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"Ignorer l'enjeu de l'éthique" était "terriblement risqué" : la responsabilité d'E. Macron pointée du doigt dans le rejet de la candidature de S. Goulard

"Arrogance", "Entêtement"… Des eurodéputés de l'opposition dénoncent le choix de Sylvie Goulard par Emmanuel Macron et se réjouissent du rejet de sa candidature par la Commission européenne.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Manon Aubry, eurodéputée LFI, invitée de franceinfo le 10 octobre 2019. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

La candidature de Sylvie Goulard a été massivement rejetée par la Commission européenne jeudi 10 octobre. En cause, le fait qu'elle soit visée par deux enquêtes  sur des emplois fictifs qui avaient conduit à sa démission en juin 2017 de son poste de ministre française de la Défense et le possible conflit d'intérêt autour de son précédent travail de "consultante" pour le think tank allemand pour lequel elle percevait 10 000 euros bruts par mois. Les eurodéputés Manon Aubry (LFI), Yannick Jadot (Europe Écologie-Les Verts) et Brice Hortefeux (LR) expriment jeudi sur franceinfo leur accord avec cette décision de la Commission européenne.

"L’éthique l’a emporté sur le fric"  

Personne ne conteste les compétences de Sylvie Goulard, a insisté Yannick Jadot, "mais elle est arrivée avec deux boulets impossibles dans le contexte actuel : le boulet des emplois présumés fictifs du Modem et le fait d'avoir été financée pendant des années à hauteur de 12 000 euros par mois par un think tank américain", explique l'eurodéputé Europe Écologie-Les Verts qui a fait partie de ceux qui ont voté contre la candidature de la Française.

l faut que la France envoie une commissaire qui à la fois soit crédible sur le fond et crédible sur l'éthique et sur ses comportements.

Yannick Jadot, Europe Ecologie-Les Verts

à franceinfo

"On a un enjeu de numérique, on a un enjeu de dépenses, c'est un portefeuille extrêmement important, le portefeuille de la future commissaire française. Il va falloir que ce soit quelqu'un qui soit crédible sur le fond et évidemment irréprochable du point de vue éthique", insiste Yannick Jadot.     

Le député européen LR et ancien ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux a un avis différent. "Il y avait ceux qui ne voulaient pas en entendre parler à cause de l’affaire dite des assistants, il y a ceux qui ne voulaient pas en entendre parler pour des raisons de rémunération en contrepartie d’un travail incertain. Et puis, il y a ceux dont je fais partie, qui considéraient que c’était un mauvais choix parce que, alors que l’Europe souffre d’un déficit de démocratie aux yeux des opinions publiques européennes, Sylvie Goulard était le pur produit de l’Eurocratie. Il y a des années, c’était une commission qui était composée de technocrates. Cela a évolué vers des responsables politiques élus qui ont exercé des responsabilités gouvernementales durables et importantes comme par exemple Michel Barnier ou Pierre Moscovici. Avec Sylvie Goulard, c’était l’inverse. Le cumul de ces trois incertitudes a abouti à une sanction très violente".    

Mais selon Manon Aubry, c'est surtout que "l’éthique l’a emporté sur le fric". Et l'eurodéputée veut aller plus loin : "Il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Nous demandons la création d’une autorité indépendante qui serait en charge de l’examen des conflits d’intérêt au niveau européen qui aurait le temps et les moyens nécessaires. Il faut fixer des règles qui empêcheraient la perception de rémunérations annexes, d’activités annexes. Vous ne pouvez pas répondre à des intérêts privés en même temps que vous répondez aux citoyens européens. Qui me dit que demain elle va faire la même chose avec un autre lobby ? C’est immoral, inacceptable, inimaginable pour les gens qui galèrent à finir leur fin de mois. Elle peut regretter ce qu’elle a fait mais elle ne voyait pas où était le problème".        

Un "camouflet" pour Emmanuel Macron

Pour Manon Aubry, cette décision est un "camouflet" pour Emmanuel Macron : "Il s’est entêté à envoyer Sylvie Goulard à la Commission européenne malgré tous les faits qui lui étaient reprochés. C’est un symbole fort. Le Parlement européen ne se laissera pas faire. Emmanuel Macron ne pourra pas imposer des décisions au Parlement comme il le fait parfois à sa majorité pléthorique en France. J’espère qu’il retiendra la leçon pour la nouvelle personne qu’il va envoyer".   

Yannick Jadot ne comprend pas qu'"au moment où il y a une telle défiance des citoyens envers l'Europe, au moment où il y a besoin que la France pèse dans les décisions de la Commission européenne au-delà du Parlement et du Conseil, ce choix terriblement risqué d'ignorer l'enjeu de l'éthique, d'ignorer la suspicion qui aurait pu peser sur la Commission européenne en termes de conflits d'intérêts ou de mise en examen potentielle de la commissaire française." 

Un "signal d'affaiblissement" pour la France

"C’est un signal de l’affaiblissement de l’influence française", estime Brice Hortefeux. "Il faut que le président de la République soit attentif à ce qui a été adressé, qui est aussi un message collectif au regard de l’arrogance française qui est perçue comme telle. Qu’un grand pays soit retoqué, c’est un mauvais signal. Cela vient s’ajouter à d’autres critiques. Le temps est fini où le choix d’un commissaire européen pouvait se faire d’un claquement de doigt dans un bureau à l’Elysée".

Yannick Jadot est d'accord : "Ce qui vient de se passer est très grave parce que la France en sort affaiblie. Mais il faut que le président Macron arrête cette attitude d'arrogance vis-à-vis de l'Europe. Une partie des votes négatifs, c'est aussi la conséquence de l'arrogance du président Macron qui a essayé ces derniers jours, ces dernières heures, de tordre le bras au Parlement européen. C'était pour beaucoup de députés, inacceptable. C'est Macron qui met la France à la faute et c'est le président Macron qui doit aujourd'hui corriger le tir. Mais il va falloir du temps pour rétablir la crédibilité de la France dans les institutions européennes."

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