A quoi va ressembler la France si Emmanuel Macron tient ses promesses ?
Le candidat d'En marche ! a été élu, dimanche 7 mai, président de la République. Voici ce qu'il a prévu pour le pays.
Une France "ni de droite, ni de gauche". Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, un candidat qui n'appartient à aucune des deux grandes familles politiques françaises a été élu, dimanche 7 mai, président de la République. Au second tour, Emmanuel Macron a récolté 66,1% des voix.
Mais à quoi va ressembler la France du candidat d'En marche ! s'il obtient une majorité à l'Assemblée et tient ses promesses ? Franceinfo a reconstitué le programme du nouveau président à partir de ses déclarations et interviews.
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Sur l'assurance-chômage, un changement complet de système
Sur le chômage, c'est un changement complet de système qu'Emmanuel Macron envisage. Aujourd'hui, l'assurance-chômage fonctionne sur un principe : je cotise quand je travaille, donc j'ai droit à une indemnisation en cas de perte d'emploi. Le dispositif est financé par les cotisations salariales et patronales et géré par les syndicats et le patronat. Emmanuel Macron veut sortir de cette logique pour aller vers un système "universel". Il propose ainsi dans Les Echos que ceux qui démissionnent, les indépendants, les professions libérales et les entrepreneurs aient droit à une indemnisation.
Le mode de financement du système serait aussi totalement changé. Emmanuel Macron veut supprimer les cotisations salariales d'assurance-chômage et les remplacer par une hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), qui est payée par tous, y compris les retraités ou les fonctionnaires. Conséquence : l'assurance-chômage serait "nationalisée", donc gérée par l'Etat, et non plus par les partenaires sociaux.
S'agit-il d'aller vers un système semblable à celui existant au Royaume-Uni, avec une allocation moindre et des obligations renforcées pour les demandeurs d'emploi ? C'est ce que pensent plusieurs spécialistes, comme l'explique cet article de La Tribune. "Mon nouveau système crée un filet de sécurité pour tout le monde, mais avec de vraies exigences", assure Emmanuel Macron. Le leader d'En marche ! prévoit "un contrôle drastique" des demandeurs d'emploi (recherche d'emploi, possibilité de refuser un travail, etc.).
Sur le droit du travail, plus de flexibilité
Concernant la durée du travail, si Emmanuel Macron assure que les 35 heures resteront la "durée légale", il se prononce surtout pour des accords d'entreprise permettant de moduler cette durée hebdomadaire. Elle pourrait aussi être modifiée en fonction de l'âge. Dans L'Obs, Emmanuel Macron affirmait ainsi en novembre que "quand on est jeune, 35 heures, ce n'est pas long". L'ex-locataire de Bercy a aussi résumé sa philosophie générale en matière de droit du travail dans les Les Echos : "Il faut assumer davantage de flexibilité, je n'ai pas peur du mot, pour adapter notre droit du travail aux mutations en cours."
Sur la fiscalité, une mesure pour les classes moyennes et une pour les plus aisés
Emmanuel Macron prévoit de supprimer pour 80% des Français la taxe d'habitation, impôt payé par les locataires comme les propriétaires. L'objectif, selon lui, est de s'attaquer à un impôt "injuste" et de redonner du pouvoir d'achat. C'est l'Etat qui compenserait le manque à gagner pour les communes, à hauteur de 10 milliards d'euros.
Concernant l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), Emmanuel Macron veut le transformer en impôt sur "la rente immobilière". Concrètement, seuls les biens immobiliers seraient pris en compte. La détention d'actions ou d'entreprises, qui "financent l'économie réelle", serait exclue du calcul. Si l'objectif est de favoriser les investissements productifs, de nombreuses voix à gauche font remarquer que ce sont en général les plus riches qui possèdent à la fois des biens immobiliers et mobiliers.
Sur la santé, pas de déremboursement
Emmanuel Macron promet qu'aucun "soin utile" ne sera déremboursé pendant son quinquennat. Il s'engage également à rembourser intégralement les soins dentaires, auditifs et optiques d'ici 2022. Pour y parvenir, il compte sur "plus de transparence sur les prix et de concurrence pour les faire baisser", ainsi que sur une "meilleure régulation du marché" par les régimes obligatoires et complémentaires. Le financement reste donc à préciser.
Le nouveau président veut aussi mettre en place un "service sanitaire de trois mois". Concrètement, tous les étudiants en santé – médecins et infirmiers – devront passer trois mois dans les établissements scolaires et les entreprises pour faire de la prévention. Ils travailleront en priorité dans les quartiers difficiles et les zones rurales.
Pour faire des économies, les médicaments seraient délivrés à l'unité. "Un impératif sanitaire, une nécessité économique et une évidence environnementale", qui nécessitera des "adaptations importantes" de la part des industriels et des pharmaciens, précise Emmanuel Macron.
Sur l'éducation, plus de moyens pour les quartiers populaires
Pour lutter contre les inégalités sociales qui ont des conséquences sur la scolarité, Emmanuel Macron veut "faire vraiment plus pour ceux qui ont moins". Il propose donc de limiter à 12 élèves les classes de CP et CE1 dans les écoles des "zones prioritaires" (REP et REP+). Cette mesure nécessite la création de 12 000 postes de professeurs des écoles. Pour les financer, Emmanuel Macron compte en partie sur des économies "sur l'épreuve du bac".
Il souhaite aussi plus d'autonomie dans la gestion des établissements scolaires, comme il l'a expliqué mi-janvier en meeting à Lille (Nord). Il entend donc développer "l'autonomie pédagogique, l'autonomie de recrutement, la possibilité de choisir les enseignants qui y travaillent". Les enseignants pourraient être mieux rémunérés mais en contrepartie, ils seraient aussi évalués plus régulièrement. Les résultats de ces évaluations pourraient être rendus publics : "On doit voir les endroits où on n'arrive pas à avoir des résultats et ceux où on arrive à contrecarrer le destin."
Emmanuel Macron souhaite aussi le rétablissement des études dirigées après la classe pour tous les élèves.
Sur l'écologie, fini l'avantage fiscal du diesel
En matière d’écologie, le candidat d'En marche ! s’inscrit dans la lignée de la COP21 et de la loi de transition énergétique. Il maintient donc l’objectif de réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique à 50% d’ici 2050. Il compte aussi doubler la capacité en éolien et en solaire photovoltaïque, notamment en mobilisant 30 milliards d’euros d’investissements privés. Les centrales à charbon seront fermées pendant le quinquennat. Pas question non plus d’autoriser la moindre expérimentation d’exploration des gaz de schiste.
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, Emmanuel Macron veut aussi rénover les "passoires énergétiques" : la moitié du parc immobilier devra l’être en cinq ans. Les bâtiments publics seront aussi rénovés. Le leader d'En marche ! veut également augmenter le coût du carbone, via l’instauration progressive d’une taxe carbone, ainsi qu’en réformant le marché européen.
La fiscalité du diesel sera alignée sur celle de l’essence d’ici 2022. Un objectif de long terme est fixé : en 2040, "plus aucun véhicule thermique" ne devra être vendu. Concernant le bio, toute la restauration collective (cantine des écoles comme des entreprises) devra proposer "au moins 50% de produits biologiques, écologiques ou locaux" d'ici 2022.
Sur la sécurité, le retour de la police de proximité
Enfin, Emmanuel Macron veut créer 10 000 postes de policiers et de gendarmes supplémentaires, simplifier les procédures, par exemple l'établissement des PV, et ressusciter la police de proximité – la "police de sécurité quotidienne". Celle-ci pourra apporter dans certains cas des sanctions immédiates pour être plus "efficace".
"Pour le vol à l'étalage, pour les petites infractions du quotidien, nous devons donner la possibilité à nos forces de police d'apporter une réponse immédiate, la tolérance zéro du quotidien, la possibilité de donner une amende !" a déclaré Emmanuel Macron en meeting à Toulon (Var). Cette règle vaudra notamment pour la détention de cannabis (en petite quantité). Le nouveau président estime que le paiement d'une amende est une sanction "plus efficace" qu'une "réponse pénale plus tardive et théorique". C'est ce qu'il appelle la "contraventionnalisation", qui est en fait une forme de dépénalisation, comme l'explique cet article de Libération.
Sur le plan judiciaire, il prévoit la construction de 15 000 places de prison supplémentaires. Le candidat entend supprimer le principe de l'examen automatique d'aménagement des peines inférieures à deux ans (qui conduit généralement à ce que ces peines ne soient pas exécutées) : "Une peine définitive de prison ferme prononcée sera immédiatement mise à exécution, quelle que soit sa durée", dit-il.
*Estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, Le Point, Le Monde, France 24 et les chaînes parlementaires.
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