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A Gandrange, "tout sauf que Sarko-mmence !"

Depuis la promesse non tenue du président en 2008, l'ancien site d'ArcelorMittal voit défiler les candidats à la présidentielle. Dont François Hollande, mardi. Pour autant, la défiance des habitants vis-à-vis des politiques n'a pas diminué. Reportage. 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'usine d'ArcelorMittal de Gandrange (Moselle), fermée en mars 2009 après une restructuration malgré les promesses de Nicolas Sarkozy un an auparavant. (SALOMÉ LEGRAND / FTVi)

Ah ça, c’est sûr, on ne les y reprendra plus ! Qu’ils y aient cru "deux secondes" ou des semaines, les habitants du bassin industriel autour de Gandrange, en Moselle, ont encore la promesse de Nicolas Sarkozy en travers de la gorge.

Le 4 février 2008, le président de la République s’était engagé à sauver l’aciérie menacée de restructuration par ArcelorMittal, la maison mère. Un an après, l’usine fermait, entraînant la suppression directe de près de 600 emplois et d’importants bouleversements pour les sous-traitants et intérimaires de la région."Depuis, ça défile !", sourit Antoinette, secrétaire au siège de la CFDT locale, qui reçoit les appels de tous les hommes politiques de passage.

Ségolène Royal, François Hollande, Jean-Luc Mélenchon, Christine Boutin, ils sont nombreux à être venus poser devant les grilles de l’usine devenue symbole de l’impuissance de l’Etat face à la logique d’entreprise. Pas de quoi cependant redorer le blason de la politique.

"Tout ce qu'ils veulent, c'est la place"

A 67 ans, René, retraité de la tuyauterie industrielle, est consterné : "La politique telle qu’elle est actuellement, j’ai jamais vu ça, elle ne va plus au fond des choses." Attablée avec lui, sa fille, quadra au brushing nickel et balayage blond, "ne sait plus trop pour qui voter", ça "ne l’intéresse plus". A la réflexion, elle voudrait "quelqu’un qui s’occupe des classes moyennes". Ce sera probablement le candidat socialiste, mais sans enthousiasme.

A l’heure du déjeuner, le Tie Break, restaurant aux allures de diner américain avec sa formule midi à 8,50 euros, ne fait pas le plein. Dans un box, Jérôme et Elodie s'avouent encore plus perdus. Lui n’exclut de voter pour personne "sauf les Verts. Je suis mécanicien dans le nucléaire". A 22 ans, l’assistante comptable, elle, se montre circonspecte à l'égard des politiques :"Tout ce qu’ils veulent, c’est la place." Et n’écarte pas le FN : "C’est le plus proche de la réalité, et la fille est un peu plus souple que le père, enfin si ça n’est pas une technique pour attirer l’électeur", pense-t-elle à voix haute.

"En tous cas, Sarko, c’est pas possible, martèle son ami. Celui qui commence par s’augmenter et tripler son salaire en arrivant au pouvoir, c’est niet." Même écho à Gandrange, au café-PMU du village. En bout de comptoir, Tex, Xavier et Dino papotent. Tex veut "un grand changement", et surtout pas que Sarkozy soit réélu. "S’il repasse, il va t’enlever tes chaussures", blague-t-il tandis qu’on entend son voisin murmurer : "Et Marine Le Pen, elle, elle promet 200 euros de plus pour les petits salaires."

"Le ras-le-bol de l'un, ça ne donne pas envie d'un autre"

"Ici, on ne parle ni politique, ni religion", intervient Mehmet. Le jeune patron du café, d’origine turque, ne veut pas d’histoires. Mais quand même, il le reconnaît, le sujet en ce moment autour du zinc, c’est de savoir s’il y a ou non boycott des signatures pour Marine Le Pen.

De quoi inquiéter Didier Zint, secrétaire général de la CFDT sidérurgie Lorraine. Le Républicain lorrain titré "La campagne s’emballe" traîne sur son bureau. Le syndicaliste analyse : "Le ras-le-bol de l’un, ça ne donne pas envie d’un autre. Je redoute le 'Au point où on en est, qu’est-ce qu’on perd à tout foutre par terre et à essayer autre chose' !" 

De son côté, ce n’est pas tant la montée du FN que l’abstention que craint Henri Octave, le maire de Gandrange. Si l'UMP s'est largement effondrée, en baisse de 7 points aux dernières élections régionales en mars 2010, l'abstention, elle, a bondi de 17 points par rapport aux régionales de 2004, atteignant un peu plus de 58 %. 

La révélation Mélenchon

Du coup, l'édile, encarté PS mais à la tête d'une équipe municipale sans étiquette, a déjà lancé une campagne pour appeler les gens à voter. Et il s’accroche : "On est au creux de la vague là", explique-t-il. "Tout a fermé donc on a tout à refaire, quasi à inventer", s’enthousiasme celui qui compte récupérer les 270 hectares de friches industrielles de Mittal et profiter de la médiatisation de Gandrange pour attirer des entreprises, "de l'économie verte" probablement.

A François Hollande, qu’il va voir pour la seconde fois alors que le candidat PS à la présidentielle se rend à Gandrange mardi 17 janvier, il compte lui demander d’être "efficace et concret". Le maire est en effet persuadé de l’écho que peut avoir le candidat socialiste sur place. "C’est un peu 'tout sauf que Sarko-mmence'", sourit-il, expliquant que certains citoyens lui ont confié préférer voter "mal à gauche", sans enthousiasme, qu’à droite.

A moins qu’ils ne choisissent Jean-Luc Mélenchon, la révélation pour Guy, emballé depuis la prestation du candidat du Front de gauche au cours de l’émission "Des paroles et des actes", jeudi 12 janvier. "Lui, au moins, il sait ce qu’il dit", souligne l’employé d’Ascométal, "35 ans dans la sidérurgie", surtout séduit par la proposition "de diminuer les salaires des patrons de 30 %". Et de déchanter illico : "Moi, j’espère un grand changement, de là à y croire..."

Tandis que son voisin rebondit : "Indépendamment du parti, on a besoin de quelqu’un qui reprenne les choses en main, parce que là, franchement, on en arrive à être vexés tellement ils nous prennent pour des cons."

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