Eric Woerth a nié jeudi les accusations de conflit d'intérêts et de financement politique illégal, a déclaré son avocat
Pour Me Jean-Yves Leborgne, le ministre du Travail, entendu comme témoin par les policiers de la brigade financière pendant plus de six heures à son ministère, se situe
désormais "en dehors de la polémique".
M. Woerth "à aucun moment n'est intervenu pour que son épouse soit embauchée par M. de Maistre", a ajouté son avocat.
Ex-ministre du Budget, Eric Woerth a été questionné sur l'embauche en 2007 de son épouse Florence chez le gestionnaire de la fortune Bettencourt. L'audition portait aussi sur des soupçons de financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, dont il était le trésorier en 2007.
"En ce qui concerne le financement politique il a, avec une vigueur et une énergie particulière, nié avoir reçu un quelconque financement politique qui eut été non conforme à la loi", a ffirmé Me Leborgne. "C'est dans les termes de la loi et en fonction de ce que les règles de la République permettent que des financements ont été recueillis. Toutes autres allégations ne sont que des mensonges et des fantasmes", a-t-il ajouté.
"Je compte sur vous (les médias ndlr) pour que ces illusions, ces allégations, ces mensonges qui ont nourri une chronique pendant trop longtemps, aient un terme et je pense que la justice dira, dans un avenir que j'espère le plus proche possible, que les explications d'Eric Woerth le mettent complètement en dehors de la polémique que nous connaissons".
"Il a nié avoir reçu d'autre financement que ceux que la loi autorise", a insisté l'avocat. Selon lui, "si l'audition a duré ce temps-là, c'est parce qu'Eric Woerth voulait donner toutes les explications, il a dit depuis longtemps qu'il était impatient d'être entendu, il a subi les romans, les allégations, les soupçons qui l'ont concerné pendant un certain temps. C'était pour lui l'occasion d'y mettre un terme", a-t-il fait valoir.
"Aucune perquisition n'a eu lieu aujourd'hui", a dit en outre l'avocat.
Aucune poursuite ne peut -être décidée dans l'immédiat
C'est le 21 juillet dernier que le Conseil des ministres a autorisé l'audition comme témoin du ministre du Travail, à la demande du parquet.
Le cabinet du ministre indiquait mercredi soir qu'Eric Woerth annulait jeudi un déplacement sur le thème des retraites agricoles en Eure-et-Loir.
Aucune poursuite ne peut être décidée dans l'immédiat dans le cadre actuel d'une enquête préliminaire sous contrôle du parquet, sauf ouverture d'information judiciaire et désignation d'un juge d'instruction indépendant, option écartée pour l'instant par le procureur Philippe Courroye.
Depuis le début de l'affaire, le président Nicolas Sarkozy a apporté publiquement sa confiance et son soutien à Eric Woerth pour qu'il mène à son terme la réforme des retraites jusqu'à l'échéance prévue d'octobre.
Le parquet de Nanterre a ouvert quatre enquêtes préliminaires à la suite de l'apparition dans la presse mi-juin d'enregistrements clandestins de Liliane Bettencourt qui font apparaître des soupçons de fraude fiscale et de trafic d'influence.
Florence Woerth déjà entendue
La police a mené depuis une série d'auditions et a entendu la semaine dernière Florence Woerth, embauchée en novembre 2007 pour 200.000 euros par an par Clymène, société qui gère la fortune de Liliane Bettencourt. Eric Woerth avait été nommé ministre du Budget six mois auparavant.
Selon son avocat, Florence Woerth a nié tout arrangement et tout appui de son mari devant les policiers. Elle a expliqué avoir rencontré Patrice de Maistre, patron de Clymène, dans le cadre de son emploi antérieur. Elle a affirmé que c'est ce dernier qui lui a proposé une embauche à l'été 2007.
Les relations Woerth-Maistre
Patrice de Maistre a déclaré devant la police qu'Eric Woerth lui avait demandé de voir sa femme pour "la conseiller sur sa carrière". Sur les enregistrements clandestins, Patrice de Maistre explique avoir embauché Florence Woerth pour "faire plaisir" à son mari et à la demande de ce dernier.
La police s'est fait remettre le dossier d'attribution de la Légion d'honneur en juillet 2007 à Patrice de Maistre. La décoration lui a été remise par Eric Woerth en janvier 2008.
La police sait aussi que Patrice de Maistre remettait au moins depuis 2006 à Eric Woerth, trésorier de l'UMP, des chèques de Liliane Bettencourt pour le parti majoritaire.
Si les écoutes révèlent bien des dons de la milliardaire au parti du président Nicolas Sarkozy, rien n'indique que les montants légaux aient été dépassés.
Les accusations de financement illégal reposent sur les déclarations réitérées de l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, pour lesquelles une autre enquête est ouverte. Elle affirme que Patrice de Maistre lui avait demandé de retirer 150.000 euros en pleine campagne présidentielle qu'il aurait ensuite remis à Eric Woerth. Elle évoquait la date du 26 mars avant d'affirmer, ses agendas à l'appui, que les faits remontaient au 19 janvier 2007.
Des accusations "tout simplement ridicules", avait balayé Patrice de Maistre dans un entretien au Journal du dimanche.
Les écoutes clandestines réalisées chez Liliane Bettencourt, révélées mi-juin suggèrent un possible conflit d'intérêts de la part d'Eric Woerth, à la fois ministre du Budget (mai 2007-mars 2010) et trésorier de l'UMP (poste dont il a démissionné).
Réactions
Le porte-parole adjoint de l'UMP, Dominique Paillé, a estimé que l'affaire laisserait "une trace". Eric Woerth "fait l'objet d'une chasse à l'homme absolument éhontée et à mes yeux tout à fait scandaleuse", a-t-il poursuivi. "J'espère que cette audition permettra à la justice de suivre son cours et à la curée médiatique dont il vient d'être l'objet de s'estomper définitivement", a-t-il encore déclaré.
Le député Nicolas Dupont-Aignan (ex-UMP) a dénoncé sur son blog le fait qu'Eric Woerth ait été entendu à son ministère et non dans les locaux de la brigade financière:"Si vous êtes milliardaire ou ministre, la police se déplace chez vous ou sur votre lieu de travail. Si vous êtes un simple citoyen, vous devez vous déplacer. Pourquoi ?" "Cette détestable impression de 'deux poids, deux mesures' n'est pas saine pour la démocratie", a-t-il ajouté.
Pour la secrétaire nationale du PS à la Justice, Marie-Pierre de la Gontrie, "on est dans un spectacle inimaginable et exceptionnel". "Personne ne sait ce qu'a dit Eric Woerth. Je n'ai rien entendu qui permette de répondre à la question du conflit d'intérêt", a-t-elle ajouté.
"On assiste à une vaste opération de mise en scène pour ce qui concerne M. Woerth et surtout, avec M. Courroye (procureur de Nanterre NDLR), à une opération qui consiste à gagner du temps pour que la vérité ne soit pas faite", a réagi le député vert Noël Mamère. Il évoque une "affaire d'Etat" concernant "le financement de la campagne présidentielle de M. Sarkozy. On est aussi dans une affaire Sarkozy".
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