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Jérôme Cahuzac, itinéraire d'un homme politique en pleine tempête

Après la mise en examen de l'ancien ministre, qui est passé aux aveux, francetv info revient sur sa carrière.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Jérôme Cahuzac, dans son bureau du ministère du Budget, à Paris, le 29 mai 2012. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Le boxeur abandonne le combat. Après quatre mois de démentis, l'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, a reconnu, mardi 2 avril, détenir un compte à l'étranger. Les juges l'ont mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale dans la foulée.

Cet amateur de boxe, réputé "sanguin, cogneur, physique" sur le ring, selon Le Monde.fr, a expliqué être tombé "dans une spirale du mensonge". Il a demandé pardon au président de la République, au gouvernement, aux élus, à ses amis et à sa famille. 

Francetv info revient sur le parcours de cet ancien ministre dans la tourmente.

De la chirurgie à la politique

"Brillant". Dans le camp socialiste, tout le monde salue sa rigueur et ses compétences en matière de finance et de fiscalité. Des matières qui ne sont pourtant pas son cœur de métier. Car Jérôme Cahuzac, avant de tailler dans les dépenses de l'Etat, a manié le scalpel dans des salles d'opération. Chirurgien en cardiologie, chef de clinique, il met entre parenthèses sa carrière à la fin des années 1980 pour rejoindre le cabinet de Claude Evin, ministre de la Santé du gouvernement Rocard, et fait ensuite partie de l'équipe de Lionel Jospin, candidat à l'élection présidentielle en 1995.

Après la défaite face à Jacques Chirac, il revient à la chirurgie, mais dans un secteur beaucoup plus lucratif. Il fonde avec son épouse, également médecin, une clinique spécialisée dans le cuir chevelu, "où les quinquagénaires du tout-Paris viennent se faire implanter des cheveux", note Le Monde. Une activité qui fera sa fortune. Mais il n'a pas tiré un trait sur sa carrière politique. Parachuté à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), il est élu député en 1997, battu en 2002, puis réélu en 2007. Il est également maire de la ville de 2001 à 2012. Jérôme Cahuzac se fait remarquer par sa spontanéité et son côté "sanguin", comme lorsqu'en avril 2011, il gifle un jeune dans sa commune, expliquait alors RTL.fr.

Le "père la rigueur" du gouvernement

Passionné de fiscalité, il profite de la nomination de Didier Migaud à la Cour des comptes pour prendre, en 2010, la présidence de la commission des Finances de l'Assemblée. Il devient tout naturellement le responsable de ces questions dans l'équipe de campagne de François Hollande. Après l'arrivée à l'Elysée du candidat socialiste, il décroche son premier portefeuille ministériel, au Budget. Cet ex-admirateur de Michel Rocard et Lionel Jospin, proche de Dominique Strauss-Kahn avant de rejoindre le candidat Hollande, enfile le costume du "père la rigueur", de celui qui dit non aux dépenses. Le président en fait l'homme du redressement fiscal, comme le titrait Le Monde fin septembre. Sa mission : économiser 10 milliards d'euros et ramener le déficit budgétaire à 3%.

Ce rôle lui plaît, et il en joue. Pour preuve, au cinquième étage de Bercy, juste en face de son bureau, il accroche deux portraits originaux de Picsou offerts par des amis, comme il le confessait sur BFMTV. Mais son franc-parler et son intransigeance font des étincelles. Résultat, lors de la préparation du budget 2013, certains ministres sortent meurtris des négociations, comme le rapportent Les Echos. A la sortie de leur entretien, les noms d'oiseaux fusent : "misogyne prétentieux" pour Cécile Duflot, "incorrect" selon Michel Sapin, ou encore "cassant" et "éruptif". Cahuzac encaisse les coups, mais tient bon.

Compte en Suisse et autres contrariétés

S'il se dit "décalqué" à la fin de l'été 2012, après les négociations sur le budget, un autre combat s'engage, le 4 décembre, avec les révélations de Mediapart sur l'existence d'un compte suisse qu'il aurait détenu depuis le début des années 1990. Le ministre s'en défend et réclame l'ouverture d'une enquête préliminaire, qu'il obtiendra le 8 janvier.

L'affaire fait ressortir d'autres vieilles histoires, comme ses liens avec les laboratoires pharmaceutiques, rappelait ainsi Le Parisien fin décembre. Sud Ouest revient aussi en décembre sur sa condamnation en 2007 pour l'emploi d'une femme de ménage originaire des Philippines et en situation irrégulière.

Mais avec ces soupçons d'évasion fiscale, l'affaire propulse sur la place publique la situation financière de Jérôme Cahuzac, l'obligeant à se justifier sur ses revenus et ses biens immobiliers, explique Challenges.fr. Il prête ainsi le flanc à la critique, alors que le débat sur la taxation des hauts revenus fait rage.

Le ministre, qui doit défendre et mettre en application une des mesures phares du quinquennat de François Hollande et traquer les évadés fiscaux, est affaibli, comme l'expliquait alors l'éditorialiste Françoise Fressoz sur son blog. Avec le soutien du président et du Premier ministre, Jérôme Cahuzac est resté sur le ring pendant quatre mois. Mais il n'a pas réussi à éviter le KO.

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