Avoir un accent, est-ce un handicap pour figurer à une élection présidentielle ?
Vendredi 9 décembre, Eva Joly a publié un clip vidéo sur Dailymotion où elle défend, non sans humour, son accent norvégien. A cette occasion, France TV 2012 a dressé la liste des 5 candidats de l'histoire avec l'accent le plus prononcé. Subjectivité.
Jacques Duclos, candidat du Parti communiste en 1969
Duclos : c'est une voix familière des actualités de l'après-guerre pendant trente ans. Son accent rocailleux est celui des Hautes Pyrénees. Mais derrière la rondeur du galet des gaves se cachait le silex de la stricte orthodoxie stalinienne. Son accent rendait sympathiques des paroles qui l'étaient moins. Un paradoxe expliqué par l'écrivain Dominique Desanti, compagne de route un temps du PCF.
"Symbiose de la tradition oratoire du Midi et des rites du langage communiste qui gagne de la saveur à rouler sur le gravier d'un accent. Rond le petit corps, ronde la grosse tête, rondes les lunettes ; tout rassure, tout fait penser au matou ronronnant quand soudain cette voix vous emporte et quand soudain le regard, perçant et froid, vous atteint". (Extrait du livre "Les Staliniens")
Gérard Schivardi, candidat du Parti des Travailleurs en 2007
Gérard Schivardi conjugue un accent du sud-ouest prononcé et une élocution "spéciale". Le candidat lambertiste (trotskiste) mâche les mots longuement dans sa bouche avant de les servir à nos oreilles. Ils exhalent alors une douce saveur d'authenticité terroir même si on ne comprend pas tout.
En ces temps de paroles formatées par les séances de média-training, M. Schivardi rafraîchit la campagne de 2007. L'humoriste Nicolas Canteloup en a fait sa victime favorite. Il le caricature en alcoolique. A part M. Schivardi, personne ne semble s'en être offusqué.
Valéry Giscard d'Estaing candidat en 1974 et 1981.
Avec Valéry Giscard d'Estaing, surnommé VGE, on est à la frontière de l'accent et du défaut de prononciation. C'est le chuintement propre à ses racines auvergnates. Cet accent lança la carrière de Thierry Le Luron, et il ne défît pas celle du fondateur des Républicains indépendants, l'aile libérale et non gaulliste de la droite.
Peut-être son destin eût-il été différent, si VGE avait gardé l'accent de sa ville natale : Coblence en Allemagne.
Arlette Laguiller candidate inamovible de 1974 à 2007 pour Lutte Ouvrière
L'accent parisien cela s'appelle la gouaille. "Melle Laguiller" est née à Paris et a grandi en Seine-Saint-Denis. Arlette ou la môme révolutionnaire, comme si Michel Audiard avait dialogué "Das Kapital" de Karl Marx. Elle ne boit pas, elle ne fume pas, mais qu'est ce qu'elle cause dans les meetings !
Elle s'attardait en fin de diphtongue, parce que la lutte, comme la prononciation, ne peuvent exister que finales.
Sa dauphine Nathalie Arthaud a les mêmes intonations que sa mentor. "Travailleuses, travailleurs". Le disque est rayé mais une élection présidentielle sans cette attaque de discours ne serait pas tout à fait une élection présidentielle.
Gaston Defferre, candidat de la gauche en 1969
Il manquait un représentant de l'accent marseillais. Celui de Gaston Defferre, maire de la ville pendant 36 ans, n'est pas celui de Fernandel. Pour la faconde méridionale, il faut aller voir du côté de son successeur Jean-Claude Gaudin. Et pourtant, dans sa pointe discrète et mouchetée, la musique de Gaston Defferre se révèle bien du sud comme l'écrivait Pierre Viansson- Ponté.
"Sa voix lente coule sans inflexions ni effets sur cette très légère cadence musicale qui est la dernière trace d'accent chez les bourgeois cultivés du midi", écrivait le journaliste du Monde. Le phrasé de Gaston Defferre était celui de quelqu'un saisi au réveil d'une longue sieste dans les calanques. En lui donnant 5% des voix en 1969, les Français n'ont sans doute pas voulu le réveiller.
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