Gérard Larcher : la réforme des institutions "ne s'est pas ensablée"
Gérard Larcher, le président du Sénat, est revenu mercredi sur France Inter sur ses réserves à propos de la réforme des institutions.
À quelques jours du début des débats parlementaires sur la réforme des institutions, Gérard Larcher, président du Sénat, a posé ses conditions, mercredi 4 juillet sur France Inter, tout en assurant que "la réforme ne s'est pas ensablée". Les députés commenceront le 10 juillet prochain l'examen du volet constitutionnel de la réforme, qui doit être suivi d'une loi organique et d'une loi ordinaire.
France Inter : Le chantier de la réforme des institutions a été lancé par le président de la République il y a un an. À part du temps, qu'avez-vous gagné ?
Gérard Larcher : La réforme ne s'est pas ensablée, parce que le passage devant le Sénat, après l'Assemblée nationale, est une nécessité. Toucher à la Constitution est quelque chose d'important, de sérieux et on n'est pas dans une course contre la montre. En même temps, il faut avancer. Donc l'Assemblée nationale, le 10 juillet, va commencer l'examen de la réforme constitutionnelle, le Sénat le fera en septembre. En même temps, il y a une réforme institutionnelle qui vise notamment à la question du nombre de parlementaires, du mode électoral, qui viendra parallèlement. Je crois qu'il est raisonnable de dire que nous pourrions aboutir ou ne pas aboutir au printemps prochain.
Pourquoi la réforme ne pourrait-elle "pas aboutir" ?
Parce qu'il y a quelques fondamentaux. Le premier des piliers, c'est un Parlement qui ne voit pas ses droits régresser. Ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas moderniser les conditions d'examen. Le Sénat applique déjà la législation en commissions [suite à une réforme adoptée le 14 décembre 2017, le droit d'amendement s'exerce uniquement en commissions, la séance plénière est consacrée aux explications de vote et au vote au Sénat], l'exposé et l'explication, ce que ne fait pas l'Assemblée nationale. Nous avons des systèmes de filtres des amendements quand ils n'ont pas un caractère législatif. C'est ce qu'il faut que nous partagions ensemble. Je suis parfaitement ouvert à cette modernisation, mais en même temps pas d'abaissement des droits du Parlement. Il reste une difficulté majeure, c'est un peu technique, c'est cette fameuse réunion entre sept députés et sept sénateurs, quand on n'est pas d'accord sur le même texte, pour essayer de trouver la synthèse.
Le député LR Damien Abad ne souhaite pas que la révision constitutionnelle aboutisse. Est-ce qu'il dit tout haut ce que vous pensez tout bas ?
En l'état, tel qu'il est proposé par le gouvernement, avant l'examen par l'Assemblée nationale, le texte n'est pas acceptable, parce qu'il abaisse les droits du Parlement et c'est la première fois depuis 1958 qu'on abaisserait les droits du Parlement. Par exemple par la restriction du droit d'amendement et pas en nombre : un certain nombre d'amendements se verraient interdits, un peu techniques, le lien indirect, et c'est un sujet majeur [actuellement, tout amendement est recevable en première lecture quand il présente un lien, même indirect, avec le texte présenté]. C'est un sujet majeur aussi que d'abaisser le bicamérisme, c’est-à-dire de dire qu'en cas de désaccord, on ne prend plus le texte du Sénat et on ne prendrait que le texte de l'Assemblée nationale.
Combien de sénateurs en moins imaginez-vous ?
Le sujet, ce n'est pas un chiffre fétiche. Le président de la République a exprimé un souhait de 244. Mon deuxième pilier, qui n'est pas que le mien, est la représentation territoriale. Aucun département ou collectivité à statut spécifique ne doit être sans député ou sans sénateur. On a aussi un certain nombre de sujets. La Polynésie française, par exemple, c'est grand comme l'Europe et demain, dans une logique de chiffres tabous, n'aurait plus qu'un seul député. Est-ce que le lien entre la Polynésie et la métropole en sortirait renforcé, est-ce que la démocratie en sortirait renforcée ? Voilà les sujets qu'il faut aborder. Nous avons une analyse chiffrée qui part de la représentation territoriale. Nous souhaitons que pour le Sénat, il y ait un équilibre entre le territoire et la démographie. J'échangerai avec le président de la République sur le chiffre demain.
Et sur la proportionnelle, que pensez-vous du projet d'introduire 15% ?
Je n'aime pas le système proportionnel, car je suis attaché, dans la Ve République, au scrutin majoritaire. Mais je n'ai pas deux langages. Quand le président de la République a proposé 15%, j'ai dit que 15% ne bouleversait pas les équilibres de la Ve République. Je comprends que les députés, notamment gaullistes avec ma sensibilité, n'y soient pas favorables.
Gérard Larcher et la réforme constitutionnelle : " en l'état le texte n'est pas acceptable" #le79inter pic.twitter.com/IuWXgzYsuP
— France Inter (@franceinter) 4 juillet 2018
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