Copé-Fillon : l'UMP pourrait-il survivre à une scission ?
Si la commission Juppé échoue à trancher le litige entre Jean-François Copé et François Fillon, les fillonistes menacent de quitter le parti. Ce qui aurait de graves conséquences pour l'UMP.
CHAOS A L'UMP – "C'est l'existence même de l'UMP qui est en cause aujourd'hui", disait Alain Juppé lundi. Une semaine après le début du psychodrame qui a suivi l'élection du président de l'UMP, le parti se déchire toujours entre partisans de François Fillon et soutiens de Jean-François Copé, président contesté. Vendredi 23 novembre, l'hypothèse d'une scission au sein du premier parti d'opposition se fait de plus en plus crédible.
Alors que la commission Juppé, chargée de démêler l'imbroglio, doit rendre ses conclusions d'ici à quinze jours, la crise existentielle que traverse l'UMP pourrait avoir d'énormes conséquences, notamment financières, pour le parti.
Moins de députés et de sénateurs = moins d'argent
Depuis mercredi, certains soutiens de François Fillon évoqueraient la possibilité d'une scission. En plus d'affaiblir le parti, de tels départs provoqueraient la perte de plusieurs millions d'euros. Car conformément au système français de financement des partis politiques en vigueur depuis 1988, "l'UMP reçoit des financements publics liés à son nombre d'élus. Une scission d'une partie de ses députés diminuerait ainsi mécaniquement ses ressources", explique Le Monde.fr.
Hasard du calendrier, les députés et sénateurs doivent justement renouveler leur rattachement annuel au parti d'ici le 30 novembre. Selon l’association Regards Citoyens, chaque parlementaire a rapporté 41 224 euros à son parti en 2011. Une signature compromise pour certains fillonistes, soucieux de faire ainsi pression sur Jean-François Copé : "A une semaine près, on se serait engagés sans se poser de questions auprès de l'UMP. Mais là, tout est suspendu", a indiqué au Figaro le député pro-Fillon Lionel Tardy. "Le formulaire est sur mon bureau, nous sommes 150 parlementaires à attendre pour le signer. Il suffit que François Fillon appuie sur le bouton, et on le suit. Ça peut faire très mal", a-t-il prévenu. Si ces derniers mettaient leur menace à exécution, ils priveraient le parti de 6 millions d'euros, calcule le quotidien.
Un parti déjà en difficulté financière
Enfin, une enveloppe de 40 millions d'euros de financement publique est répartie chaque année entre les partis dont les candidats ont obtenu plus de 1% des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions aux dernières élections législatives. Elle se partage de la façon suivante : chacun des partis reçoit 1,68 euro par voix obtenue. Or, note Le Monde.fr, "après l'échec des législatives, le financement public du parti devrait en effet passer de 30 millions à 20 millions d'euros en 2013" . Et ce "alors que le parti s'est notamment endetté à hauteur de 35 millions d'euros sur quatorze ans pour son nouveau siège parisien".
Une menace réaliste ?
Dans ces conditions, la menace des parlementaires fillonistes est-elle crédible ? En tout cas, l'ancien ministre de l'Economie, François Baroin, pro-Fillon, chercherait "à fédérer un groupe de parlementaires en marge du groupe UMP, présidé par le copéiste Christian Jacob", a révélé Challenges. Jean-François Copé s'inquiète du tour pris par la situation. Interrogé jeudi sur Europe 1, le maire de Meaux a accusé les soutiens de François Fillon "d'instrumentaliser un certain nombre d'amis élus parlementaires qui l'ont soutenu et qui, en toute bonne foi, sont tentés d'aller vers l'implosion de l'UMP", a-t-il noté. "Tout cela est fait dans une seule idée, une idée suicidaire, qui est de mettre en cause l'UMP. Derrière ça, c'est un coup politique, pour ne pas dire un putsch."
Pour Thomas Guénolé, chercheur à Sciences Po, spécialiste de la droite, interrogé par francetv info, un tel scénario "est possible mais peu probable, car personne au sein de l’UMP n'a intérêt à ce que le parti explose. François Fillon a d'ailleurs déjà indiqué qu'il ne quitterait pas la formation." De plus, "quelle ligne politique pourraient-ils offrir entre le Front national, à l’extrême droite, et l'Union des démocrates et indépendants (UDI), au centre ?", poursuit-il.
Pascal Jan, professeur de droit public à Sciences Po Bordeaux et vice-président du Cercle des constitutionnalistes, interrogé par Slate.fr, estime quant à lui qu'il s'agit surtout d'un moyen de pression brandi par les pro-Fillon : "la menace qu’ils font peser[en parlant d’une possible scission], pour obtenir ce qu’ils souhaitent, est une arme de dissuasion, a-t-il expliqué.
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