Emmanuel Macron à la Sorbonne : "Europe mortelle", défense, investissements... Ce qu'il faut retenir de son nouveau discours sur l'UE

Dans un discours fleuve, le chef de l'Etat a listé de nombreuses propositions pour l'avenir de l'Union européenne, qu'il estime être à un moment "de bascule".
Article rédigé par Fabien Jannic-Cherbonnel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le président français Emmanuel Macron, le 25 avril 2024, lors d'un discours sur l'Europe à la Sorbonne, à Paris. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / AFP)

Il est venu parler "des accomplissements" et de ce qu'il reste à faire. Emmanuel Macron a dessiné pendant près de deux heures ses priorités pour le futur de l'Union européenne (UE), jeudi 25 avril, à la Sorbonne. Sept ans après un premier discours dans le même lieu, le président de la République a voulu "relever les accomplissements" rappelant que "l'avenir de la France est indissociable" de celui du continent.

Alors que l'Europe est "à un point de bascule" et qu'elle est "mortelle", le chef de l'Etat a énuméré un ensemble de propositions, allant de la défense à la culture, en passant par l'économie. Faut-il y voir l'arrivée du chef de l'Etat dans la campagne des européennes ? L'Elysée assure que non. Si Emmanuel Macron s'est appliqué à ne pas parler directement des élections du 9 juin, il a aussi répondu aux attaques de l'extrême droite contre l'UE. Franceinfo résume ce qu'il faut retenir de ce discours. 

La reconnaissance d'une Europe "qui a rarement autant avancé"

Emmanuel Macron est revenu sur les avancées européennes des cinq dernières années. Face à des "crises inédites", comme le Brexit, la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine, le chef de l'Etat a salué une Europe "qui a rarement autant avancé" grâce à des étapes "historiques". Il s'est notamment félicité que le concept de souveraineté européenne soit discuté par les Vingt-Sept. Le président est revenu sur l'adoption du plan de relance européen, l'achat de vaccins en commun, mais aussi sur le Pacte vert et l'ouverture future de l'UE à de nouveaux Etats, notamment l'Ukraine et la Moldavie, "qui ont vocation à rejoindre l'UE".

Un appel à agir face à "une Europe mortelle"

Le président a jugé "qu'à l'horizon de la prochaine décennie, le risque est immense d'être fragilisé ou relégué". Emmanuel Macron a appelé les Français et les Européens à "être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd'hui, est mortelle", soulignant que son destin dépendait "uniquement de nos choix". Dans un moment de "bascule", il lance un avertissement face au travail à faire concernant les transitions numérique et écologique, ainsi que le risque de guerre sur le continent. 

La volonté de renforcer l'Europe de la défense

Le président a détaillé les risques qui menacent l'Europe, citant la guerre en Ukraine et la Russie "qui ne veut plus nous dire quelle est sa limite". Appelant à une Europe "puissante", Emmanuel Macron a appelé à renforcer encore sa défense, au sein de l'Otan, évoquant au passage la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.

Il a annoncé qu'il allait inviter les Européens à bâtir un "concept stratégique" de "défense européenne crédible". Il a aussi exhorté l'Europe à renforcer son industrie de défense et plaidé pour un "emprunt européen" pour l'achat d'équipements, un sujet de crispation avec Berlin.

Un appel à "retrouver la maîtrise de nos frontières" et à "l'assumer"

Emmanuel Macron a appelé l'UE à "retrouver la maîtrise de [ses] frontières", après avoir mentionné l'adoption du Pacte sur la migration et l'asile par le Parlement européen il y a quelques semaines. "Si nous voulons résister à ce changement de règles, à cette escalade de la violence, à cette désinhibition des capacités sur notre continent et au-delà, nous devons nous adapter en termes de concepts stratégiques, de moyens, et nous devons retrouver la maîtrise de nos frontières pleinement, entièrement et l'assumer", a-t-il déclaré.

Il a évoqué la création d'une "structure politique" qui permettrait de prendre, entre "pays qui la partagent", "des décisions" sur "les sujets d'immigration, de lutte contre la criminalité organisée, de terrorisme, de lutte contre le trafic de drogue ou la cybercriminalité".

La volonté de "simplifier les règles" de l'UE

Emmanuel Macron a regretté que l'UE, construite sur "une économie ouverte", soit "décalée par rapport à la recomposition du monde". "On règlemente trop, on investit peu, on est trop ouverts et on ne défend pas nos intérêts", a-t-il estimé, tout en refusant de remettre en cause l'intérêt des traités de libre-échange.

Pour relancer la croissance et "la productivité", le président a proposé de simplifier les règles de l'UE, tout en soulignant que "le marché unique" était en lui-même "un acte de simplification". "Il faudra dans la prochaine mandature passer par plusieurs vagues de simplification, sans rien enlever de nos ambitions", a-t-il insisté. Le gouvernement français a d'ailleurs présenté cette semaine des mesures pour œuvrer à cette simplification.

La proposition d'un grand plan d'investissement

Emmanuel Macron a plaidé pour intégrer dans les missions de la Banque centrale européenne (BCE) "au moins un objectif de croissance, voire un objectif de décarbonation". "On ne peut pas avoir une politique monétaire dont le seul objectif est un objectif d'inflation, qui plus est dans un environnement économique où la décarbonation est un facteur d'augmentation des prix", a-t-il expliqué.

Le chef de l'Etat a aussi réclamé un "nouveau un choc d'investissements communs, un grand plan d'investissement budgétaire" pour la défense, l'intelligence artificielle, la décarbonation. Il a expliqué que ce "mur d'investissements" était estimé "entre 650 et 1 000 milliards d'euros par an". Un effort nécessaire face, notamment, aux subventions massives des Etats-Unis et de la Chine. Il a ainsi proposé d'inscrire dans les traités communautaires "la préférence européenne" dans "la défense et le spatial".

La nécessité de renforcer la démocratie européenne

Emmanuel Macron a défendu un "humanisme" face aux attaques contre "la démocratie libérale", "y compris en Europe". Il a appelé à renforcer les conditions d'accès aux aides européennes en cas de non-respect de l'Etat de droit, comme c'est le cas pour la Hongrie. Pour donner "plus de vigueur au dèmos [peuple] européen", il a réitéré sa proposition de développer des listes européennes transnationales lors des élections.

Le chef de l'Etat a aussi rappelé son engagement pour la fin de la prise de décision à l'unanimité au Conseil européen. "On ne peut pas avoir des instances qui décident de plus en plus de choses, avec une participation qui reste au niveau de 1979", a-t-il jugé. Pour renforcer les liens entre citoyens de l'UE, il a proposé de faire de la chaîne franco-allemande Arte "la plateforme de tous les Européens" et de connecter toute l'Europe en train, "un projet de connexion aussi culturel".

Un plaidoyer pour une "Europe de la majorité numérique à 15 ans"

Après avoir averti sur le risque des écrans et d'un internet non contrôlé, Emmanuel Macron a plaidé pour que la majorité numérique dans l'UE s'établisse à 15 ans. "Avant 15 ans, il doit y avoir un contrôle parental sur l'accès à cet espace numérique", a-t-il déclaré. "Parce que c'est un accès, si on n'en contrôle pas les contenus, qui est le fruit de tous les risques et des déformations d'esprit, qui justifient toutes les haines", a ajouté le président.

L'inscription de l'IVG dans la charte des droits fondamentaux de l'UE

Sur le volet social, Emmanuel Macron a aussi affirmé vouloir "inscrire l'IVG dans la charte des droits fondamentaux" de l'UE. "L'égalité entre femmes et hommes au sein du projet humaniste, de ce qui fait l'Europe", a-t-il souligné, alors que le Parlement européen a adopté mardi la première législation européenne pour lutter contre les violences faites aux femmes, rapporte Euractiv.

Un tacle aux nationalistes qui "empochent" sans "payer"

Le chef de l'Etat a envoyé une pique à l'extrême droite, dans l'un des rares moments où il a abordé les prochaines élections européennes. Il a accusé les nationalistes de vouloir rester dans "l'immeuble" européen sans "payer le loyer" ni respecter les "règles de copropriété".

"Tous les nationalismes à travers l'Europe n'osent plus dire qu'ils vont sortir de l'euro et de l'Europe. Mais ils nous ont tous habitués à un discours qui est le 'oui mais', qui est de dire : 'J'empoche tout ce que l'Europe a fait, mais je le ferai en ne respectant pas les règles'", a souligné le président. "Le risque, c'est que tous les autres sont en train de devenir timides en disant : 'Les nationalistes, les anti-Européens sont très forts partout'" alors que la réponse face aux craintes est "dans l'audace", a-t-il estimé.

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