François Bayrou, Sébastien Lecornu, Bernard Cazeneuve… En coulisses, trois noms circulent pour le poste de Premier ministre, sans faire l'unanimité

Le président de la République a promis, lors de son allocution jeudi, de nommer un Premier ministre prochainement, après la censure du gouvernement Barnier. Plusieurs profils circulent depuis activement pour Matignon.
Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Les noms de Sébastien Lecornu, Bernard Cazeneuve et François Bayrou circulent régulièrement pour Matignon. (TELMO PINTO / DANIEL PIER / FRED TANNEAU / AFP)

"Je nommerai un Premier ministre dans les prochains jours." Lors de son allocution suivie par 17,5 millions de téléspectateurs, jeudi 5 décembre, Emmanuel Macron a promis de désigner rapidement le successeur de Michel Barnier, après la censure du gouvernement. "Je le chargerai de former un gouvernement d'intérêt général représentant toutes les forces politiques d'un arc de gouvernement qui puisse y participer ou, à tout le moins, [s'engager] à ne pas le censurer", a-t-il développé.

Depuis, les tractations vont bon train en coulisses tandis que les consultations s'enchainent à l'Elysée. Après avoir reçu les représentants du "socle commun" qui formait la précédente équipe gouvernementale, mais aussi les socialistes, Emmanuel Macron doit s'entretenir lundi avec les cadres du PCF, puis ceux des Ecologistes, tandis que LFI a décliné l'invitation.

Si la ligne politique du futur gouvernement est ardemment débattue, la question du profil du futur locataire de Matignon agite aussi dans les couloirs du pouvoir. Plusieurs noms circulent pour remplacer Michel Barnier. Franceinfo vous en présente trois.

François Bayrou, l'allié historique du président 

Serait-ce le moment de celui qui a choisi de faire alliance avec Emmanuel Macron dès 2017 ? Le président du MoDem, qui a déjeuné jeudi avec le président de la République, revient avec insistance dans les noms pour Matignon. "Il faut élargir le socle du côté des Républicains (LR) et du Parti socialiste (PS), assure un proche de l'ancien ministre de la Justice. LR n'adoubera pas un Premier ministre venu de la gauche, comme le PS ne viendra pas sous l'autorité d'un LR, et le Rassemblement national (RN) fera toujours la guerre à un Premier ministre venu de la droite." 

"Pour la première fois, les conditions pourraient être réunies pour réaliser le projet qu'il a théorisé et défendu toute sa vie."

Un proche de François Bayrou

à franceinfo

"François Bayrou est un des seuls à parler à tout le monde et il faut un gouvernement de stabilité", vante l'ex-député centriste des Yvelines Bruno Millienne. "Il coche plusieurs cases, d'abord celle de l'équidistance au Parlement entre une droite modérée et une gauche modérée. Il est aussi, comme Michel Barnier, apaisant : les Français ne veulent plus de jeunes start-upers parisiens, affirme le député MoDem Richard Ramos. Il a aussi la bonne équidistance entre une forme de fidélité au président de la République et une forme de liberté."

L'ancien candidat à la présidentielle a même été adoubé par Bernard Cazeneuve, lors d'un déplacement dans l'Eure, le 6 décembre. "Bien sûr qu'il ferait un bon Premier ministre. Il a toutes les qualités pour ça", a répondu l'ancien locataire de Beauvau, interrogé par LCI et BFMTV. François Bayrou "a une expérience politique incontestable. Il a exercé des responsabilités dans l'appareil d'État. C'est un homme qui a une expérience des affaires publiques", a développé l'ex-Premier ministre socialiste.

Mais, du côté des LR, l'enthousiasme est assez modéré. "Notre sujet de désaccord, c'est la proportionnelle, marqueur important pour [François] Bayrou. Nous, on est attachés au scrutin uninominal majoritaire à deux tours", glisse une parlementaire de droite. "[François] Bayrou, c'est mort, car les socialistes et Les Républicains n'en veulent pas", croit aussi savoir un macroniste. "Au fond de moi, je ne crois pas à cette option", rebondit un autre. Le maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) n'en a pas non plus terminé avec la justice, puisque le parquet a fait appel après sa relaxe, en première instance, dans l'affaire des assistants des eurodéputés du MoDem. 

Sébastien Lecornu, le fidèle d'Emmanuel Macron 

Transfuge des Républicains, Sébastien Lecornu est devenu, depuis 2017, un très proche du président de la République. Le ministre actuel des Armées est l'un des derniers à être présent au gouvernement depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. "Moi, je ne suis candidat à rien", a-t-il balayé, le 5 décembre, sur RTL.

Si Sébastien Lecornu venait à être nommé à Matignon, Emmanuel Macron aurait ainsi un fidèle comme Premier ministre, bien loin du "parfum de cohabitation" qui émanait de la nomination de Michel Barnier. "Avec [Sébastien] Lecornu, [le président] reprendrait la main avec un proche qui tient la barre face à Marine Le Pen. Une personnalité docile vis-à-vis de l'Elysée, capable de mettre du liant tant avec la gauche et la droite", analyse un conseiller du pouvoir. 

"Il est plutôt bon, a fait ses preuves avec la loi de programmation militaire votée à la quasi-unanimité et arrive à parler à tout le monde", soutient une élue de droite. "C'est un profil rassembleur, sans esbroufe, discret et utile", salue un député Ensemble pour la République (EPR). 

"Il coche toutes les cases pour travailler avec la gauche raisonnable sans effrayer la droite responsable."

Un député EPR

à franceinfo

"Ça fait un mois que cette option tourne, poussée par l'équipe qui a ourdi la dissolution. Ils pensent que [Sébastien] Lecornu peut négocier avec le RN alors qu'ils vont juste continuer à nous faire danser", livre néanmoins un macroniste. "Cela apporterait quoi, ça réglerait quoi politiquement ?", s'interroge un ancien conseiller de l'exécutif, qui rappelle que le camp d'Emmanuel Macron a perdu deux élections, les européennes et les législatives. "Le fait de négocier avec le RN, c'est la pire chose pour le couler politiquement sur le long terme", ajoute le même.

D'autant qu'il n'est pas certain du tout que l'ensemble du bloc central s'enthousiasme à l'idée de cette nomination. A commencer par l'ex-Premier ministre et président du groupe EPR à l'Assemblée : "[Sébastien] Lecornu n'a jamais vraiment été dans la team [Gabriel] Attal", glisse un conseiller ministériel. "Je pense qu'on doit proposer autre chose, cela pourrait braquer", assure de son côté un parlementaire EPR. 

Bernard Cazeneuve, l'option de la social-démocratie

L'option avait circulé activement au cours de l'été, emportant l'adhésion d'une partie du bloc central, mais elle divisait profondément à gauche, qui avait maintenu son choix de Lucie Castets. Depuis, Bernard Cazeneuve est resté actif. L'ancien Premier ministre a, par exemple, été invité à s'exprimer devant plusieurs parlementaires, à l'Assemblée, le 13 novembre. "J'ai de l'estime pour [lui], cela ne veut pas dire que je suis d'accord avec lui sur tout. Est-ce qu'il peut apporter quelques chose au pays ? Oui, mais il n'est pas le seul", a de son côté affirmé sur BFMTV, le 6 décembre, Edouard Philippe.

"La question est de savoir : 'Est-ce qu'avec d'autres, dans le cadre d'une démarche politique, on peut être utile pour son pays ? S'il faut être disponible pour être utile, je serai toujours prêt", assurait Bernard Cazeneuve à France 3 le 18 novembre, lors d'une séance de dédicaces dans le Cavaldos. Que pense le PS à présent de ce profil ? "Le sujet, c'est la ligne politique, pas le nom, évacue un cadre socialiste. C'est le président de la République qui nomme, la question du nom se pose à lui plus qu'à nous."

Mais un poids lourd du parti l'assure : "Si jamais Bernard Cazeneuve est nommé à Matignon, je ne vois pas les socialistes le remettre en cause, personne ne voudra le faire. Il y a eu une évolution claire par rapport à cet été."

"La probabilité que Bernard Cazeneuve soit nommé est faible. Pourquoi voulez-vous qu'[Emmanuel] Macron entre dans une logique de cohabitation ?"

Un poids lourd du PS

à franceinfo

"[Bernard] Cazeneuve, ce n'est pas le gouvernement dont je rêve la nuit, mais il permet une stabilité politique", assure encore un député socialiste. Le patron du PS, Olivier Faure, s'est dit prêt à discuter du "gouvernement d'intérêt général" souhaité par le chef de l'Etat, mais sur la base "de concessions réciproques" et a réclamé au président "un Premier ministre de gauche", sans évoquer le nom de l'ancien locataire de Beauvau.

Certains, dans le bloc central, doutent de la bonne volonté du PS. "Je suis convaincu que les socialistes bluffent. Quoi qu'il arrive, ils ne viendront jamais aider", confie un député EPR.

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