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Climat : ce qu'il faut retenir de la COP23, la conférence de l'ONU qui vient de s'achever en Allemagne

Beaucoup de discussions, peu d'actions, mais pas mal de bonne volonté... A l'issue de la COP23, les pays se sont engagés à discuter tout au long de l'année pour permettre de définir, dès 2018, les règles permettant l'application par tous de l'accord de Paris. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Les chefs d'Etat et de gouvernement posent pour une photo de famille à Bonn (Allemagne), à l'occasion de la COP23, mercredi 15 novembre 2017. (PATRIK STOLLARZ / AFP)

Rendez-vous l'année prochaine, à Katowice, en Pologne. A l'issue de la 23e conférence climat de l'ONU, la COP23, les délégués de près de 200 pays se sont séparés, samedi 18 novembre, au petit matin au terme de deux semaines de négociation. 

Voici les principaux enseignements de cette conférence organisée à Bonn (Allemagne) par les îles Fidji, et au cours de laquelle de nombreux acteurs ont souligné l'urgence à agir contre les émissions de gaz à effet de serre, principal responsable du réchauffement climatique. 

Les Etats avancent, mais trop lentement

L’ancienne négociatrice en chef de la France, Laurence Tubiana, a vu durant cette COP "les coalitions se structurer de plus en plus", rapporte Le Monde. Un diplomate européen cité par l'AFP qui a préféré rester anonyme est encore plus sévère : "Je n'ai jamais vu une COP avec un taux d'adrénaline aussi bas", a-t-il confié. Car depuis l'accord de Paris en 2015, les conférences climat de l'ONU se sont concentrées sur l'élaboration d'un manuel d'application de ce traité, qui entre en vigueur en 2020 et doit permettre de stabiliser, puis réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Un volet indispensable mais technique, qui souffre du caractère bureaucratique du processus, jugé bien trop lent face à l'urgence de la situation. "Ce qui est en jeu, c'est la pertinence du processus de COP. Nous ne pouvons pas prendre le risque de devenir de moins en moins pertinents à chaque conférence", s'est même inquiété le chef de la délégation nicaraguayenne, déplorant la lenteur des pourparlers.

Car les négociations sont aussi à la traîne par rapport aux actions menées par les villes, les régions et les entreprises."Pour la première fois dans l'histoire des COP, le cœur de l'action n'était pas dans la zone des négociations, mais dans la zone 'verte' [consacrée aux actions] : ce ne sont pas les négociations qui ont été au centre du jeu, mais les actions des acteurs non-étatiques", note David Levaï, de l'Institut des relations internationales (Iddri).

Aucun pays ne prend le leadership

Depuis que les Etats-Unis ont quitté le navire en juin, date à laquelle Donald Trump a annoncé la sortie de l'accord de Paris, le siège de leader est resté vide. Y compris à Bonn où, selon Jennifer Morgan, directrice exécutive de Greenpeace International, citée par Le Temps, "aucun pays développé ne peut actuellement prétendre au leadership dans la lutte contre les changements climatiques".

Le président français, Emmanuel Macron, le Premier ministre des îles Fidji et président de la COP23, Frank Bainimarama, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, mercredi 15 novembre, à Bonn (Allemagne).  (JOHN MACDOUGALL / AFP)

Le charbon bientôt abandonné

C'est l'une des rares annonce concrète de cette COP : le lancement de l'"alliance" pour la sortie du charbon, le 16 novembre, à l'initiative du Royaume-Uni et du Canada. Parmi ses membres, cette alliance compte l’Angola, la Belgique, la Finlande, la France, l’Italie, les îles Marshall, le Portugal, le Salvador, mais aussi plusieurs Etats américains et provinces canadiennes. Tous se sont engagés à éliminer progressivement leurs centrales au charbon.

Mais les membres de cette alliance ne représentent qu’une faible part de la production et de la consommation charbonnière mondiale, concentrée en Chine, en Inde et en Asie du Sud-Est, ce qui limite la portée de cette annonce. Sur le plan symbolique, l'alliance a le mérite d'isoler Donald Trump, contesté dans son propre pays par des acteurs non-étatiques dans sa décision de continuer la production d'énergies fossiles. Rappelons que les Etats-Unis sont le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre. 

Les frictions demeurent

Dès la première semaine de négociations, les divisions entre pays développés et pays en développement ont ressurgi, notamment autour des promesses financières des nations industrialisées, rapporte Le Monde (article réservé aux abonnés). "Alors que l’année 2017 a été marquée par des événements climatiques exceptionnels, il n’y a pas eu d’avancées concrètes pour aider les populations les plus vulnérables à faire face aux impacts du changement climatique", a déploré Armelle Le Comte, membre de la délégation de l’ONG Oxfam, citée par Reporterre

"Les pays développés sont arrivés les mains vides", a-t-elle relevé, rappelant que, si l’accord de Paris prévoit que les "financements climat" s’élèvent à 100 milliards de dollars par an en 2020 (près de 85 milliards d'euros), nous sommes encore loin du compte. Or "si les pays développés ne tiennent pas leurs engagements financiers, les pays en développement refuseront de faire plus d’efforts", analyse le site spécialisé. Seule l'Allemagne s'est engagée à verser 50 millions d'euros dans le fonds d'adaptation et 50 millions dans le fonds pour les pays les moins avancés.

Ces sommes sont loin de satisfaire les Etats les plus directement menacés par le réchauffement climatiques (exposés aux cyclones, à la montée des eaux ou aux épisodes de sécheresse.) Ils attendent en effet des fonds pour s'adapter, mais aussi pour compenser les pertes qu'ils subissent déjà en raison des aléas climatiques. Or, la présidence des îles Fidji n'a pas permis de donner la priorité à cette question, pourtant vitale pour l'île. 

 "Il faut agir"

Les aléas climatiques, Timoci Naulusala les connaît bien. Le petit Fidjien de 12 ans, appelé à s'exprimer à la tribune mercredi 15 novembre, a ému l'assemblée en décrivant les effets du cyclone Winston, lequel a détruit son île en 2016 : "Ma maison, mon école, ma source de nourriture, d'eau, d'argent, ont été détruites. Ma vie était un chaos. Je me suis demandé : 'Que se passe-t-il ? Que vais-je faire ?'"

Appelant le monde à ouvrir les yeux sur le changement climatique, le garçon a appelé les leaders à privilégier l'environnement à l'économie. "Mesdames et messieurs, les discours et les discussions ne régleront pas le problème. Pour être efficace, il faut agir", a-t-il déclaré, suscitant les applaudissement.

Le dialogue reste au cœur du processus

Le jeune Timoci Naulusala a demandé de l'action. Mais à l'issue de cette COP, les négociateurs se sont quittés en promettant de nouvelles discussions. Car la principale avancée de cette COP est l'instauration d'un processus de "dialogue de Talanoa",  selon le terme fidjien signifiant 'parler avec le cœur'). La tenue de cette années de "dialogue", doit permettre aux Etats de dresser, fin 2018, un bilan collectif de leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce dialogue devra être "constructif et tourné vers les solutions" et ne viser personne, prévient la décision adoptée.

L'idée est d'encourager et aider les pays à revoir leurs engagements, à ce stade insuffisants pour permettre au monde de rester bien en deça de 2°C de réchauffement comme le stipule l'accord de Paris de 2015. 

Parallèlement aux négociations, les mois à venir seront jalonnés d'événements destinés à partager les expériences et informer les pays. A commencer par un sommet organisé le 12 décembre à Paris pour tenter d'avancer sur les financements. Un "sommet de l'action climatique mondiale" réunira à San Francisco en septembre 2018 villes, scientifiques, citoyens, entreprises... Bref, "on aura beaucoup de travail en 2018", a admis une négociatrice européenne. 

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