Chat avec Dupont-Aignan : Marine Le Pen n'a pas le monopole de la nation et de la souverainet
Au cours d'un chat avec les internautes sur le site Présidentielle 2012, Nicolas Dupont-Aignan
triagoz : Candidat du "protectionnisme intelligent", ça veut dire quoi ?
Nicolas Dupont-Aignan : Cela veut dire que la seule solution pour relancer l'emploi et sortir de la spirale de l'endettement et de la régression sociale réside dans la mise en oeuvre d'un protectionnisme capable d'égaliser les conditions de concurrence avec les pays qui profitent de l'esclavage humain.
Intelligent, car il ne s'agit pas d'un protectionnisme total. Par exemple, lorsqu'il y a des conditions sociales et écologiques comparables, il faut laisser le libre jeu de la concurrence. En revanche, il n'est plus possible de laisser faire cette mondialisation du nivellement écologique et social par le bas, qui nourrit le chômage au nord et enferme les peuples du sud dans la misère.
Grégoire : Pensez-vous qu'en abandonnant l'euro, la France verrait sa dette colossale disparaître comme par enchantement ?
En politique, comme en économie, les miracles n'existent pas. En revanche, c'est notre rôle de se donner les moyens de changer les choses.
La sortie de l'euro permettra de ne plus passer par les marchés financiers pour rembourser notre dette.
La Banque de France pourra à nouveau prêter à l'Etat à 0 % pour, notamment, les investissements productifs de long terme. Ainsi, si parallèlement nous relançons la croissance grâce à une monnaie moins chère, notre budget s'équilibrera progressivement et notre dette n'augmentera plus comme aujourd'hui, grevée par des charges d'intérêts aussi élevées qu'illégitimes.
Je ne veux pas voir mon pays partir dans le cercle vicieux de la Grèce, du Portugal ou de l'Italie.
samihoss : Le retour au franc aura-t-il un impact desastreux pour notre societe, voire même au niveau europeen ? Et doit-on se préparer à cela ?
Quel impact désastreux ? Ce sont des pseudo-économistes rémunérés par des institutions bancaires qui profitent du monopole de la création monétaire établi dans le traité de Maastricht qui vous disent cela sans jamais le prouver. Moi, je regarde les faits. En dix ans, l'euro a fait diverger les économies d'Europe.
En dix ans, l'euro trop cher a asphyxié notre industrie et nourri notre dette. De toute façon, le système n'est pas viable. La plupart des économistes sérieux le savent. Tôt ou tard, l'euro explosera en vol. Je préférerais que l'on anticipe ce moment, car je crois tout à fait possible de maintenir un système monétaire européen tout en retrouvant nos monnaies nationales.
Il faut de la flexibilité des monnaies dans un cadre organisé, pour permettre à l'économie réelle de créer de l'emploi, d'investir dans l'avenir, d'innover.
C'est cela le vrai défi d'aujourd'hui.
curieuse : Une sortie de l'euro ne provoquerait-elle pas une forte inflation ?
Non, car la sortie de l'euro ne détermine pas la politique économique. Je propose de retrouver une monnaie moins chère, mais je ne suis pas favorable à une politique laxiste. Souvenez-vous, en 1958, le général de Gaulle a créé le nouveau franc dévalué de 20 %, et a très vite équilibré son budget de fonctionnement.
De plus, il a pu financer les investissements d'avenir (Airbus, TGV, Ariane, nucléaire) sur lesquels nous vivons toujours par des avances à 0 % de la Banque de France au Trésor public.
Celles qui nourrissent l'inflation aujourd'hui sont les banques privées, qui empruntent à 1 % à la BCE et rackettent les Etats entre 4 % et 28 % pour la Grèce. Cette bulle spéculative nourrit autant, sinon plus, l'inflation.
Atlas : De quel pourcentage souhaitez-vous dévaluer le nouveau franc, après la sortie de l'euro que vous préconisez ?
En vérité, l'euromark se réévaluera probablement d'environ 20 %. Le nouvel eurofranc se dévaluera entre 5 et 10 %. Et l'euro-lire, comme l'euro-peseta, de plus de 20 %. Bien sûr, ce ne sont que des estimations de plusieurs économistes, aussi sérieux que Sapir, Gréau, Rosa, Cotta, etc., qui partent tout simplement des constats de compétitivité des économies.
Le mérite serait, en fait, d'aligner l'eurofranc sur l'évolution des monnaies mondiales, comme le dollar, le yuan chinois, exactement comme l'a fait le premier ministre britannique pour la livre. Encore une fois, dans une bonne gestion économique, la monnaie ne doit être ni sous-évaluée ni surévaluée.
C'est un moyen et non une fin en soi.
robin garceau 15 ans : Une sortie de l'euro par decret ou par refendum ?
A l'évidence, seul le peuple peut revenir sur sa décision. Je propose un référendum, même si l'on pourrait considérer que le "non" de 2005 concerne aussi Maastricht, puisque le projet de Constitution européenne reprenait tous les traités.
Marie de Paris : Pouvez-vous expliquer sobrement les bienfaits d'une sortie de l'euro, sans éluder les inconvénients ainsi provoqués ?
Deux avantages essentiels : une monnaie qui ne serait plus alignée sur l'euromark allemand. Nos entreprises pourraient ainsi bénéficier du même avantage compétitif que les dix pays de l'UE qui ne sont pas dans la zone euro, ou les Etats-Unis.
Ce serait, avouez-le, bien plus efficace pour relancer l'emploi qu'une baisse de 3 % des charges sociales, comme le propose le président avec l'augmentation de la TVA.
Savez-vous, notamment, que la Grande-Bretagne ou la Pologne ont laissé filer leur monnaie de près de 20 % ? L'autre avantage - on en a déjà parlé -, c'est la possibilité de contourner le refus de la BCE de prêter aux Etats à 0 %.
Ainsi, on sortirait de ce piège monstrueux qui consiste à laisser le monopole de la création monétaire à un système bancaire dangereux.
Les inconvénients, il y en a, il ne faut pas les nier. Les banques y perdront, les plus riches qui disposent d'un patrimoine à l'étranger, aussi. Mais quand on compare aux gains pour la société française d'une économie qui repartirait de l'avant, c'est totalement négligeable.
Patrick Legout : Comment comptez-vous sortir de l'euro sans sortir de l'Union européenne, sachant que les traités ne le permettent pas ?
Tout traité est révocable quand l'intérêt national est en jeu.
Il faudra bien évidemment refonder l'Europe sur des bases nouvelles. L'Union européenne est morte, car elle a trahi l'idéal européen de paix et de progrès social.
curieux : Pensez vous que l'euro est formaté pour l'économie allemande mais pas pour l'économie française ?
C'est l'évidence. Il est surévalué au niveau de la compétitivité allemande et répond à l'angoisse d'une société en suicide démographique.
Juju : Avez-vous conscience que votre discours sur le protectionnisme à un aspect magique ? En cassant le thermomètre, vous pensez soigner la maladie ?
Non, car justement, je propose un protectionnisme intelligent. Pourquoi tous les pays du monde auraient-ils le droit de protéger leurs emplois, leurs savoir-faire, d'investir dans l'avenir, et la France, non ? C'est une question aujourd'hui de survie, car sinon, nous deviendrons un pays de clochards. Faute de le reconnaître, les principaux candidats - Sarkozy, Hollande, Bayrou - conduisent le pays dans une impasse.
Jean-François : Un protectionnisme européen est-il possible ou bien faut-il revenir à un protectionnisme national ? Peut-il y avoir une solution mixte entre ces deux types de protectionnisme et, si oui, laquelle ?
Vous avez tout compris. Il faut toujours commencer par proposer à nos partenaires des mesures de protection. Mais s'ils les refusent, on ne doit pas hésiter à les mettre en oeuvre au plan national.
Bérengère : N'avez-vous pas l'impression que l'espace politique des souverainistes est entièrement occupé par la candidate du Front national ?
Je me considère plus gaulliste que souverainiste. Même si, je le reconnais, le principe fondateur du gaullisme est le respect du peuple, c'est-à-dire la souveraineté nationale.
Pour autant, Marine Le Pen n'a pas le monopole de la nation, de la République, de l'Etat, de la souveraineté. Et c'est justement parce que l'UMP et le Parti socialiste veulent faire croire qu'elle est la seule à défendre ces notions qu'ils ne défendent plus, que les Français sont orphelins politiques.
La nouveauté : ma candidature, qui va montrer au peuple français qu'il existe enfin une voie capable de concilier la liberté de la France et le rassemblement de ses citoyens.
KarlMarx : Quelle différence y a-t-il entre votre candidature et celle de Marine Le Pen ?
Vous pourriez me poser la même question sur ma différence avec Montebourg lors des primaires socialistes. On me pose toujours la même question sur ma différence avec Marine Le Pen, car on veut systématiquement enfermer ceux qui défendent la nation dans les extrêmes.
Ma différence est simple avec Marine Le Pen : je ne suis pas prisonnier, comme elle, du Front national, avec ses excès. Je crois qu'on redressera la France en rassemblant tous les Français, d'où qu'ils viennent, quelles que soient leur religion ou leurs différences.
Jean-François : Une alliance avec Jean-Pierre Chevènement est-elle envisageable ou irréalisable ?
Je serais ravi que Jean-Pierre Chevènement, comme sage de la nation, m'apporte son soutien.
curieux : Avec la hausse de la TVA, le gouvernement pratique une sorte de dévaluation compétitive. Etes vous d'accord avec cette mesure ?
C'est une illusion pour deux raisons. Tout d'abord, le montant concerné d'allègement de charges est marginal - 3 %. Ensuite, la nouvelle TVA touche tous les produits consommés, même ceux fabriqués en France.
Je pourrais aussi ajouter qu'il est totalement stupide d'augmenter la TVA dans une économie en début de récession. Cela revient à freiner sur une plaque de verglas. La mesure est tellement stupide que Nicolas Sarkozy se propose de l'appliquer pour son successeur, en octobre. Où est le courage ?
Tout cela est grotesque, car l'objectif, en fait, est de rassurer les agences de notation pour quelques semaines et éviter une nouvelle dégradation de la note de la France avant la présidentielle.
Catherine de Med : Rencontrez-vous des difficultés pour obtenir des signatures de maires ? De combien de parrainages disposez-vous aujourd'hui ?
Louis de F. : Avez-vous vos 500 parrainages ?
La course aux parrainages est éprouvante. Depuis un an, mon mouvement politique Debout la République est totalement mobilisé. Moi-même, j'ai effectué 75 déplacements dans tous les départements pour aller à la rencontre des maires. Ce fut riche d'enseignements.
Nous sommes proches des 500, mais rien n'est joué tant que les maires, fin février, n'auront pas confirmé leur promesse.
Je suis confiant.
curieux : Si vous n'êtes pas au second tour, donnerez-vous des consignes de vote ? Si oui pour qui ?
Louvrier : Pour qui vous désisterez-vous au soir du premier tour ? Ferez-vous le coup classique : "les voix de mes électeurs ne m'appartiennent pas" ?
Mais qui sera au second tour ? Personne n'en sait rien. Les Français n'en peuvent plus de ce faux choix imposé systématiquement prédit. Faux choix car l'UMP et le PS obéissent aux mêmes donneurs d'ordres : Bruxelles, les marchés financiers, les multinationales.
Toute ma candidature n'a qu'un objectif : montrer à nos concitoyens qu'une autre voie est possible. Quant à votre remarque, il est évident que chaque électeur vote en conscience, et je n'ai jamais vraiment cru aux consignes de vote !
Sondagique : Nicolas Sarkozy ou Marine Le Pen face à François Hollande au second tour, pour vous, c'est "blanc bonnet et bonnet blanc" ?
Je ne répondrai à cette question que le soir du premier tour, car je considère, comme disait La Palice, qu'avant le second, il y a le premier. En tout cas, vous me connaissez, je ne serai jamais un rabatteur.
Patrick Legout : Allez-vous appelez, comme en 2007, à voter pour Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle ?
En 2007, je vous le rappelle, je n'étais pas candidat, et je ne m'étais pas prononcé au premier tour.
Je crois, comme tous les Français, avoir mûri depuis.
Conseil C. : En 2007, Jean-Marie Le Pen vous a donné son parrainage. Vous confirmez ? Feriez-vous la même chose pour Marine Le Pen en 2012 ?
Je ferais exactement la même chose pour tout candidat exprimant un courant politique brimé par le système des parrainages. Si c'est le cas de Marine Le Pen, je le ferais, bien sûr.
Durandal : Les jeunes qui sont de plain-pied dans un univers mondialisé sont à mille lieux du nationalisme étriqué. Comment pensez-vous les attirer à vous ?
Les jeunes qui sont de plain-pied, comme vous dites, de plain-pied dans la merde de cet univers mondialisé-là, me rejoignent nombreux. Il ne s'agit pas de nier la réalité de la mondialisation, il s'agit d'en corriger les dérives, les scandales. Car si l'on suit le raisonnement de certains, il faudrait accepter la négation de la démocratie, le retour à l'esclavage entre l'Afrique et l'Amérique. Bref, la loi de la jungle néolibérale du XIXe siècle.
On peut aimer les progrès du monde et lutter de toutes ses forces contre sa face obscure. Je n'ai aucun complexe.
Jacqueline M. : J'aimerai connaître votre position sur l'IVG ?
L'IVG est obligatoirement une décision douloureuse. Elle ne peut pas être un mode de contraception comme les autres. Pour autant, c'est le devoir de la société, dans le cadre de la loi, de permettre aux femmes de surmonter cette épreuve.
Quelqu'un : Quelle est votre position par rapport à la loi Hadopi ?
J'ai combattu toutes les lois qui visent à maintenir un monopole financier à des majors sous prétexte de protéger les auteurs. On est en train de passer à côté de l'extraordinaire révolution numérique qui permet d'accéder, pour un coût anecdotique, à toutes les oeuvres culturelles de l'humanité. Voilà pourquoi je milite pour l'Internet libre et neutre, pour la légalisation du téléchargement, et la rémunération des auteurs par un forfait sur les abonnements Internet.
regards : Quelle est votre position concernant l'accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) ?
Cet accord est un scandale absolu, négocié en catimini par l'Union européenne dans l'indifférence des parlements. C'est le détricotage annoncé de tous les services publics. La France s'honorerait de résister à cette marchandisation totale du monde.
bibi : Quel impact, positif ou négatif, aurait une sortie de l'euro sur les petits épargnants français ?
Un impact positif, car si l'on continue comme ça, les épargnants français vont perdre peu à peu leurs économies, qui sont englouties par l'incapacité de rembourser leurs titres d'Etat des économies du sud de l'Europe. Si l'on veut protéger l'assurance vie, par exemple, il faut d'urgence laisser sortir la Grèce, le Portugal, l'Italie, l'Espagne. On me dit : oui, mais si on sort de l'euro, la monnaie va être dévaluée et les épargnants vont y perdre.
Mais la baisse de la monnaie n'aura lieu que vis-à-vis de l'euromark et du franc suisse. Par rapport à toutes les autres monnaies du monde, la monnaie française restera stable.
De surcroît, les épargnants ont aussi un emploi, ou des enfants, petits-enfants qui aimeraient en trouver un. On ne peut pas dissocier l'épargnant de l'économie dans laquelle il vit. Et je suis sûr que la plupart des épargnants français préféreraient avoir une monnaie un peu moins chère mais leur famille au boulot.
Lasagneman : Pour les législatives, pouvez-vous formez une alliance des partis de droite autre que l'UM,P c'est-à-dire avec votre parti, République solidaire, le Nouveau centre et le Parti chrétien démocrate ?
Je n'aime pas la soupe politicienne. Nous présenterons 577 candidats en juin 2012 sur la base d'un projet clair pour une France libre et des Français rassemblés. Si certains veulent s'y joindre, ils sont les bienvenus, mais je doute que les partis que vous citez aient envie de renégocier tous les traités européens et de mettre en oeuvre un vrai protectionnisme.
Cambacéres : Votre antipathie à l'égard de Nicolas Sarkozy n'est pas un secret. Quelle est son origine ? Votre échec face à lui pour le présidence de l'UMP ? Autre chose ?
En politique, la sympathie et l'antipathie ne doivent pas compter. Seul l'intérêt de la France doit l'emporter. Je conteste la politique européiste et mondialiste du président, comme je refuse celle que propose François Hollande.
Je suis certain que pour sortir la France de la crise, il faut changer le cadre de l'action politique. Il faut redonner à notre pays un minimum de marge de manoeuvre économique.
C'est tout le sens de ma candidature, qui dépasse de très loin le jugement que l'on peut avoir sur la présidence Sarkozy qui, il est vrai, je ne vous mentirai pas, n'est pas ma tasse de thé. Car non content d'avoir violé la volonté du peuple français en imposant le traité de Lisbonne par voie parlementaire en 2008, Nicolas Sarkozy a profondément affaibli l'institution présidentielle.
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