Médias : Lire "Spécial Polar"
Ce mois-ci, plongez dans l’univers du polar avec le magazine Lire - en kiosque le 30 mars.
Retrouvez la sélection de Lire, toutes les critiques et les premières pages des nouveaux romans de John Grisham et Jussi Adler Olsen. Découvrez également un entretien exclusif avec le roi du polar, Michael Connely, chez lui à Los Angeles.
L'édito de Julien Bisson, rédacteur en chef de Lire
"Je ne sais pas ce qu’il en est chez vous, mais lorsque je jette un oeil à ma bibliothèque, j’ai parfois le sentiment d’y trouver des cartes postales du passé. Les grands livres ont cette magie de savoir garder entre leurs pages le souvenir des jours passés en leur compagnie. Il vous suffit d’en apercevoir la couverture, d’en effleurer le grain, d’en ressentir le poids, pour revivre ces longs moments en tête-à-tête, ces histoires d’amour fugaces que vous avez connues avec un roman chéri. Je me souviens encore de la découverte du Comte de Monte-Cristo, avalé en deux nuits d’insomnie dans un hôtel miteux du Sri Lanka. Du Monde selon Garp, ouvert un dimanche d’été dans la chambre de bonne que j’occupais étudiant. Je me souviens aussi de Sur la plage de Chesil, petit bijou d’Ian McEwan, lu d’une traite, et dont le dénouement m’avait laissé si frissonnant que j’en étais sorti du lit pour me préparer un thé chaud. Ou encore de ma première lecture de Gatsby le Magnifique : j’avais 18 ans alors et venais d’emménager à Naples, la flamboyante. Ne maîtrisant pas encore l’italien, je m’approvisionnais dans l’une des rares librairies de la ville à vendre des livres en français. J’y trouvai Gatsby, et je ne l’ai jamais quitté depuis, pas plus que la lumière verte sur le ponton de Daisy.
Autant dire que, pour moi comme pour des millions de lecteurs à travers le monde, la publication de Je me tuerais pour vous et autres nouvelles inédites (Fayard/Grasset) est un véritable événement. Soit dix-huit textes qui, hormis Reconnaissance de dette, rédigé alors que Fitzgerald n’a que 24 ans, se concentrent surtout sur les années 1930, jusqu’aux Peines de l’amour, finalisé en 1939, quelques mois avant sa mort. Criblé de dettes, marqué par l’insuccès et la réputation de dilettante qui lui colle à la peau, l’écrivain y expose les doutes d’un pays frappé de plein fouet par la Grande Dépression. Au fil des pages, on croisera des éditeurs rapaces, des vétérans de guerre meurtris, des bourgeois proches de la démence. Des femmes, aussi, fortes de leurs libertés nouvelles – notamment sexuelles. C’en est trop pour les patrons de journaux de l’époque, qui préfèrent retoquer ces textes. Ce qu’ils souhaitent, c’est retrouver le pétillant chroniqueur du Jazz Age, pas ce satiriste sombre et subversif, ce portraitiste d’un New York brutal et miséreux. Mais Fitzgerald a vieilli, s’est patiné avec les épreuves et le temps. Au strass et aux paillettes des Années folles ont succédé la désillusion et la maladie, le labeur et le désespoir. Ce sont les derniers feux d’un géant des lettres, symbole vivant d’une Amérique pour qui la noce est décidément bien finie.
Donald Trump lira-t-il ces nouvelles, qui se font si bien l’écho des promesses et des déceptions de l’histoire yankee?
Rien n’est moins sûr… "Trump ne lit rien! Même ses livres, il ne les a pas lus", tonne à ce sujet Michael Connelly, le géant du polar, que nous avons rencontré chez lui à Los Angeles. Donald Trump, ce triste nabab, ressemble en vérité à certains personnages de Fitzgerald, gâtés par le temps, le pouvoir et l’argent. Il sait que les écrivains ne l’aiment pas. Et, à vrai dire, il le leur rend bien. Dans son projet de budget pour 2018, qui vient d’être rendu public, le président américain prévoit la suppression de toute subvention au Fond national pour les arts, l’agence culturelle chargée, entre autres, de soutenir les lettres. Un signal désastreux, dans un pays où d’ores et déjà plus d’un habitant sur deux ne lit jamais de littérature.
America first ? Peut-être. Mais avec la culture au dernier rang. Tel est l’envers du paradis."
Plus d’informations sur le site de L’Express
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