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Ce que contiennent les écoutes de Nicolas Sarkozy validées par la Cour de cassation

La Cour de cassation a validé les écoutes téléphoniques dont Nicolas Sarkozy et son avocat ont fait l'objet. Elles tendent à prouver que l'ancien chef de l'Etat a tenté d'influencer une décision de justice le concernant dans l'affaire Bettencourt.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Nicolas Sarkozy à Paris, le 20 février 2012. (BENOIT TESSIER / REUTERS)

La Cour de cassation a validé, mardi 22 mars, les écoutes téléphoniques dont ont fait l'objet Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog. Dans cette affaire, l'ancien président est mis en examen depuis juillet 2014 pour "recel de violation du secret professionnel, corruption active et trafic d'influence actif". Il est soupçonné, avec le concours de son avocat (également mis en examen), d'avoir tenté d'influencer une décision de justice le concernant dans l'affaire Bettencourt, via un haut magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert. En échange de ses services, Nicolas Sarkozy lui aurait promis àd'user de son influence pour lui obtenir un poste de prestige à Monaco.

La décision de la Cour de cassation est d'une importance capitale pour la suite de la procédure, puisque cette mise en examen repose en grande partie sur ces écoutes téléphoniques. Voici ce que contiennent ces écoutes et en quoi elles placent Nicolas Sarkozy dans une position délicate.

Sarkozy et son avocat évoquent l'aide que leur apporte le haut magistrat Azibert

Les écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog d'une part, Thierry Herzog et le haut magistrat Gilbert Azibert d'autre part, montrent que l'ancien chef de l'Etat et son conseil tentent d'obtenir des informations sur l'avancement du pourvoi effectué par Nicolas Sarkozy devant la Cour de cassation dans l'affaire Bettencourt.

Nous sommes début 2014. La plus haute juridiction judiciaire française doit se prononcer dans les semaines à venir sur la validité ou non de la saisie des agendas de Nicolas Sarkozy. Alors que la Cour n'a pas encore rendu sa décision, Thierry Herzog est en contact avec un haut magistrat de l'institution, Gilbert Azibert, qui va le renseigner sur l'évolution du dossier.

Voici par exemple la teneur de l'une des conversations écoutées entre Nicolas Sarkozy et son avocat :

– Thierry Herzog : [Gilbert] a dit que que ça renforçait nos chances. Et puis là, ce matin, il m'a dit qu'il avait rendez-vous en fin de matinée avec un des conseillers pour bien lui expliquer ce qu'il faudrait… Mais il me dit qu'il est optimiste.
– Nicolas Sarkozy : Bon. Mais il confirme toujours que le rapporteur est pour nous ?
– Thierry Herzog : Ah oui. Mais il me dit : "Je suis optimiste." Ça m'arrive rarement, mais là, tu peux dire au président que je suis optimiste.

Ils parlent de leurs démarches à Monaco pour offrir un poste à Azibert

Pendant que Gilbert Azibert s'évertue à renseigner Thierry Herzog sur l'affaire concernant son client, Nicolas Sarkozy laisse entendre qu'il va appuyer le haut magistrat dans sa quête d'un poste haut placé au sein de la justice monégasque.

Extraits : 

– Thierry Herzog : Il va y avoir un poste qui se libère au Conseil d'Etat monégasque et il était bien placé. Mais, simplement, il me dit, euh : "J'ose pas demander. Peut-être qu'il faudra que j'aie un coup de pouce". Ben je lui ai dit : "Tu rigoles, avec ce que tu fais…"
– Nicolas Sarkozy : Non, ben t'inquiète pas, dis-lui. Appelle-le aujourd'hui en disant que je m'en occuperai parce que moi je vais à Monaco et je verrai le Prince.

Quelques jours plus tard, Nicolas Sarkozy se fait plus précis sur la démarche entreprise à Monaco :

– Nicolas Sarkozy : Je voulais te dire, pour que tu puisses le dire à Gilbert Azibert, que j'ai rendez-vous à midi avec Michel Roger, le ministre d'Etat de Monaco.
– Thierry Herzog : Ministre d'Etat, ouais, bon bah super, bah je vais l'appeler maintenant.
– Nicolas Sarkozy : Il veut un poste de conseiller d'Etat ici ?
– Thierry Herzog : Euh oui, qui va se libérer en mars, et donc il avait postulé disant que ça lui plairait comme fonction, puisqu'il peut l'exercer.
(…)
– Nicolas Sarkozy : OK, tu peux lui dire qu'à midi je ferai la démarche, puis je t'appellerai pour te dire ce qu'il en est.

Leurs conversations changent subitement de nature une fois qu'ils se savent écoutés

Les conversations concernant les services rendus par Gilbert Azibert et les démarches effectuées à Monaco ont toutes été interceptées lors d'écoutes sur deux lignes téléphoniques soucrites par Thierry Herzog au nom de Paul Bismuth. Deux lignes utlisées par Nicolas Sarkozy et son avocat pour échapper aux écoutes dont leurs lignes officielles étaient la cible.

Mais le 25 février 2014, Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog obtiennent un renseignement leur permettant de savoir que les lignes Bismuth sont également sur écoute. Subitement, la teneur des conversations change du tout au tout.

Dès le lendemain, pour la première fois, Thierry Herzog et Nicolas Sarkozy évoquent le nom de Gilbert Azibert lors d'une conversation sur leurs lignes officielles. L'ex-chef de l'Etat informe son avocat qu'il a bien parlé au ministre d'Etat monégasque, mais que finalement, il ne lui a pas parlé de "Gilbert", expliquant être gêné de recommander quelqu'un qu'il ne connaît "pas très bien". Le 3 mars, Thierry Herzog confie pourtant à Gilbert Azibert que "la démarche à Monaco a été faite".

De tous ces éléments, les enquêteurs concluent que les intentions des trois protagonistes sont "claires". "Gilbert Azibert est sollicité pour obtenir des informations et démarcher des conseillers à la Cour de cassation. En contrepartie, Nicolas Sarkozy accepte de l'aider à obtenir un poste à Monaco. Ces faits sont constitutifs du trafic d'influence", estiment-ils.

Pour démontrer le contraire, la défense de Nicolas Sarkozy souligne que l'ancien président n'a pas obtenu gain de cause devant la Cour de cassation (la saisie des agendas a été confirmée) et que Gilbert Azibert n'a finalement pas obtenu le poste qu'il convoitait à Monaco. Interrogé lors de sa garde à vue en mars 2014, Nicolas Sarkozy a affirmé que la démarche en faveur de Gilbert Azibert auprès des autorités monégasques n'avait pas été faite et qu'ainsi, l'infraction n'existait pas.

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