition. "Quand il décide de tout, on dit que c'est Jupiter. Et quand il tend la main pour mettre tout le monde autour de la table, on dit que c'est un coup de com'. Dans ce cas, qu'est-ce que l'on fait ?", soupire un conseiller ministériel. "C'est une manière pour le président de rappeler qu'il reste presque quatre ans et qu'il compte bien encore être présent", appuie le député Renaissance Benoît Bordat. Reste à savoir ce qui ressortira concrètement de ce grand rendez-vous.
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