Buralistes, taxis, agriculteurs : le gouvernement prêt à sabrer dans les aides... ou pas
Francetv info révèle les arbitrages de Matignon sur le rapport Queyranne concernant les aides aux entreprises. Les sujets "politiquement sensibles" sont esquivés.
Un coup de sécateur dans la jungle des aides publiques aux entreprises. Le gouvernement doit annoncer, mercredi 17 juillet, ce qu’il retient des propositions du rapport Queyranne (PDF). Francetv info a pu consulter des documents préparatoires détaillant les arbitrages retenus par Matignon. Sur les 3 milliards d'euros d'économies dénichés par la mission mandatée par Arnaud Montebourg, le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (Cimap) opte, en 2014, pour des mesures concernant 1,1 milliard d'aides versées par l'Etat et 400 millions déboursés par les collectivités locales. Mais elle botte en touche concernant quelques "sujets à forte sensibilité politique".
Les aides qui seront épargnées
Les buralistes. Pas question de toucher à cette profession en colère, furieuse après une nouvelle hausse des prix du tabac entrée en vigueur lundi 15 juillet. Le rapport Queyranne avait identifié sept régimes d’aides pour 250 millions d'euros par an. Et préconisé 210 millions d'économies. Hautement sensible, le sujet est "retiré" de l’ordre du jour, même s'il "mérite de rester ouvert".
Le Livret de développement durable (LDD). Le rapport voulait économiser 180 millions d'euros en plafonnant l’avantage fiscal à 50 euros par ménage d’une part, et en taxant la tranche supérieure des dépôts, celle comprise entre 6 000 et 12 000 euros. C'est non. "La mesure a déjà été écartée plusieurs fois", élude l'exécutif.
Les aides qui seront supprimées
Le Centre national de la cinématographie (CNC). Dans le rapport Queyranne, l’objectif est de 150 millions d’euros d’économies, grâce au plafonnement d’une des taxes affectées à l’organisme : celle qui frappe les fournisseurs d’accès à internet. Mais les aides au cinéma et à l’audiovisuel ne seraient pas concernées. Pour autant, le gouvernement pourrait préférer une version moins pérenne consistant à prélever, année par année, une partie de la taxe sur le fond de roulement du CNC.
Les zones franches urbaines (ZFU). Le gouvernement espère économiser près de 25 millions d’euros, en transférant les allègements fiscaux sur les entreprises implantées dans ces secteurs directement sur les emplois créés.
L'avantage fiscal des Sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC). Là, ce sont 180 millions d'euros qui sont concernés. Les SIIC ne sont pas taxées sur leurs bénéfices en échange d’une obligation de redistribution à leurs actionnaires, qui eux sont ponctionnés. Le rapport Queyranne suggère ainsi d’augmenter ce taux de redistribution, afin d’augmenter la base de l’impôt prélevé au niveau des actionnaires.
Les aides pour lesquelles la décision a été remise à plus tard
Les avantages pour les entreprises d'Outre-mer. Le rapport Queyranne avait pointé deux sources d’économies. D’abord, 200 millions d’euros sur le milliard que coûtent les exonérations de cotisations sociales dans le cadre d’un dispositif peu efficient, selon un rapport (PDF) de l’Inspection générale des finances (IGF). Ensuite, 100 millions d’euros grâce à la suppression de la "TVA non perçue récupérable" (TVA NPR). Il s'agit du remboursement aux entreprises ultra-marines d’une TVA qu'elles ne payent pas. En 2007, l'IGF avait dénoncé "un système archaïque, opaque, dérogatoire aux principes de la TVA, dépourvu de fondement légal, détourné de son objectif initial, difficile à contrôler et sans impact réel sur les prix ou l’économie" ultra-marine.
Lors de sa visite en Martinique, Jean-Marc Ayrault a pourtant promis le maintien des avantages, au moins pour les entreprises dont la taille est inférieure à un seuil qui reste à définir. Du coup, les arbitrages ont été évacués vers les lettres de cadrage rédigées par Matignon à destination du ministère des Outre-mer.
Les aides aux taxis, transporteurs routiers et agriculteurs. Jugé "contreproductif" par le rapport, le soutien aux biocarburants de première génération est chiffré à 250 millions d'euros. Le rapport proposait sa suppression sur trois ans, avec une diminution de 100 millions d’euros les deux premières années et 50 millions la dernière. Mais il divise les ministères concernés. Celui de l’Agriculture préfèrerait, par exemple, une version adoucie, en trois fois 85 millions d’euros économisés.
Par ailleurs, la mission Queyranne s'attaque au taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (la TICPE), c'est-à-dire à l'allègement d'impôts sur le carburant dont bénéficient les agriculteurs (121 millions d'euros en 2012), les transporteurs routiers (330 millions d'euros), et les taxis (22 millions d’euros). "Anti-écologique, couteux et non-progressif", assène le rapport, qui propose une réorientation de cette fiscalité pour économiser de 423 à 467 millions d'euros selon les scénarios choisis. Pourquoi pas, répond le Cimap, qui estime que "des discussions avec les professionnels doivent être menées". Reste à savoir dans quelle mesure la réduction sera modifiée.
Les niches fiscales. Ces exonérations d'impôts en tous genres sont régulièrement pointées du doigt. Sur 400 millions d’euros dégagés par le rapport Queyranne, le Budget en a identifié "un maximal réalisable de 300 millions d’euros". Avant de reconnaître qu’après arbitrage, elles seront même plutôt "d’une centaine de millions d’euros." Pour accentuer tout de même les efforts, le gouvernement prévoit la création d’un groupe de travail interministériel pour trouver de nouvelles économies en vue du projet de loi de finances 2015.
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