Christine Lagarde refuse l'audition de fonctionnaires de Bercy par la mission parlementaire sur l'attentat de Karachi
La mission, qui a rendu son rapport mercredi, n'écarte pas un lien entre l'attentat de Karachi en 2002 et l'arrêt du versement de "commissions", alors légales, à des militaires pakistanais.
Le rapporteur de la mission, le député PS, Bernard Cazeneuve, a déploré une "absence totale de coopération du gouvernement et de l'exécutif".
Le site internet Mediapart a publié à ce propos jeudi, une lettre de la ministre à la mission d'information parlementaire sur l'attentat dans lequel 11 Français travaillant à la construction de sous-marins au Pakistan ont péri en 2002.
Christine Lagarde a par exemple refusé, comme le montre la lettre en date du 26 mars versée aux annexes non publiques du rapport, que soient entendus des fonctionnaires de son ministère au fait des dessous financiers de la vente des sous-marins au Pakistan.
Si elle reconnaît que cette audition pourrait "éclairer" la commission qui est en droit de la demander, Christine Lagarde avance qu'elle pourrait "empiéter" sur l'instruction judiciaire, violant ainsi le principe de séparation des pouvoirs.
De plus, le contrat de vente des sous-marins étant classifié, "aucun élément relatif à ce contrat ne saurait être divulgué à des personnes non habilitées, sous peine de commettre le délit de compromission", écrit la ministre de l'Economie.
Selon les deux journalistes de Mediapart, qui publient la semaine prochaine un livre sur les attentats de Karachi, ces arguments "sont pour le moins déconcertants".
Retour sur l'affaire
Le 8 mai 2002, un kamikaze avait fait 14 morts, dont 11 ingénieurs et techniciens français de la Direction des constructions navales (DCN) travaillant à la construction des sous-marins Agosta, en précipitant une voiture bourrée d'explosifs sur un bus sortant d'un hôtel de Karachi.
La mission, et notamment son rapporteur, estime avoir assez d'éléments pour envisager la piste du règlement de comptes aussi sérieusement que la piste islamiste.
Dans ce scénario, les militaires pakistanais, mécontents de ne pas recevoir d'argent ou insatisfaits du partage, auraient commandité l'attentat en représailles.
Si le paiement des commissions a été interrompu lorsque Jacques Chirac est arrivé au pouvoir en 1995, c'est, dit le rapport, parce qu'il soupçonnait qu'une partie de l'argent était revenue en France financer la campagne de son rival de droite Edouard Balladur, Premier ministre de 1993 à 1995. Le chef du gouvernement avait pour proche collaborateur Nicolas Sarkozy, ministre du Budget au moment de la signature du contrat.
Le rapport de la mission montre que le gouvernement a refusé la remise de presque tous les documents demandés, notamment le contrat Agosta. Dominique de Villepin, ancien secrétaire général de l'Elysée, et de nombreuses autres personnes, notamment d'ex-collaborateurs de Nicolas Sarkozy, n'ont pu être entendus.
Elle n'a pas pu non plus consulter les comptes rendus des réunions interministérielles tenues à ce sujet, ce qui aurait permis de connaître le rôle précis de Nicolas Sarkozy dans la validation des plans de financement du contrat.
Le ministre de la Défense, Hervé Morin, a soumis mercredi, à la demande des juges d'instruction Marc Trévidic et Yves Jannier, la déclassification du contrat Agosta.
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