Hollande face à l'affaire Cahuzac : retour sur ses trois interventions télé
Entre le 28 mars et le 10 avril, les événements ont évolué autant que le discours du président. Décryptage.
A contexte exceptionnel, réactions exceptionnelles. Affaire Cahuzac oblige, François Hollande est intervenu trois fois à la télévision en deux semaines. Le premier épisode de cette trilogie date du 28 mars sur France 2. Le président était attendu au tournant pour réaffirmer le cap de l'exécutif, défendre la politique menée par le gouvernement. Le deuxième épisode, très bref, a été diffusé le 3 avril, au lendemain des aveux de Jérôme Cahuzac, et avant le voyage officiel du chef de l'Etat au Maroc. Il s'agissait d'un message enregistré à l'Elysée. Le troisième date du 10 avril. Le président a tenu une conférence à l'Elysée.
Entre la première et la dernière, les éléments de l'affaire Cahuzac ont évolué. Le discours et l'expression du président aussi. Décryptage avec Thierry Vedel, politologue et chargé de recherche au Cevipof.
1Son ressenti
"Je fais confiance à sa parole. Quand il y a eu les premières révélations, il m'a dit qu'il n'avait pas de compte. Il l’a d'ailleurs répété devant l'Assemblée nationale", a répondu François Hollande, interrogé le 28 mars sur le départ de Jérôme Cahuzac du gouvernement. Le 3 avril, au lendemain des aveux de l'ancien ministre du Budget, il fait part de sa "stupéfaction" et de sa "colère". Une semaine plus tard, il se dit "blessé, heurté, meurtri même".
"Un président de la République est constamment pris dans une tension extrême entre la nécessité d'être à la hauteur de l'intérêt général, et celle de montrer qu'il est un être humain comme les autres", analyse pour francetv info Thierry Vedel. "Là, François Hollande place son propos sur la relation entre deux personnes : lui et son ancien ministre."
"Chaque président trouve sa façon de faire. De Gaulle était dans la non-émotion. Sarkozy montrait qu'il était humain en courant tous les matins, en faisant du vélo en vacances, en transpirant", rappelle le chercheur. "François Hollande n'a pas encore trouvé son style", estime-t-il.
2Sa vision de l'affaire
"Je ne peux pas préjuger. Je n'ai pas d'ailleurs dit qu'il était coupable. Ça, ce sera à la justice de le dire", déclare le président le 28 mars. Mais après les aveux de Jérôme Cahuzac, il condamne, le 3 avril, "une faute impardonnable, un outrage fait à la République". Le 10 avril, il estime que "c'est une affaire qui vient après tant d'années où des affaires ont émaillé la vie publique. Trop d'affaires".
"Le plus frappant, c'est lorsqu'il évoque une 'faute impardonnable'. François Hollande répond ainsi directement à Jérôme Cahuzac, qui réclame le pardon. C'est une fin de non-recevoir", explique Thierry Vedel. "Surtout, avec le pardon, on est presque dans le domaine religieux, on n'est plus dans l'intime", ajoute-t-il.
3Sa ligne de défense
"Dès lors qu'on est en procédure, on ne peut plus rester au gouvernement", rappelle François Hollande le 28 mars. Le 3 avril, après les aveux de Jérôme Cahuzac, il affirme que l'ancien ministre du Budget "n'a bénéficié d'aucune protection autre que celle de la présomption d'innocence". Et d'ajouter qu'il "a quitté le gouvernement à ma demande dès l'ouverture d'une information judiciaire". Ce que le chef de l'Etat rappelle une semaine plus tard face aux journalistes alors que la droite accuse le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, d'avoir couvert Jérôme Cahuzac, qui était sous sa tutelle.
"François Hollande a répété qu'il s'agissait de la 'défaillance d'un homme'. C'est important car cela signifie que ce n'est pas tout le système qui est mis en cause. Seulement une personne", analyse le politologue. "De plus, tout est parti de l'aveu. C'est-à-dire que l'individu incriminé, en l'occurence Jérôme Cahuzac, porte toute la responsabilité du scandale. Le message à faire passer pour le président est celui-ci : 'c'est une faute personnelle et non pas une faille du système'", poursuit Thierry Vedel. Selon lui, "le président a intérêt à l'affirmer, sinon cela signifie que le système n'a plus de raison de se maintenir".
4Son objectif
"Exemplarité", "République exemplaire". François Hollande en avait fait un thème de campagne. Il n'a cessé de le réaffirmer depuis, et l'a martelé lors de ses trois dernières interventions. Et le locataire de l'Elysée ne compte pas dévier de cet objectif : "L'exemplarité des responsables publics sera totale", lance-t-il le 3 avril. "Je serai implacable", prévient le président une semaine plus tard.
"Son morceau de bravoure 'Moi, président' est largement écorné. Il est obligé de reconnaître que sa République n'est pas si 'exemplaire' qu'il l'aurait voulu", relève le politologue. "Les possibilités stratégiques sont très réduites. Je ne vois pas ce qu'il pourrait faire d'autre que s'attacher à cet engagement", poursuit Thierry Vedel. "Mais ce positionnement a sûrement été travaillé avec ses conseillers spécialistes de l'opinion : la majorité de la population estime que François Hollande est mou, alors il joue sur la carte de l'honnêteté", estime le spécialiste.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.