"Les esturgeons ne portent pas de chapka", lâche Montebourg en parlant de Hollande
L'ancien ministre était l'invité du concours d'éloquence de la Conférence de l'ordre des avocats de Paris, jeudi 11 décembre. Derrière l'humour imposé de l'exercice ont affleuré quelques allusions à l'actualité.
Discret depuis son éviction du gouvernement, Arnaud Montebourg a joué le jeu de la conférence Berryer, un concours d'éloquence organisé par la Conférence de l'ordre des avocats parisiens, au ton volontiers potache. Plus de 2 000 personnes ont rempli la salle de la Mutualité, à Paris, jeudi 11 décembre, tandis que les douze "secrétaires" chargés de commenter les deux candidats étaient vêtus d'une marinière. Un clin d'œil à la couverture du Parisien Magazine dédiée au "made in France", en octobre 2012, qui a fait couler tant d'encre.
"On m'a demandé les appréciations de mes supérieurs"
Ancien secrétaire de cette conférence, Arnaud Montebourg évoque ses souvenirs d'avocat. "Je me souviens des gamelles que je me suis prises à la 17e chambre, à la 23e chambre, la prison le samedi matin avec ma petite 205… Je dois vous dire que je ne regrette pas cette vie… C'était une plaisanterie." Il s'en prend ensuite à l'ENA : "C'est l'école des savants, des sachants et des experts, mais pour moi c'est l'école de l'arrogance alors que le barreau, c'est le symbole de l'humilité."
(BFMTV/YOUTUBE)
Aujourd'hui, rebelote. Arnaud Montebourg est toujours étudiant car il a entamé une formation à l'Insead, une école de commerce, ce qui lui vaut quelques tacles. "Laurent Fabius est ministre des Affaires étrangères et vous, vous êtes étudiant." L'ancien ministre du Redressement productif raconte tout de même son examen d'entrée. "On m'a demandé les appréciations de mes supérieurs. 'C'est le Premier ministre et le président de la République française, je peux vous donner leurs téléphones mobiles…' Et là, le directeur du programme m'a dit qu'il allait faire sans." Puis, pendant de longues minutes, il vante l'Insead, qui lui a permis de donner des cours de politique française à des camarades japonais ou pakistanais.
"Une nationalisation échoue quand il y a trop de tapage"
Le premier candidat prononce son discours sur le thème : "Faut-il dire Bercy pour ce moment ?" Arnaud Montebourg est invité à commenter l'intervention, truffée de jeux de mots. L'occasion, mine de rien, de défendre son bilan au ministère. "Vous avez parfaitement identifié, à travers votre jeu de mots 'Florange mécanique', qu'une nationalisation échoue quand il y a trop de tapage autour. Nous avons nationalisé PSA et Alstom sans que personne ne s'en rende compte. Aujourd'hui, la famille Peugeot a perdu le pouvoir et c'est un administrateur de l'Etat, monsieur Louis Gallois, qui dirige PSA."
Alors que 30 000 notaires, huissiers et avocats ont défilé à Paris contre la loi Macron, l'ancien ministre apporte son soutien au texte, au nom de la fin des monopoles. Exemple avec les divorces. "II faut non seulement un avocat qui vous représente mais aussi un avocat qui postule, quand le conjoint habite dans une autre ville. Il faut donc deux avocats au lieu d'un. Je crois que la loi Macron a raison de proposer la fin du monopole de la postulation." L'ancien ministre prend soin de ne pas fâcher tout à fait l'auditoire, en ajoutant que les avocats gagnent "dix fois moins que les greffiers de commerce (...) car ils ont le goût de la concurrence".
"Ceux qui sont de gauche, qui pourraient être de droite"
Quand le deuxième candidat achève son discours sur le thème : "Peut-on régner sur la gauche caviar avec le charisme d'un esturgeon ?", Arnaud Montebourg adopte alors un ton bien plus saignant. "Ce n'est pas rien, la gauche caviar, car elle existe : ce sont les héritiers, la noblesse d'Etat, ceux qui sont nés pour gouverner, qui sont de gauche, qui pourraient être de droite, qui sont interchangeables."
Il lance une charge à peine voilée contre François Hollande. "J'ai pris la notice Wikipedia, l'esturgeon est un poisson qui remonte les courants. Il a connu une forte régression qui l'a conduit au bord de l'extinction. Il fait depuis 2007 en France l'objet d'un plan de restauration (…). Vous auriez pu aussi dire que les esturgeons ne portent pas de chapka." Cette allusion ironique à la photo de François Hollande au Kazakhstan lui vaut les applaudissements nourris de l'auditoire. C'est tout pour ce soir. A la fin de la conférence, bien après minuit, la presse fond sur lui. "Non, mais vous avez vu l'heure ? Vous êtes charmants, mais je ne m'exprime pas."
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