Ecoutes de Sarkozy : une affaire qui fâche tout le monde
Les nouvelles révélations de Mediapart sur le contenus des écoutes de Nicolas Sarkozy avec son avocat, Thierry Herzog, font vivement réagir, à gauche, à droite et dans la sphère judiciaire.
Indignation générale à propos de l'affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy. Le site Mediapart a révélé, mardi 18 mars, le contenu de conversations entre Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, sur la ligne téléphonique "secrète" de l'ancien président, ouverte sous le nom d'emprunt de Paul Bismuth. Ces discussions sont le résultat des sept interceptions judiciaires effectuées, entre le 28 janvier et le 11 février, par les juges chargés de l'enquête sur le présumé financement libyen de la campagne de 2007.
Mais ces échanges nourrissent d'autres dossiers, notamment à la marge de l'affaire Bettencourt, et fâchent bien au-delà de l'UMP. Autopsie d'une indignation collective.
L'UMP dénonce le cabinet noir... de François Hollande
Les propos de Nicolas Sarkozy révèlent, selon Mediapart, la mise en place d'"un cabinet noir pour neutraliser les juges qui enquêtent sur lui". Mais pour l'UMP, s'il existe un cabinet noir, il est plutôt du côté du l'Elysée, a défendu sur BFMTV Guillaume Peltier. Selon le vice-président de l'UMP, sa mission serait en substance d'empêcher le retour de Nicolas Sarkozy en 2017.
Libération note qu'il s'agit d'une position partagée au sein du parti : comme Guillaume Peltier, Nathalie Kosciuzko-Morizet avait brandi plus tôt le fait que François Hollande ait rencontré des journalistes du Monde le jour de la révélation des écoutes de Sarkozy par ce même journal, comme une "preuve de la conjuration juridico-politico-médiatique" derrière cette prétendue manœuvre.
Pour sa part, Henri Gaino, ancienne plume de l'ex-président, cité par Libération, ces écoutes ne constituent pas une preuve "tangible" contre Nicolas Sarkozy, qui a, rappelle-t-il, été blanchi dans l'affaire Bettencourt.
Les magistrats à l'offensive
Selon les révélations de Mediapart, Thierry Herzog, l'avocat de Sarkozy, surnomme les juges en charge d'instruire l'affaire Bettencourt "les bâtards de Bordeaux". Pour le président de l'Union syndicale des magistrats, Christophe Régnard, interrogé sur Europe 1, ce vocabulaire "n'est pas du tout adapté". Selon lui, "on a un peu le sentiment en entendant ça, qu'il y a une organisation de la défense qui passe par un certain nombre de pressions amicales, pour obtenir des juges de la Cour de cassation une décision favorable".
Surtout, Mediapart évoque un "complot" de l'ex-président "pour neutraliser les juges qui enquêtent sur lui". De quoi mettre les magistrats plutôt en colère, y compris contre les avocats qui défendent coûte que coûte "le secret" de leurs échanges avec leurs clients. "J'ai envie de dire à tous ceux qui, depuis dix jours, parlent du complot des juges, ou des atteintes graves au secret professionnel des avocats, qu'à la lecture de ces événements, ils vont regretter d'avoir tenu ces propos imprudents", prévient le magistrat.
"Manifestement, ce qui existe et ce qu'il y a dans ces écoutes justifie pleinement qu'il y ait des investigations supplémentaires qui soient menées, pour déterminer si, oui ou non, il y a trafic d'influence, qui n'est autre en réalité que une espèce de forme de corruption", conclut Christophe Régnard.
La majorité crie au scandale d'Etat (à son tour)
Quelques jours plus tôt, l'expression "scandale d'Etat" figurait dans le vocabulaire de l'opposition. L'UMP accusait alors la garde des Sceaux, Christiane Taubira, d'avoir été informée de ces écoutes. Avec ces révélations, et ce retournement de situation, le PS pourrait donc se réapproprier cet élément de langage. Pour le député PS Yann Galut, ces écoutes accentuent d'ailleurs "les soupçons qui pèsent sur l'ancien chef de l'État et confirment, si les faits sont avérés, l'existence d'un scandale de grande ampleur".
Le porte-parole du PS, David Assouline, a estimé mardi 18 mars au soir que "les propos et les faits relatés sont absolument ahurissants et blessants pour la démocratie, si les faits sont avérés". Auquel cas "on comprendrait mieux pourquoi l'UMP a déployé autant de rideaux de fumée et une telle violence contre l'institution judiciaire et des juges indépendants", a poursuivi le porte-parole.
Pour la majorité, il est toujours question de rappeler l'indépendance des magistrats et d'accuser l'ancien président de ne pas l'avoir fait respecter. "Je constate que les dix dernières années, il y a eu des pressions sur la justice", a accusé le maire de Paris Bertrand Delanoë, invité de RTL. "Avec François Hollande, nous sommes sûrs qu'il y a l'indépendance de la justice, comme c'était le cas avec Lionel Jospin", a-t-il poursuivi.
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