"La loi sur le non-cumul est une exigence de militants qui voudraient un mandat"
Les sénateurs ont voté la loi, mais ont aussi adopté des amendements pour continuer eux-mêmes à cumuler. Parmi eux, 25 socialistes qui ont choisi d'aller à l'encontre de la promesse de François Hollande.
Les sénateurs ont adopté la loi sur le non-cumul des mandats, jeudi 19 septembre. Mais ils ont tout de même manifesté leur désaccord avec le gouvernement, en votant plusieurs amendements qui les préservent eux-même de cette obligation. Pami les frondeurs, 25 socialistes, listés par Libération, ont ainsi refusé d'acter l'engagement de campagne 48 de François Hollande, qui vise à interdire aux parlementaires d'exercer un mandat exécutif local.
Un spectacle "lamentable" pour le sénateur EELV Jean-Vincent Placé, un "archaïsme parlementaire" pour Mediapart, depuis jeudi, les pensionnaires du palais du Luxembourg sont voués aux gémonies dans les commentaires politiques.
Les sénateurs sont-ils vraiment en décalage avec l'opinion, la société et la modernité ? Francetv info a interrogé deux socialistes qui assument leur vote : François Patriat (sénateur de la Côte-d'Or et président du conseil régional de Bourgogne) et Roger Madec (sénateur de Paris, qui avait abandonné son mandat de maire en janvier pour anticiper la loi).
Francetv info : Pourquoi avez-vous voté ces amendements ?
François Patriat : Je suis favorable à une limite fixée à deux mandats, car quand on fait de la politique il faut pouvoir assumer les victoires comme les échecs. Quand j'ai perdu aux législatives en 1993, je n'avais plus de travail et plus aucun mandat. Si on choisit le mandat unique, il devient nécessaire de protéger l'élu par la création d'un statut, avec des passerelles, des possibilités de reconversion.
Roger Madec : Je pense que l'élu doit rester enraciné, connecté au territoire, et cela n'est possible qu'en exerçant des responsabilités au niveau local. J'ai voté ces amendements pour engager un dialogue et permettre au gouvernement d'ouvrir les yeux.
N'avez-vous pas l'impression d'être en décalage avec les Français, qui se disent majoritairement favorables au non-cumul ?
F.P. : La loi sur le non-cumul ne correspondait pas à une demande populaire. C'est une exigence des militants socialistes, qui n'aiment pas leurs élus car ils aimeraient bien eux aussi obtenir un mandat. Maintenant, à force d'insister, le non-cumul est devenu une demande populaire et on se dirige vers le mandat unique.
R.M. : Il faut expliquer à l'opinion qu'il n'y aura plus de cumul des indemnités, conformément à l'amendement voté au Sénat. C'est ce cumul des indemnités qui apparaît choquant, surtout quand on regarde certains grands élus locaux qui occupent une dizaine de fonctions [le sénateur PS Michel Delebarre, par exemple, occupe 26 mandats et fonctions].
Le non-cumul n'est-il pas un privilège archaïque, contraire à l'image d'une démocratie moderne ?
R.M. : Ce n'est pas un privilège de cumuler. Cela double la charge de travail, demande beaucoup de disponibilités et provoque du stress. Ensuite, pour avoir une démocratie moderne, il faudrait d'abord songer à la VIe République.
F.P. : Evidemment, pour l'opinion, on peut donner l'impression de défendre notre cagnotte, notre système. Mais nous voulons vraiment éviter de se retrouver avec des parlementaires hors-sol, des nantis parisiens qui ne connaissent rien au terrain.
Votre résistance au non-cumul n'est-elle pas une difficulté de plus que vous mettez en travers du chemin de François Hollande ?
R.M. : Non, c'est un sujet annexe. Les difficultés de la France sont ailleurs. Et puis, même sans les amendements, je n'aurais pas voté contre le texte, je me serais abstenu. L'exécutif doit accepter ce vote, c'est la démocratie.
F.P. : Je pense que François Hollande a plus de hauteur de vue que cela. Le non-cumul est un épiphénomène qui ne va pas soulever l'indignation des foules. Pour ma part, je rappelle que j'aurais voté la loi dans tous les cas. Le Sénat a voulu montrer son indépendance, je ne pense pas que ça laissera des traces.
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